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PAGES DU PRATICIEN
Le dépistage de la démence en soins primaires?Est-ce le moment?
Carol Brayne, FRCP;
Chris Fox, MD;
Malaz Boustani, MD, MPH
LE DIAGNOSTIC DE LA DEMENCE EN CLINIQUE dépend actuellement
des découvertes du cas, et le praticien évalue ou oriente les
patients sur la base des symptômes ou les inquiétudes des
soignants. Toutefois, de nombreuses voix se sont élevées pour
dire qu'un dépistage systématique devrait être introduit
afin de permettre une détection précoce de la démence, et
pour permettre aux patients et aux familles de prendre les décisions
relatives au transport, à l'aménagement de la vie et aux autres
aspects des soins lorsque le patient a un état fonctionnel qui est
encore à son plus haut
niveau.1,2
La législation passée en 2005 était conçue pour
rendre l'évaluation de la mémoire plus accessible.
3 Certains
groupes ont suggéré d'inclure l'évaluation de la
mémoire dans l'examen "Bienvenue à Medicare",
plusieurs compagnies pharmaceutiques ont fait la promotion d'efforts de
dépistage régional, la Fondation pour la maladie d'Alzheimer a
déclaré le 16 novembre « Journée Nationale du
dépistage de la Maladie d'Alzheimer,"
3 et certains
chercheurs ont conseillé de dépister la démence chez les
personnes de 75 ans et
plus.1
Avant de conseiller un dépistage, des preuves doivent être
apportées montrant que les bénéfices contrebalancent tout
effet négatif potentiel. Les bénéfices potentiels
incluraient un traitement efficace de la pathologie, le maximum de
bénéfice provenant plus d'un traitement précoce que d'un
traitement tardif. Un traitement considéré comme efficace
dépend de la définition de dépistage : «
identification présomptive d'une maladie non reconnue par l'application
de tests, d'examens et d'autres procédures qui peuvent mises en place
rapidement»4
comme étant distincts des observations de cas opportunistes et en
renforçant sa connaissance clinique en pratique. La US Preventive
Services Task Force (USPSTF) a revu ce problème dernièrement en
2003 et n'a trouvé aucun essai clinique qui évaluait
l'efficacité, l'utilité et les effets négatifs du
dépistage de la démence en soins
primaires.5
Le cadre proposé par le comité national de dépistage
du Royaume-Uni
4 apporte une
façon structurée de réfléchir sur le fait de
savoir si un dépistage systématique devrait être mis en
place au niveau de la population ou en soins primaires. Le but utilitaire du
dépistage est de réduire la charge individuelle et
sociétale provenant des troubles spécifiques. Parfois cet
objectif est élargi pour inclure le droit de savoir, mais même le
droit de savoir est basé sur l'hypothèse que de meilleurs
résultats peuvent être obtenus en faisant de meilleurs choix
éclairés.
4,5
Importance, évolution naturelle et détection de la démence
En 2005, Les Etats-Unis ont dépensé environ 100 milliards de
dollars pour les soins de 3 millions de patients touchés par la
démence et pour les
soignants.5-7
En 2011, ces coûts devraient
doubler.6 En
l'absence de modification de l'incidence de la démence, entre 11
millions et 19 millions de personnes aux Etats-Unis auront une démence
en 2050, avec des coûts Medicare estimés à 1 trillion de
dollars.6
Une démence réversible ne survient que dans moins de 1.5% des
cas,5 et
l'importance des bénéfices potentiels du dépistage
dépend fortement sur le traitement de la démence
irréversible. La démence irréversible a beaucoup de
causes sous-jacentes, mais la maladie d'Alzheimer avec ou sans pathologie
vasculaire rend compte d'au moins 80% des démences en soins primaires.
5
La plupart des patients atteints de démence reçoivent des
soins médicaux dans un contexte de soins primaires, et au moins 66%
d'entre eux ne sont pas diagnostiqués aux stades précoces.
5,8
L'observation proactive de cas de démence en soins primaires a
été conseillée avec une plus grande réponse du
système médical vis-à-vis du patient et du soignant
rapportant les symptômes possibles de démence.
