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  Vol. 298 No. 13, 3 octobre 2007 TABLE OF CONTENTS
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Tentative de conception d'une femme de 30 ans avec hypertension chronique

Raymond O. Powrie, MD, Intervenant


RÉSUMÉ

Mme F., est une femme de 30 ans avec une histoire d'hypertension chronique et de prééclampsie suspectée lors d'une première grossesse. Elle tente actuellement de concevoir un enfant, et voudrait connaître les répercussions de son hypertension sur une grossesse future, ainsi que les meilleurs moyens de la traiter, aujourd'hui et pendant la grossesse. Le traitement de l'hypertension chronique avant, pendant et après la grossesse est examiné, en insistant sur les objectifs thérapeutiques, ainsi que sur l'innocuité des médicaments en cours de grossesse et d'allaitement. La prééclampsie est la complication la plus fréquente de l'hypertension chronique pendant la grossesse, et inquiète particulièrement Mme F. parce qu'elle peut l'avoir présentée précédemment. Les connaissances actuelles relatives à la pathogenèse de cette maladie énigmatique sont donc également revues, parallèlement à ses conséquences sur la santé maternelle à long terme.

JAMA. 2007;298(13):1548-1559


DR BURNS: Mme F. est une femme de 30 ans avec une histoire d'hypertension chronique et de prééclampsie suspectée lors d'une première grossesse. Elle se demande comment son hypertension affectera la grossesse qu'elle projette. Elle bénéficie d'une assurance commerciale.

Mme F. rapporte que depuis ses 20 ans, elle présente une pression artérielle élevée (150/100 mm Hg) à chaque mesure réalisée en consultation et chez elle. Elle n'a jamais reçu de traitement antihypertenseur. Au cours de sa première grossesse, 4 ans plus tôt, il a été noté qu'elle présentait une pression artérielle élevée à 5 mois de gestation, mais il ne lui a pas été prescrit de traitement. À 34 à 35 semaines, il a été noté que son foetus présentait un retard de croissance intra-utérine. Elle a fait l'objet d'une surveillance rapprochée, avec des cardiotocographies régulières, puis, à 38 semaines, elle a été délivrée en raison de l'aggravation de son hypertension. Il n'a pas été clairement déterminé si elle avait développé une prééclampsie surajoutée. Elle a nécessité un traitement par magnésium intraveineux et antihypertenseurs à la délivrance, et a donné naissance à une petite fille en bonne santé de 2,270 kg. Après l'accouchement, sa pression artérielle est restée élevée; cependant, aucun traitement ne lui a été prescrit.

Mme F. désire une seconde grossesse et suit un traitement contre la stérilité par citrate de clomifène, associé à l'insémination intra-utérine. La cause de sa stérilité reste inconnue. Elle envisage d'effectuer un autre cycle d'insémination intra-utérine.

Ses antécédents médicaux sont par ailleurs normaux, à l'exception d'un épisode de septicémie en janvier 2006, dont la cause avait été imputée à une diverticulite ou à une appendicite. Depuis, elle va bien et jouit d'une bonne santé.

Son seul médicament est la fluoxétine, 20 mg, qu'elle prend selon ses besoins pour le syndrome prémenstruel. Elle présente une allergie à l'amoxicilline, qui se manifeste sous forme de rash.

Ses antécédents médicaux familiaux sont marqués par une hypertension chez ses deux parents, et une coronaropathie chez son père. L'une de ses soeurs a récemment reçu un diagnostic de sténose des artères rénales, et une autre présente un déficit intellectuel sévère associé à une méningite spinale. Elle ne connaît pas l'histoire médicale de son autre soeur ni de ses 2 frères.

Elle est actuellement mariée et exerce la profession d'orthopédagogue. Elle ne fume pas et boit un verre de vin chaque soir. À l'époque de sa première visite, elle ne pratiquait aucun exercice physique régulier.

À l'examen, sa pression artérielle était de 139/90 mm Hg, et son indice de masse corporelle de 23,7 (calculé par le poids en kilogrammes, divisée par le carré de la taille en mètres). Elle apparaissait en bonne santé et avait des résultats d'examen physique normaux. Ses analyses biologiques diagnostic de sténose des artères rénales, et une autre présente un déficit intellectuel sévère associé à une méningite spinale. Elle ne connaît pas l'histoire médicale de son autre soeur ni de ses 2 frères.

Elle est actuellement mariée et exerce la profession d'orthopédagogue. Elle ne fume pas et boit un verre de vin chaque soir. À l'époque de sa première visite, elle ne pratiquait aucun exercice physique régulier.

À l'examen, sa pression artérielle était de 139/90 mm Hg, et son indice de masse corporelle de 23,7 (calculé par le poids en kilogrammes, divisée par le carré de la taille en mètres). Elle apparaissait en bonne santé et avait des résultats d'examen physique normaux. Ses analyses biologiques indiquaient une glycémie de 78 mg/dL; une créatininémie de 0,8 mg/dL; un taux de potassium de 5,1 mEq/L (intervalle normal, 3,5-5,0 mEq/L); une calcémie de 10,9 mEq/L (intervalle normal, 8,8-10,6 mEq/L); un taux de thyrotropine de 1,2, et de leucocytes de 4,7 K/uL; une hémoglobinémie de 15,2 g/dL; un taux plaquettaire de 297 K/uL; et un résultat d'examen des urines normal en dehors de traces de cétone. Ses taux de potassium et de calcium se sont révélés normaux à l'examen suivant.

Elle est préoccupée par les répercussions potentielles de son hypertension sur une future grossesse, et par ce qu'elle doit faire aujourd'hui pour prévenir des problèmes ultérieurs.


MME F.: SON POINT DE VUE

Ma mère et mon père ont tous deux des problèmes d'hypertension. Ma soeur, qui a 23 ans, vient juste de recevoir ce diagnostic. Alors c'est de famille.

Pendant ma dernière grossesse, vers ma 34ème ou 35ème semaine je crois, quand ils ont su que j'avais des problèmes de pression artérielle, ils ont commencé à me surveiller de plus près et ont découvert que ma fille ne se développait plus. Mon médecin du moment faisait tout pour que j'atteigne 38 semaines, afin qu'elle puisse naître à terme et non prématurée. Et on y est arrivé.

Aujourd'hui, je voudrais éclaircir toutes les questions que je me pose concernant ma pression artérielle, parce qu'elle est élevée et qu'elle persistera pendant la grossesse. J'ai besoin de savoir quelles complications cela pourrait entraîner, surtout parce que j'ai une fille à la maison et un emploi à plein temps. J'aimerais que ma fille ait un frère ou une soeur, alors mon mari et moi sommes prêts à prendre des risques, suivre des traitements, et aller jusqu'au bout. Cela s'apparente à une lutte, un problème familial, parce qu'il s'inquiète plus pour moi. Alors on doit beaucoup en parler et être conscients des risques et des pressions qui pèseront sur moi si je suis à nouveau enceinte.

Quand je vais chez le médecin, je recherche des réponses; alors j'essaie de ne pas laisser paraître mes sentiments sur les difficultés que j'éprouve. Je ne pense pas que c'est forcément parce que les médecins ne reconnaissent pas l'aspect affectif de la chose. Je me connais - je parle pour moi-même et pour personne d'autre. Je vais les voir, je m'informe, en laissant toutes mes émotions à la maison.


CARREFOUR : QUESTIONS AU DR POWRIE

Comment l'hypertension chronique doit-elle être traitée chez une femme avant la conception, quels sont les objectifs du traitement, et quels sont les antihypertenseurs de choix? Qu'est-ce qu'une pression artérielle normale pendant et après la grossesse, et comment cette dernière affecte-t-elle la pression artérielle? Comment l'hypertension affecte-t-elle l'évolution d'une grossesse, peut-elle en être une contre-indication, et le traitement antihypertenseur améliore-t-il cette évolution? Comment l'hypertension doit-elle être traitée pendant la grossesse, quels sont les objectifs du traitement, et quels sont les antihypertenseurs à privilégier? Qu'est-ce que la prééclampsie, quels sont ses facteurs de risques, et peut-elle être prévenue? La prééclampsie est-elle un facteur de risque d'événements cardiovasculaires futurs? Que suggérez-vous dans le cas de Mme F.? Que réserve l'avenir?

DR POWRIE: Mme F. est une femme de 30 ans atteinte d'hypertension chronique, qui ne prenait aucun traitement la première fois que je l'ai vue. Sa précédente grossesse a été compliquée par un retard de croissance intra-utérine et une aggravation de son hypertension. Elle suit actuellement un traitement contre la stérilité. Elle voudrait connaître les répercussions de son hypertension sur une grossesse future, et savoir comment être traitée sans risques, aujourd'hui et pendant sa grossesse. Ses commentaires et ses questions reflètent à quel point les problèmes médicaux peuvent être angoissants pour les femmes (et pour leur famille) enceintes ou qui envisagent de le devenir.

Prise en charge de l'hypertension chronique chez les femmes jeunes

L'hypertension est définie, tant pendant la grossesse qu'en dehors, par une pression artérielle de 140/90 mm Hg ou plus, en au moins 2 occasions distinctes.1 La pression artérielle doit être mesurée pendant que le patient est assis sur une chaise, le bras maintenu au niveau du coeur, à l'aide d'un brassard manuel correctement calibré comparé à un sphygmomanomètre à mercure.2 Malheureusement, l'utilisation d'appareils oscillométriques automatiques non calibrés3-5 et de brassards inadaptés,6 ainsi que le mauvais positionnement des patientes (notamment la prise de pression artérielle en décubitus latéral gauche) sont fréquents en soins obstétriques.7

Lorsque le diagnostic d'hypertension est posé, les causes secondaires, bien que rares, doivent être évaluées.1

Malheureusement, les consultations d'obstétrique ne constituent pas un cadre idéal pour l'évaluation appro-fondie des problèmes médicaux. Le Tableau 1 présente les causes secondaires d'hypertension, ainsi qu'une méthode d'évaluation simple, bien qu'imparfaite, pour chacune, qui à mon avis, est adaptée aux consultations d'obstétrique chargées. Ces examens doivent également être effectués chez toutes les femmes enceintes présentant une pression artérielle élevée avant 20 semaines de gestation. Ils devraient aussi probablement être effectués chez toutes les femmes hypertendues se présentant après 20 semaines de grossesse, chez lesquelles un diagnostic de prééclampsie est envisagé.


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Tableau 1.. Évaluation rapide en consultation des causes secondaires d'hypertension chez les femmes jeunes


La grossesse (et la contraception) est sans doute l'une des seules raisons incitant les femmes de cette tranche d'âge à rechercher des soins médicaux, et représente donc une occasion unique de traiter le risque cardiovasculaire chez les femmes. Les jeunes femmes hypertendues doivent être examinées à la recherche de signes de lésion de « l'organe cible » due à une hypertension chronique, en effectuant un électrocardiogramme, un fond de l'oeil pour visualiser les vaisseaux rétiniens, et une palpation des pouls carotidien, fémoral et périphérique. Toutes les patientes devraient également recevoir une évaluation complète pour d'autres facteurs de risque cardiaque (hypercholestérolémie, tabagisme, diabète, antécédents familiaux, sédentarité), qui, chez les femmes jeunes, sont souvent des facteurs prédictifs bien plus puissants de maladie cardiovasculaire que l'hypertension isolée. Si une femme enceinte présente de l'hypertension, le cholestérol ne doit pas être mesuré avant au moins 6 semaines post-partum, les taux de cholestérol étant souvent élevés dans les grossesses normales, et les élévations durant cette période pouvant être attribuées à la grossesse.19

Ces évaluations ont été réalisées chez Mme F., et aucune cause secondaire de son hypertension n'a été retrouvée. Bien que ses taux de calcium et de potassium aient été légèrement élevés à l'examen initial, ils étaient tous deux normaux à l'évaluation suivante. Son seul facteur de risque cardiovasculaire supplémentaire était son absence de pratique d'exercice physique régulier.