1,2,5
Souvent au sein d'un contexte de soins primaires, médecins et soignants
ne reconnaissent pas et ne répondent pas aux symptômes de
démence. Cette absence de réponse est exacerbé par les
ressources limitées comme le temps et le coût, de même que
par les attitudes négatives du médecin vis-à-vis de la
valeur de la détection et de la prise en charge de la
démence.8,9
Les médecins sont encouragés à rester en alerte sur la
survenue possible chez les patients de symptômes de démence. On
attend d'eux ce genre de connaissance pour diminuer le délai de temps
rapporté par de nombreux soignants et familles avant la première
notification des problèmes du patient au praticien et l'activation du
diagnostic, du traitement et des services d'assistance.
10
Cette reconnaissance clinique des symptômes de démence est
tout à fait différente du dépistage dans lequel une
population définie, sans symptômes rapportés par les
patients, leur soignants ou suspectés par leur praticiens, se voit
offrir un dépistage systématique et basé seulement sur
l'âge, comme chez les patients âgés de 65 ans ou plus
allant dans des consultations de soins primaires.
Tests de dépistage
Toute méthode de dépistage de la démence, comme
l'imagerie, l'évaluation cognitive et fonctionnelle, doit identifier
les personnes affectées avec une haute sensibilité,
spécificité et une valeur prédictive positive par rapport
à des références dans cette affection. Certains tests
cognitifs ont une sensibilité et spécificité
élevées, mais, dans le contexte de niveaux de prévalence
dans la population, ils n'auraient pas des valeurs prédictives
positives fortes. En dépit de la suggestion que les biomarqueurs
puissent être une promesse pour le futur, aucun biomarqueur satisfaisant
n'est encore disponible pour le diagnostic, la sévérité,
la progression, ou la prédiction de la réponse dans la
démence.11
De même, il a été suggéré que l'imagerie
était une technique possible pour localiser et identifier les
modifications cérébrales soit globalement ou dans des
régions spécifiques. La neuro-imagerie améliore la
précision diagnostique du déclin
cognitif.12
Toutefois, ces tests ne sont pas appropriés pour un dépistage
répété, sont coûteux et prennent du temps, limitant
leur applicabilité dans des contextes de soins primaires. Le
dépistage génétique rencontre le même
problème que les autres mesures biologiques ou d'imagerie—une
relation insuffisamment proche avec le
résultat.13
Les tests cognitifs, avec ou sans recueil d'information sur l'état
fonctionnel des personnes qui communiquent ces informations, ont aussi
été explorés sur des échantillons de
population.5
Bien qu'une sensibilité et une spécificité
élevées puissent être atteintes, les niveaux ne sont pas
suffisamment élevés pour éviter de se tromper sur des
grands pourcentages de personnes, et leur résultats ne sont
corrélés qu'aux populations dans lesquelles ils ont
été testés; une généralisation ne peut
être déduite pour des contextes différents d'âge,
d'éducation, de culture et de
soins.5,8
Le handicap fonctionnel peut être moins important dans des contextes
culturels où l'indépendance et l'autonomie des activités
quotidiennes ne font pas partie du rôle de la personne
âgée.14
De même, une altération de la mémoire n'est pas
considérée avec la même importance dans toutes les
cultures. 15
De plus, bien que l'acceptation par le public de ces dépistages
dépasse
50%,8,16
il existe de nombreuses inquiétudes du public sur le dépistage
comme ses effets potentiels sur la capacité individuelle à
pouvoir conserver son permis de conduire, pour vivre indépendamment ou
obtenir une résidence ou une police d'assurance santé.
16-18
Le travail diagnostique pour la démence à la suite de
résultats positifs du dépistage a fait l'objet de nombreuses
recherches, mais aucune recommandation universelle n'existe. Des
recommandations basées sur les preuves médicales seraient un
pré-requis de tout programme de dépistage.