Traitement de l'hypertension chez les femmes jeunes

Malgré l'absence de recommandations spécifiques au sexe pour le traitement de l'hypertension, les femmes préménopausiques avec une hypertension isolée présentent un risque absolu à court terme de maladie cardiovasculaire relativement faible comparé aux hommes. Tandis que le risque relatif (RR) de traitement de l'hypertension artérielle est similaire dans les deux sexes, chez les femmes âgées de 30 à 54 ans, le nombre absolu bénéficiant d'un traitement est inférieur aux hommes. Alors que le traitement de l'hypertension chez les femmes produit une réduction du risque d'événements cérébrovasculaires de 41 % (intervalle de confiance [IC] à 95 %, 8 %-63 %) et une réduction de 27 % des événements cardiovasculaires (IC 95 %, 4 %-44 %), le nombre de femmes devant être traité pendant 5 ans pour prévenir 1 accident vasculaire cérébral ou un infarctus du myocarde est de 259.20-23 Ce bénéfice est majoritairement observé chez les Afro-américaines. Parmi les Caucasiennes de cet âge, le traitement de l'hypertension légère n'a pas démontré de bénéfice constant (ou d'effet défavorable) statistiquement significatif.24 Compte tenu des effets délétères potentiels sur le foetus générés par le traitement antihypertenseur pendant la grossesse, il pourrait être légitime de fixer des objectifs thérapeutiques moins stricts pendant cette période. En outre, d'autres facteurs de risque cardiovasculaire chez les femmes préménopausiques hypertendues pourraient être aussi importants que leur pression artérielle.

Le septième rapport du Joint National Committee on Prevention, Detection, Evaluation, and Treatment of High Blood Pressure (JNC-7)1 recommande une modification du mode de vie en traitement initial de l'hypertension légère ou de « stade 1 » (140-159/90-99 mm Hg). Le Tableau 2 présente la réduction approximative de pression artérielle systolique qui peut être observée en fonction de différents types de modification du style de vie.


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Tableau 2.. Effets de la modification du style de vie sur la pression1 artérielle systolique


Si ces modifications ne produisent aucun résultat chez une femme souffrant d'hypertension, l'étape suivante consiste à initier un traitement médicamenteux. Les traitements de première intention recommandés par le JNC-7 sont les diurétiques thiazidiques, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC), les antagonistes de l'angiotensine, les bêta-bloquants, et les inhibiteurs calciques.25 Cependant, bien que ces agents aient de bonnes preuves d'efficacité dans la prévention des effets à long terme associés à l'hypertension, des craintes concernant la sécurité du fœtus rendent nombre d'entre eux moins appropriés chez les femmes essayant de concevoir un enfant.

Idéalement, les femmes hypertendues qui désirent une grossesse doivent être traitées par des médicaments qu'elles peuvent prendre sans risque au moment de la conception et continuer pendant leur grossesse. Cela n'est pas toujours possible en raison de problèmes relatifs à l'observance, aux coûts, ou aux effets indésirables, ou de la présence d'une indication impérieuse à court terme (comme la néphropathie diabétique) à l'utilisation d'une substance qui n'est généralement pas recommandée pendant la grossesse. Dans ces situations, il convient de recommander à la patiente d'informer son médecin dans les jours suivant sa première absence de règles, afin qu'elle puisse rapidement passer à une substance plus indiquée. Les données disponibles concernant l'innocuité des différents antihypertenseurs pendant la grossesse sont présentées dans le Tableau 3, mais la littérature actuelle dans ce domaine reste insuffisante pour qu'une quelconque des classifications énumérées puisse être considérée comme définitive.43,44


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Tableau 3.. Données relatives à la grossesse et à l'allaitement pour les médicaments communément utilisés dans le traitement de l'hypertension chronique26


Le labétalol et la méthyldopa sont généralement considérés comme les antihypertenseurs de choix pendant la grossesse. Ils ont tous deux le seul inconvénient majeur d'être à prise biquotidienne. La méthyldopa est l'antihypertenseur le mieux étudié des deux. Bien que l'aténolol36 (110 enfants à 1 an) et la nifédipine (190 enfants à 18 mois)32 bénéficient de données évaluant la santé et le neurodéveloppement des nourrissons exposés jusqu'à 12 à 18 mois, la méthyldopa est le seul antihypertenseur présentant un suivi d'enfants exposés jusqu'à leur scolarisation (242 enfants à 7,5 ans), qui rassure sur l'absence de conséquences physique, cognitive, ou comportementale significatives en cas d'utilisation en cours de grossesse.45 Cependant, jusqu'à 20 % des patientes ne supportent pas les effets indésirables de la méthyldopa (notamment le manque d'énergie et les vertiges) et doivent lui substituer un autre agent.46 Bien que le labétalol combinant des effets alpha et bêta-bloquants soit peut-être le deuxième antihypertenseur le plus étudié dans la grossesse, et qu'il soit généralement très bien toléré, il ne possède pas les données de suivi à long terme dont bénéficie la méthyldopa. Pour les patientes chez lesquelles ces agents sont contre-indiqués, inefficaces ou non tolérés, la forme à libération prolongée de l'inhibiteur calcique nifédipine ou les β-bloquants pindolol et métoprolol à action prolongée, sont également des options acceptables. Aucune complication de grossesse n'a été associée à cette classe thérapeutique, mais les études publiées sur son utilisation en phase précoce sont limitées.27,47,48

L'hydrochlorothiazide est recommandé en première ligne dans le traitement de l'hypertension hors grossesse, parce qu'il est peu coûteux, bien toléré, et peut consister en une seule prise quotidienne. Après de nombreuses années d'utilisation, il n'existe aucune donnée suggérant que ce médicament présente des effets indésirables lorsqu'il est utilisé précocement au cours de la grossesse.27 Il n'a pas été démontré que l'utilisation de diurétiques thiazidiques à un stade plus tardif affectait défavorablement le pronostic de la grossesse; cependant, elle pourrait affecter l'expansion du volume sanguin maternel,41 et a été associée à une incidence majorée d'effets indésirables maternels.49 En conséquence, je ne prescris pas l'hydrochlorothiazide en routine pendant la grossesse, mais je pense qu'il constitue une option raisonnable pour contrôler la pression artérielle chez les femmes en période de conception.

Les seuls antihypertenseurs contre-indiqués dans la grossesse sont les inhibiteurs de l'enzyme de conversion et les antagonistes de l'angiotensine, en raison de leurs effets sur les reins, les poumons et le cuir chevelu du foetus. Jusqu'à récemment, il était généralement admis que ces médicaments devaient être arrêtés pendant la grossesse, mais que leur utilisation au moment de la conception était acceptable. Cependant, des données plus récentes suggèrent que l'utilisation de ces agents même pendant la période de la conception peut augmenter le risque de malformations cardiaques.50 En conséquence, je ne les prescris plus chez les femmes qui essaient d'avoir un enfant, sauf si elles présentent une indication impérieuse à court terme, telle qu'une histoire de néphropathie diabétique ou d'insuffisance cardiaque congestive. Bien qu'aucun autre antihypertenseur communément utilisé n'ait été démontré tératogène, tous présentent un manque critique de données publiées pour guider les décisions thérapeutiques.

La première fois que j'ai rencontré Mme F., elle n'était pas enceinte et sa pression artérielle était supérieure à 140/90 mm Hg depuis quelques temps. Elle pensait avoir suffisamment retardé la prise de traitement et souhaitait commencer quelque chose parallèlement à la modification de son style de vie. Compte tenu de ses autres facteurs de risque cardiaque, j'aurais été à l'aise avec les deux méthodes.

Compte tenu des problèmes de stérilité de Mme F., nous ne savions pas combien de temps il lui faudrait pour concevoir un enfant, et nous avons décidé d'utiliser un traitement d'une prise par jour peu coûteux, qu'elle pourrait prendre sans danger pendant la période de conception, même si elle l'interrompait pendant sa grossesse. Je l'ai traitée par hydrochlorothiazide, à la dose de 12,5 mg/j, dans le but d'abaisser sa pression artérielle jusqu'à un niveau inférieur à 140/90 mm Hg. Elle a commencé à faire plus d'exercice et a perdu du poids, et grâce au traitement, sa pression artérielle était bien contrôlée. Si l'hydrochlorothiazide n'avait pas été efficace, je l'aurais remplacé par de la méthyldopa ou du labétalol, si elle m'avait dit pouvoir suivre un schéma thérapeutique biquotidien. Dans le cas contraire, j'aurais suggéré le pindolol, l'oxprénolol, ou la nifédipine à action prolongée.

Comment la grossesse affecte-t-elle la pression artérielle?

La pression artérielle diminue de 10 à 15 mm Hg dans les 16 à 18 premières semaines de grossesse, de sorte que la pression artérielle moyenne d'une femme dans sa 20ème semaine de gestation est d'environ 100/60 mm Hg.51

Elle augmente ensuite progressivement jusqu'à ses valeurs pré-grossesse, pour atteindre un plateau à 36 semaines de gestation. Il est important de noter que ce profil de variation tensionnelle peut être amplifié chez les femmes ayant une hypertension chronique2 telle, que l'hypertension peut être masquée pendant la première moitié de la grossesse et ne se manifester qu'au dernier trimestre, incitant le clinicien à attribuer à tort l'augmentation de la pression artérielle à la prééclampsie.

Comment l'hypertension affecte-t-elle l'issue de la grossesse?

La plupart des femmes avec hypertension chronique peuvent espérer une issue favorable de leur grossesse et doivent être rassurées sur ce fait. Le plus grand risque associé à l'hypertension chronique dans la grossesse est celui de développer une prééclampsie surajoutée, caractérisée par l'aggravation de l'hypertension maternelle et de la protéinurie, ainsi qu'un risque majoré d'effets périnataux défavorables. La prééclampsie survient chez au moins 25 % des femmes avec hypertension chronique - soit 2 à 4 fois plus souvent que dans la population générale.52-54

L'incidence peut être supérieure à 40 % chez les patientes ayant une hypertension sévère ou de « stade 2 » (> 160/100 mm Hg) ou chez celles avec hypertension chronique ayant présenté une prééclampsie lors d'une précédente grossesse.55 Fort heureusement, les complications mater-nelles graves et irréversibles de la prééclampsie sont rares dans les pays développés, en raison de l'aptitude des cliniciens à identifier précocement la plupart des cas et à mener à bien les accouchements sans complication.