Traitements
Les traitements actuels de la démence modifient les symptômes,
mais pas la maladie. Les médicaments améliorant la cognition ne
sont approuvés aux Etats-Unis que pour la maladie d'Alzheimer et pour
la démence de la maladie de Parkinson (PDD); leur utilisation est
même plus limité au Royaume Uni.4 Certaines personnes recevant
des inhibiteurs de la cholinestérase (pour AD ou PDD) ou la
mémantine, antagoniste du récepteur de la
N-méthyl-D-aspartate (pour AD) ont amélioré les scores de
l'échelle cognitive et
fonctionnelle.5,6,19
Toutefois, les modifications des scores de ces échelles sont difficiles
à traduire en gain
clinique.5,6
Des thérapies non pharmacologiques comme les interventions
psychosociales sont considérées comme efficaces, mais les
mêmes restrictions s'appliquent comme pour les
médicaments.5,20,21
De nombreuses approches seraient mieux appropriées en ciblant la
population âgée totale pour modifier toute la distribution du
risque.22
La plupart des traitements étant administrés lorsqu'une
altération substantielle cérébrale est déjà
apparue, la prévention des lésions neurologiques demandera
probablement un traitement avant que la maladie soit détectée
cliniquement. Cette approche proactive signifie que la démence doit
être identifiée, pas seulement lorsque l'incidence de la
démence augmente vers l'âge de 75
ans,5,8
mais à un stade beaucoup plus précoce lorsque les indicateurs
neuropathologiques commencent à apparaître dans le cerveau. Les
interventions à ce stade demandent des preuves obligatoires et auraient
aussi des implications financières majeures. Les approches
psychosociales des complications neuropsychiatriques de la démence
peuvent avoir un bénéfice pour les patients et les soignants,
mais les preuves que cette approche retarde la progression de la maladie ou
offre des bénéfices aux soignants à une stade
suffisamment précoce pour être évaluée dans le
cadre d'un dépistage n'existent actuellement
pas.5,21
Programmes de dépistage
Les programmes proposés de dépistage doivent être
cliniquement, socialement et éthiquement acceptables pour les
professionnels de santé et le public. Peu de recherches sont
disponibles sur des questions comme l'effet de résultats faux-positifs
d'un dépistage sur les personnes et leurs familles. Un programme de
dépistage et de diagnostic de la démence aux Etats-Unis a
montré des taux élevés de refus pour faire un travail
diagnostique sur la démence à la suite de résultats
positifs.8,18
Les refus étaient associés à l'ethnie, l'âge et la
perception de symptômes de
démence.18
Si des bénéfices du dépistage existent, le refus de test
complémentaires pourrait atténuer ces bénéfices.
De récentes études ont trouvé des effets ressentis
négatifs du dépistage de la démence sur
l'indépendance de vie, les privilèges de conduite ou les
politiques
d'assurance.16-18,23
Ces coûts doivent être considérés pour la personne
de même que pour le système de santé, qui a besoin
d'équilibrer globalement les dépenses du dépistage avec
les dépenses des coûts médicaux, en prenant en compte les
coûts relatifs à la prévention primaire, secondaire et
tertiaire de ce trouble de même que pour d'autres affections
fréquentes qui entraînent une morbidité, mais manquent de
ressources.
Un programme de dépistage doit être établi
soigneusement avec des systèmes de prise en charge et de maintenance et
être d'accord sur les contrôles de qualité. Ce que ces
systèmes doivent être, incluant conservation et prise en charge
et quelles mesures de qualité doivent être suivies, demande une
base sûre de preuves. Le programme doit avoir suffisamment de personnel
et d'établissements pour investigation, diagnostic et traitement avant
de commencer le programme. Avant d'allouer des ressources à un
programme de dépistage, les personnes ayant une affection cliniquement
évidente doivent être capables d'être prises en charge
à l'aide des meilleures pratiques disponibles. De même, les
facteurs de risque traitables, comme les facteurs de risque vasculaire doivent
être pris en charge de façon optimale. Aucun de ces aspects n'est
actuellement rempli dans la plupart des économies
développées, avec une perception générale d'un
besoin beaucoup plus grand que celui qui est actuellement fourni par le
système sanitaire et
social.5
Preuves limitées
Peu d'essais évaluant le dépistage de la démence en
soins primaires ont été réalisés. Un essai a
dépisté environ 3500 adultes âgés asymptomatiques
fréquentant des consultations de soins primaires et a identifié
450 personnes ayant des résultats positifs au
dépistage.8,24
La moitié de ces personnes avait donné son accord pour une
évaluation de confirmation diagnostique. Pour les 150 patients
détectés ayant une AD, et pour les soignants inclus dans un
essai randomisé de programme approfondi de soins de la démence,
les symptômes comportementaux et psychologiques du patient et le fardeau
du soignant s'étaient améliorés, mais pas l'état
fonctionnel et cognitif, et le programme n'avait pas réduit
l'utilisation par les patients ou les soignants des soins de santé.