Le risque foetal le plus important est celui de la prématurité, qui survient dans 12 % à 34 %54 des cas chez les femmes avec hypertension chronique, et chez jusqu'à 70 % des femmes ayant une hypertension sévère en début de grossesse.56 Cependant, avec la prise en charge néonatale actuelle, la plupart de ces nouveau-nés connaissent une évolution favorable, surtout s'ils naissent après 28 semaines de gestation.57 Les femmes avec hypertension chronique présentent les risques majorés suivants comparé aux femmes sans hypertension: décollement placentaire (chez 0,7 %-1,5 % des patientes [odds ratio résumé, 2,0; IC 95 %, 1,1-3,7]), poids de naissance inférieur à 2 500 g (RR, 5,5; IC 95 %, 2,6-11,9), et mortalité périnatale (odds ratio résumé à effets aléatoires, 3,4; IC 95 %, 3,0-3,7).54

Huit à 15 % des grossesses menées chez les femmes avec hypertension chronique produisent un foetus de poids insuffisant pour l'âge gestationnel.56

Cependant, avec des soins obstétriques et néonataux attentifs, la plupart de ces complications peuvent être traitées avec de bons résultats à long terme, pour la mère comme pour l'enfant. C'est pourquoi je ne déconseille jamais une grossesse à une femme à cause d'une hypertension chronique.

Le traitement antihypertenseur réduit-il certains de ces risques chez les femmes avec hypertension chronique? Depuis 2000, 13 études contrôlées randomisées ont examiné les bénéfices du traitement antihypertenseur pendant la grossesse,54 en évaluant 11 schémas thérapeutiques différents chez 1 055 participants, dans 6 pays. Seules 6 de ces études étaient contrôlées contre placebo, et la plupart étudiaient soit le labétalol soit la méthyldopa. Malgré ces limites, le groupe de travail analysant les études a conclu que le traitement antihypertenseur ne semblait pas réduire l'incidence des complications fréquentes de l'hypertension au cours de la grossesse (retard de croissance intra-utérine {RCIU] et mortalité périnatale notamment), et surtout, qu'il ne réduisait pas les risques de développer une prééclampsie. Les auteurs de cette revue signalaient que les données avaient une puissance insuffisante pour détecter un effet thérapeutique bénéfique ou défavorable de 20 % à 30 %. Les données ultérieures ont suggéré l'éventualité que le traitement de l'hypertension légère pendant la grossesse (particulièrement avec les β-bloquants) réduisait réellement le risque de retard de croissance foetale,34,58 l'un des effets que le traitement devrait viser à prévenir.

Mme F. était bien consciente de la plupart de ces risques, ayant eu sa précédente grossesse compliquée par le RCIU et l'aggravation de l'hypertension. J'ai passé en revue les complications potentielles la concernant, et l'ai préparée à la possibilité de devoir recourir de nouveau à une induction du travail, voire à un accouchement prématuré. Cependant, je l'ai également rassurée sur le fait qu'elle restait très susceptible de présenter une grossesse non compliquée, et que même en cas de survenue de complications, elle devait envisager une issue favorable pour elle et pour son bébé.

Objectifs du traitement de l'hypertension pendant la grossesse

Si le traitement antihypertenseur ne semble pas avoir d'effet sensible sur l'évolution de la grossesse, quels devraient être les objectifs thérapeutiques pendant cette période? Les avis des experts sont contradictoires, certains suggérant une valeur cible de moins de 160/100 mm Hg, et d'autres un objectif de moins de 140/90 mm Hg.59 De nombreux experts tolèrent un objectif tensionnel plus élevé pendant la grossesse, en raison du manque de données suggérant que le traitement de l'hypertension légère présente des bénéfices à court terme chez la majorité des femmes enceintes et leur foetus, et des données de certaines études suggérant qu'un contrôle trop rigoureux de la pression artérielle pendant la grossesse est associé à une majoration des taux de RCIU et de nouveaunés de poids insuffisant.60 Compte tenu de l'absence de données concluantes relatives au traitement de l'hypertension légère pendant la grossesse, je souscris à l'adage prônant de « ne pas nuire avant toute chose », et fixe un objectif tensionnel inférieur à 160/100 mm Hg chez les patientes qui n'ont pas de maladie rénale ou cardiaque établie, ni de signes de lésion de l'organe cible due à une précédente hypertension.

Les principaux objectifs cliniques des 20 premières semaines de gestation consistent à établir fermement les dates de grossesse de la patiente par une échographie précoce, et d'ajuster ses médicaments afin de maintenir une pression artérielle inférieure à l'objectif établi, avec un minimum d'effets indésirables. Si la décision est prise de tolérer une pression artérielle plus élevée pendant la grossesse, de nombreuses patientes avec une hypertension chronique peuvent diminuer, puis arrêter leur traitement pendant cette période. Cette stratégie est soutenue par la chute physiologique de la pression artérielle dans la première moitié de la grossesse. Même si les traitements sont poursuivis, des ajustement posologiques peuvent être nécessaires pour répondre aux variations tensionnelles associées à la grossesse.

Après 20 semaines de gestation, la possibilité d'une prééclampsie surajoutée devient de plus en plus concrète, et la présence de signes et symptômes potentiels doit être évaluée à chaque consultation médicale et obstétrique, avec un interrogatoire sur les céphalées, les phénomènes visuels, les douleurs épigastriques, et la prise de poids excessive. Bien que l'oedème soit une manifestation fréquente de la prééclampsie, il est trop fréquemment observé dans les grossesses saines pour être utile comme critère diagnostique de cette maladie.59 Les patientes doivent être informées de la nécessité de rapporter chacun de ces symptômes à leur clinicien. Je recommande à mes stagiaires de considérer chaque femme présentant une hypertension chronique dans la seconde moitié de sa grossesse comme « coupable (d'avoir une prééclampsie) jusqu'à preuve de son innocence », à chacune de leurs rencontres (la prééclampsie est extrêmement rare avant 20 semaines de gestation). À chaque visite après 20 semaines, les patientes avec hypertension chronique doivent être examinées pour évaluer l'augmentation de la pression artérielle, la sensibilité épigastrique, le clonus, et l'oedème facial. Elles doivent également effectuer, à chaque visite, un test urinaire par bandelette réactive pour mesurer la protéinurie.