Toutefois, la mise en place de ces programmes demandait de ressources
substantielles, une nouvelle conception du système et de surmonter des
obstacles significatifs comme l'acceptation du patient du travail
diagnostique, la disponibilité de coordinateurs des soins de la
démence, et la présence de spécialistes
interdisciplinaires des soins de la démence. Les effets négatifs
et la rentabilité de ce programme n'ont pas été
évalués, pas plus que l'effet de ce nouveau schéma sur le
dépistage et la prise en charge d'autres conditions chroniques en soins
primaires.8,23,24
Le surcroît de charge du dépistage, la communication des
résultats, et le développement d'un plan de traitement avec le
patient et les soignants doit aussi être envisagé. Les
médecins de soins primaires sont responsables d'environ 2500 patients
et on estime qu'il faut environ 10.6 heures par jour travaillé pour
apporter tous les soins recommandés aux patients ayant des affections
chroniques et 7.4 heures supplémentaires par jour pour fournir des
services de
prévention.25
Les implications d'ajouter un autre test de dépistage et les
conséquences en aval d'un système surtaxé ne doivent pas
négligés.
Conclusions
Comme de nouveaux traitements de la démence deviennent disponibles,
la pression augmentera pour un diagnostic plus précoce et plus rapide
de démence et donc du dépistage. Compatible avec les preuves
actuelles, ni le USPSTF ni le UK National Institute for Health and Clinical
and Health Excellence (NICHE) ne recommandent un dépistage de la
démence dans la
population.4,5
Pour développer la base d'un programme de détection, des
essais randomisés, comparatifs et bien conçus sur l'augmentation
de la détection des cas en soins primaires par rapport à un
programme formel de dépistage au sein de populations suffisamment
importantes mesurant des résultats pertinents sont nécessaires.
En pratique habituelle, l'observation de bon cas sur la base d'une suspicion
clinique, incluant la revue d'aspects comme la possibilité d'assister
les inquiétudes du patient et de sa famille, reste l'action la plus
appropriée. Les pressions pour instituer un dépistage pour un
bénéfice non prouvé pourraient détourner des
ressources dont on a besoin des systèmes de santé et sociaux, et
avoir des conséquences globales négatives pour les soins des
patients atteints d'une démence et d'autres maladies, retardant en fin
de compte le point où le dépistage de la démence devient
une intervention utile. L'objectif doit être de continuer les meilleurs
soins possibles pour la plupart des patients, qui actuellement n'incluent pas
le dépistage de la démence.
Informations sur les auteurs
| | Correspondance : Malaz Boustani, MD, MPH, Regenstrief Institute Inc,
Indiana University Center for Aging Research, 410W10th St, Ste 2000,
Indianapolis, IN 46202-3012
(mboustani{at}regenstrief.org).
Liens financiers : Le Dr Boustani est orateur pour Pfizer et a
reçu des bourses de recherche de Pfizer et Forest Pharmaceuticals.
Aucun autre auteur n'a déclaré de liens financiers.
Financement/Soutien : Le Dr Boustani a
bénéficié du soutien du Paul A. Beeson Career Development
Award in Aging (NIH grant K23 AG 26770-01) et d'une bourse NIH
R01AG029884-01.
Rôle des sponsors : Le NIH n'a joué aucun rôle
dans la préparation, la revue ou l'approbation du manuscrit.
Autres contributions : Nous remercions pour leur contribution
l'équipe du International dementia screening collaborative team pour le
contenu de cet article: Chris Callahan, MD, Indiana University Center for
Aging Research and the Regenstrief Institute Inc, Indianapolis; Louise
Robinson, MD, Institute of Health and Society, Newcastle University, UK;
Cornelius Katona, PhD, Kent Institute of Medicine and Health Sciences,
University of Kent, UK; Esme Moniz Cook, PhD, Department of Clinical
Psychology, Post Graduate Medical Institute, University of Hull, UK; Steve
Iliffe, FRCGP, Department of Primary Care and Population Sciences, Royal Free
and University College Medical School, London, UK; and Hugh Hendrie, MB, ChB,
DSc, Indiana University Center for Aging Research and the Regenstrief
Institute Inc. Aucune de ces personnes n'a recu de compensation
financière pour son aide.
Affiliations des auteurs : Department of Public Health and Primary
Care, Institute of Public Health, University of Cambridge, Cambridge, United
Kingdom; Kent Institute of Medicine and Health Sciences, University of Kent,
Kent, United Kingdom; and Indiana University Center for Aging Research and
Regenstrief Institute Inc, Indianapolis.
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