Les recommandations de suivi du foetus dans le contexte de l'hypertension chronique sont variables. De nombreux experts recommandent des échographies mensuelles pour surveiller le développement après 24 à 28 semaines de gestation, et des surveillances cardiotocographiques une ou deux fois par semaine après 32 à 34 semaines.59,61 Certains centres utilisent, en examen complémentaire, la vélocité Doppler de l'artère ombilicale pour évaluer le bien-être fœtal, et certaines études, mais pas toutes, suggèrent que son utilisation pourrait être utile dans la surveillance des grossesses à haut risque.62-65 Lorsque des signes et des symptômes de prééclampsie sont identifiés, le médecin traitant doit effectuer des « tests biologiques diagnostiques de prééclampsie » (numération formule sanguine, acide urique,66,67 créatinine, aspartate aminotransférase, et protéinurie des 24 heures), évaluer le bien-être du foetus pour orienter le traitement à court terme, et déterminer si le statut de la patiente justifie l'hospitalisation pour surveillance.

Pour Mme F., nous avons envisagé d'arrêter l'hydrochlorothiazide lorsqu'elle serait enceinte, et de la traiter par labétalol ou méthyldopa si sa pression artérielle atteignait des niveaux supérieurs à 160/100 mm Hg. Son obstétricien devra effectuer une échographie précoce pour vérifier les dates, et elle sera périodiquement instruite sur les signes et symptômes de la prééclampsie, dont les signes seront recherchés chez elle et son fœtus, après 20 semaines de gestation. Au troisième trimestre, son obstétricien décidera de l'éventuelle nécessité d'une surveillance foetale complémentaire.

Qu'est-ce que la prééclampsie?

Physiopathologie. Les connaissances actuelles sur la prééclampsie suggèrent qu'elle débute précocement dans la grossesse, et que son évolution passe par 3 phases successives distinctes.68-70 La première phase est l'invasion trophoblastique incomplète de l'endomètre, potentiellement due à une réponse immune inadaptée chez la mère, qui entraîne une anomalie dans la formation du placenta (placentation). Cette anomalie de placentation mène à la seconde phase, dans laquelle une réduction des facteurs de croissance angiogénique71 et une augmentation des débris placentaires sont trouvés dans la circulation maternelle, qui seraient les causes ou les manifestations du développement de l'ischémie placentaire. La troisième phase, qui mène au syndrome prééclamptique maternel tel qu'il est détecté cliniquement, est la réponse de l'endothélium et du système cardiovasculaire maternels à ces facteurs de stress, qui est modulée par le niveau de santé métabolique et cardiovasculaire de la mère elle-même. Il est admis que ces 3 phases sont nécessaires pour que la prééclampsie devienne patente.

Facteurs de risque de prééclampsie. Les facteurs de risque de prééclampsie peuvent être classifiés en facteurs maternels et foetaux. Les facteurs de risque maternels incluent la première grossesse, les nouveaux partenaires sexuels, l'âge inférieur à 18 ans ou supérieur à 35 ans, l'hypertension chronique, les antécédents personnels ou familiaux de prééclampsie, le lupus érythémateux aigu disséminé, la thrombophilie, le diabète prégestationnel, l'obésité, et les maladies rénales.72,73 Les facteurs de risque foetaux incluent les gestations gémellaires, les grossesses molaires, l'hydropisie, et la triploïdie.69

Stratégies préventives. De nombreux travaux ont été effectués pour tenter d'identifier des stratégies de prévention de la prééclampsie chez les patientes à risque. Ces stratégies incluent le régime alimentaire et l'exercice physique; la restriction en protéines et en sel; la supplémentation en magnésium, en zinc, en huile de poisson et en calcium;74 et le traitement antihypertenseur.75 Aucune de ces interventions n'a démontré d'efficacité. Récemment, 2 vastes études contrôlées randomisées ont suggéré que le traitement antioxydant (vitamines C et E) ne permet pas non plus de prévenir la prééclampsie, et pourrait même être nuisible à certaines patientes.39,76

La seule intervention susceptible de prévenir la prééclampsie et les conséquences défavorables qui lui sont associées est l'aspirine à faible dose (< 100 mg/j). L'utilisation de l'aspirine dans la prééclampsie est caractérisée par une histoire longue et contrastée. En effet, de nombreuses petites études ont initialement suggéré que l'aspirine à faible dose produisait un bénéfice substantiel dans la réduction de l'incidence de prééclampsie, mais 2 études contrôlées randomisées bien menées ont ensuite contredit ces conclusions en démontrant une absence de bénéfice.77,78 Cependant, une méta-analyse Cochrane de 41 études contrôlées randomisées, menée ultérieurement chez plus de 36 500 femmes, a trouvé que l'utilisation de l'aspirine était associée à une réduction de 19 % du risque de prééclampsie (RR, 0,81; IC 95 %, 0,75-0,88 ; nombre de patients à traiter [NPT], 69; IC 95 %, 51-109), une réduction de 7 % du risque d'accouchement prématuré (RR, 0,93; IC 95 %, 0,89-0,98 ; NPT, 83 ; IC 95 %, 50-238), et une réduction de 16 % du risque de décès foetal et néonatal (RR, 0,84; IC 95 %, 0,74-0,96; NPT, 227; IC 95 %, 128-909).79 Une réduction de 8 % des nouveau-nés de poids insuffisant pour l'âge gestationnel était également observée (RR, 0,92; IC 95 %, 0,85-1,00). L'aspirine n'avait pas d'effet significatif sur le recours à la césarienne ou à l'induction du travail. Une méta-analyse récente plus rigoureuse a démontré une réduction de 10 % dans le RR de prééclampsie et de naissance prématurée avant 34 semaines (p = 0,01), et une réduction de 9 % dans le RR de mortinatalité ou de décès néonatal avant la sortie.80 Il existe de nombreux avis contradictoires quant à l'interprétation de ces observations; cependant, il apparaît clairement que l'aspirine à faible dose est peu onéreuse, qu'elle ne présente aucun risque, et qu'elle est au minimum susceptible, dans une certaine mesure, de prévenir la mortalité foetale ou néonatale. C'est pourquoi j'ai recommandé à Mme F. (comme à toutes les femmes ayant une hypertension chronique) de prendre 81 mg/j d'aspirine après le premier trimestre de sa grossesse.

Prise en charge post-partum de l'hypertension. Dans les premières 96 heures suivant la délivrance d'un enfant, la pression artérielle s'élève typiquement chez toutes les femmes d'environ 6 mm Hg pour la PAS et de 4 mm Hg pour la PAD.84 Si une femme hypertendue développe une prééclampsie surajoutée, cela peut affecter sa pression artérielle jusqu'à 12 semaines, bien que certaines études suggèrent une résorption de cet effet en 1 à 4 semaines chez la plupart des femmes.85 Ceci est cliniquement important, dans la mesure où dans cet intervalle, les femmes prééclamptiques peuvent nécessiter de fréquentes vérifications de la pression artérielle et des ajustements dans leurs traitements. La pression artérielle de Mme F. était relativement stable après l'accouchement, mais ce n'est pas toujours le cas.

Dans les semaines suivant l'accouchement, j'essaie de réduire la pression artérielle de la patiente jusqu'à la cible habituelle pour cette tranche d'âge: moins de 140/90 mm Hg pour la majorité des femmes, et moins de 130/80 mm Hg pour celles ayant un diabète ou une maladie cardiaque ou rénale.1

En général, je ne laisse sortir les patientes qu'après avoir obtenu une pression artérielle constamment inférieure à 160/100 mm Hg. Cependant, la hauteur de la variation tensionnelle par rapport à la valeur initiale est également importante, et doit être prise en compte lors de la prise de décision concernant le traitement, la sortie, et la fréquence des visites en externe.86

Il est essentiel de veiller à ce que les patientes avec hypertension chronique et prééclampsie surajoutée bénéficient d'un suivi opportun, clair et fiable, organisé au moment de leur sortie. Les nouvelles mères ont de nombreuses responsabilités à affronter et ont besoin de l'aide de leur clinicien pour obtenir tous les soins qu'elles requièrent. Il existe peu de limites concernant les choix des antihypertenseurs chez les femmes en post-partum, mais également très peu de conseils fournis par la littérature.26 Chez les patientes avec prééclampsie surajoutée, j'utilise souvent la nifédipine pour abaisser leur pression artérielle au niveau requis pour quitter l'hôpital. Cependant, les données permettant de guider ces décisions thérapeutiques font cruellement défaut.87

Allaitement. Les femmes hypertendues doivent être encouragées à allaiter, en raison des bénéfices significatifs du lait maternel pour le nourrisson comparé aux laits diététiques. Bien que très peu d'antihypertenseurs bénéficient de données concluantes démontrant leurs effets délétères chez les enfants allaités, certains agents spécifiques sont privilégiés chez les mères allaitantes en raison de leur faible concentration dans le lait et d'effets indésirables rarement rapportés chez le nourrisson. Des recommandations sur la sécurité d'utilisation des antihypertenseurs les plus communément prescrits au cours de l'allaitement sont présentées dans le Tableau 3.26-28

Risques à long terme de la prééclampsie. Le développement de la prééclampsie est associé à un risque majoré de décès cardiovasculaire (RR, 3,07 ; IC 95 %, 2,18-4,34) dans le futur, particulièrement dans les années suivant la ménopause.88,89 Selon le courant de pensée actuel, la grossesse représente un stress physiologique, et les femmes incapables de tolérer les facteurs de stress endothélial associés à l'anomalie de placentation sont plus susceptibles de développer également une maladie cardiaque en réponse à d'autres facteurs de stress. Ceci se révèle particulièrement vrai chez les femmes développant une prééclampsie dans leurs grossesses consécutives et chez celles développant la maladie avant 37 semaines, nécessitant une délivrance prématurée.90-93 L'accroissement de l'insulinorésistance, l'hypertension et l'hyperlipidémie sont observés tant chez les femmes prééclamptiques que chez celles développant une maladie cardiaque.94 À cet égard, la prééclampsie peut être considérée comme une première manifestation du syndrome métabolique chez les femmes. Les femmes qui ont présenté une prééclampsie, qu'elles aient ou non une hypertension chronique sous-jacente, doivent donc recevoir des conseils ciblés et répétés pour réduire le risque cardiovasculaire.

Si Mme F. développe une grossesse et connaît une délivrance sans complications, je modifierais probablement son traitement en post-partum pour revenir à un traitement d'une prise par jour, comme l'hydrochlorothiazide, afin de maintenir sa pression artérielle en dessous de 140/90 mm Hg. Si elle développe une prééclampsie pendant sa grossesse, je surveillerais étroitement sa pression artérielle dans les 1 à 3 premiers mois suivant l'accouchement, dans la mesure où elle nécessiterait probablement un ajustement de traitement. Lors de nos rencontres, je continuerais à l'encourager à adopter et maintenir un mode de vie bénéfique pour le coeur. Au cours des années suivantes, je l'examinerais régulièrement pour évaluer les éventuels facteurs de risque cardiaque et traiterais activement tout risque identifié.

Que réserve le futur ?

L'hypertension en cours de grossesse continue de manquer considérablement de données disponibles. Il existe trop peu de données relatives aux antihypertenseurs pour établir de manière définitive et sérieuse leur innocuité ou leur risque dans la grossesse. De même, de grandes études bien menées évaluant les risques et les bénéfices du traitement de l'hypertension légère pendant la grossesse restent nécessaires. En outre, les avancées dans la compréhension de la prééclampsie restent désespérément lentes. On peut espérer que des marqueurs sérologiques, comme la forme soluble des récepteurs FLT-1 (fms-like tyrosine kinase 1), le facteur de croissance placentaire et l'endogline, puissent être utilisés pour identifier les patientes à risque de développer une prééclampsie, 8 à 12 semaines avant que ce risque se concrétise.71 Un dépistage avant la manifestation de la maladie contribuerait grandement à un triage efficace des ressources, et permettrait en outre une évaluation plus rapide des stratégies préventives. Enfin, les chercheurs en prééclampsie pourraient devoir approfondir la notion théorique selon laquelle la prééclampsie est une maladie hétérogène et qu'il n'y a peut-être pas plus 1 « type » de prééclampsie qu'il n'y a 1 type de cancer ou 1 type de syndrome de détresse respiratoire aiguë.95 La prééclampsie pourrait être la séquence finale commune de divers processus physiopathologiques. Si elle n'est que le produit du stress induit par des anomalies placentaires chez des mères susceptibles, alors la prévention et l'appréhension de la maladie devraient peut-être se focaliser davantage sur des sous-types particuliers du syndrome plutôt que sur l'étude des patientes porteuses de la maladie comme une population homogène.95


QUESTIONS ET DISCUSSION

QUESTION : Vous recommandez l'initiation de l'aspirine après 12 semaines de gestation. Peut-elle être débutée plus tôt?

DR POWRIE : J'ai recommandé 12 semaines à une population générale, parce que la plupart des essais sur l'aspirine à faible dose pendant la grossesse ont été initiés après le premier trimestre. Nous manquons donc de données exhaustives sur son innocuité pendant l'organogenèse. Cependant, les données existantes sont rassurantes. De nombreux experts prônent donc l'utilisation de l'aspirine à faible dose même pendant la période de conception96,97 (ou plus pragmatiquement, avant la conception), dans l'espoir que l'aspirine puisse exercer un effet optimal lorsqu'elle est initiée précocement dans l'évolution de la prééclampsie. Cependant, la méta-analyse Cochrane n'a pas trouvé de différence d'effet lorsque l'aspirine était initiée plus tôt.87

En conséquence, en l'absence de données claires permettant de distinguer un risque/bénéfice, j'ai tendance à penser que l'approche la plus prudente consiste à démarrer l'aspirine après la période d'organogenèse.

QUESTION : Changez-vous d'approche avec les patientes hypertendues et celles ayant un indice de masse corporelle élevé ? Qu'en est-il des patientes afro-américaines ?

DR POWRIE: Mon approche thérapeutique pour ces deux groupes est globalement inchangée. J'encourage les patientes obèses à essayer de perdre du poids avant d'entamer une grossesse, l'obésité étant associée à une majoration des grossesses compliquées.98,99 Je veille également à mesurer la pression artérielle avec un brassard correctement calibré - une erreur étonnamment fréquente dans les soins d'obstétrique. Bien que nous sachions que les β-bloquants et les IEC sont moins susceptibles d'être efficaces dans le contrôle de la pression artérielle chez les Afro-Américaines,100 j'ai néanmoins tendance à commencer par leur prescrire de la méthyldopa ou du labétalol pendant la grossesse, en raison de leur profil d'innocuité. Si ces substances se révèlent inefficaces, la nifédipine peut constituer une excellente alternative.

QUESTION: Vous êtes un interniste évoquant un sujet qui serait normalement considéré du domaine des obstétriciens, ce qui me semble assez curieux. Pouvez-vous faire des commentaires à ce propos?

DR POWRIE: Je fais partie d'un nombre croissant de spécialistes en médecine qui souhaitent combler le fossé entre les soins médicaux et obstétriques, et contribuer à initier les internistes et les sous-spécialistes à être plus impliqués et utiles dans les soins dispensés aux patientes en obstétrique avant, pendant, et après une grossesse. Les obstétriciens, les spécialistes en médecine materno-foetale, les internistes, et les sous-spécialistes, ont tous une perspective distincte et précieuse, avec des domaines de connaissances différents, mais complémentaires. S'ils souhaitent travailler ensemble, cela peut réellement améliorer les soins dispensés aux femmes tout au long de leurs années reproductives.


Informations sur les auteurs

Correspondance: Raymond O. Powrie, MD, Women and Infants' Hospital of Rhode Island, 101 Dudley St, Ste 1200, Providence, RI 02905-2499 (raymond_powrie{at}brown.edu).

Cette conférence a eu lieu durant les Obstetrics and Gynecology Grand Rounds au Beth Israel Deaconess Medical Center, Boston, Massachusetts, le 10 mai 2006.

Les rencontres cliniques du Beth Israel Deaconess Medical Center sont produites et publiées par Risa B. Burns, MD, Eileen E. Reynolds, MD, et Amy N. Ship, MD. Tom Delbanco, MD, est le rédacteur en chef de la série.

Rédacteur en chef de la section Rencontres cliniques: Margaret A. Winker, MD, Rédacteur en chef adjointe.

Liens financiers: Aucun déclaré.

Financement/soutien: Les rencontres cliniques ont été rendues possibles en partie grâce à une bourse du Sidney R. Rabb Charitable Trust et de la Sidney and Esther Rabb Charitable Foundation.

Rôle du sponsor: L'organisation qui a financé n'a pas participé au recueil, à l'analyse et à l'interprétation des données, à la préparation, la revue ou l'approbation du manuscrit.

Autres Contributions: Nous remercions la patiente pour avoir partagé son histoire.

Affiliation de l'auteur: Le Dr Powrie est professeur associé de Medicine et Obstetrics et Gynecology et Senior Vice President pour la qualité et l'efficacité clinique, Women and Infants' Hospital, Brown University School of Medicine, Providence, Rhode Island, et enseignant en Médécine, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts.


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