L'année de naissance d'Albert Anker, le 1er avril 1831 à
Anet, dans le canton de Berne, la Suisse entrait dans ce que l'on a
appelé la régénération. Les aristocraties
disparaissaient progressivement et une jeune république enfantait dans
la douleur et la
désunion.
C'est dans ce pays à la réputation de calme et de
neutralité qu'arrivait au monde le jeune Albert.
Mais, contrairement à ce que pense l'immense majorité des
gens, la Suisse a tout été sauf un pays calme. Tour à
tour, bourguignonne, bavaroise, autrichienne, française et
occupée, la Suisse a eu une histoire extrêmement agitée,
faite de guerres et de rébellions, de luttes intestines, de tentatives
de révolution (comme en 1831 à Neuchâtel) avant
d'être reconnue en 1815 au Congrès de Vienne comme pays neutre.
Il fallut pourtant attendre la deuxième moitié du 19ème
siècle pour que le pays se stabilise enfin.
Lorsque naît le petit Albert, la Suisse est surtout un pays de
paysans. L'agriculture est de type montagnard et la vie n'est pas toujours
facile. Les hivers sont rudes, la neige et la montagne sont
omniprésentes et les déplacements difficiles.
A l'écart des grandes villes, sous la protection des grands sommets
alpins, dans le canton de Berne, un garçon, extrêmement
doué pour le dessin, va grandir.
Son père est vétérinaire à Anet. Le jeune
garçon, deuxième enfant de la famille, suit ses premiers cours
de dessin à l'âge de 14 ans chez Louis Walhinger. Mais le dessin
et la peinture ne sont que des distractions. Albert entre en 1851 dans les
universités de Berne et de Halle, en Allemagne, pour y suivre des
études de théologie.
La théologie et l'Université, dans cette austère
Suisse, c'est bien, mais à 20 ans, on peut rêver d'autre chose.
Son avenir est-il de devenir pasteur?
Albert tient deux années, et à la fin de 1853, il demande
à son père d'interrompre ses études et de devenir
peintre.
L'autorisation paternelle accordée, il part pour Paris, ville qu'il
avait découverte en 1851. Il y travaille chez le peintre suisse Charles
Gleyre et, entre 1855 et 1860, fréquente l'École
impériale des beaux-arts où étudiait Pierre-Auguste
Renoir.
Après un séjour en Italie, il épouse, en 1864, Anna
Ruefli qui lui donnera six enfants.
Le couple se partage entre Paris, l'hiver, et Anet,
l'été.
Albert Anker a depuis évolué, il dessine de nombreux projets
pour le céramiste Théodore Deck et va en réaliser au
cours des années plus de 300.
Dessinateur et peintre de talent, Albert Anker a laissé une oeuvre
consacrée à décrire les scènes de la vie
quotidienne en Suisse. Ses personnages découlent de son attachement aux
petites gens. Il peint dans un style se rapprochant de l'impressionnisme, et
son réalisme fin, charmant et subtil est dénué de
critique sociale ! Avec Albert Anker, la vie rurale, la vie des villes, les
montagnes, les écoles, les enfants qui jouent, les vieillards qui
fument la pipe, créent un cadre enchanteur. Nous sommes dans la
montagne de Heidi. Nulle critique à cela, car son réalisme nous
montre le monde tel qu'il est en Suisse et si Anker l'idéalise
probablement un tout petit peu, son tempérament l'éloigne de son
compatriote Ferdinand Hodler qui donnera de la Suisse une image un peu
glacée et morne.
Avec Anker, les couleurs sont chaudes et vives, les coins sombres des
pièces sont des abris. Lorsque les enfants se tournent vers le peintre
dans la Crèche, ils sentent bon la chaleur du lieu et la tiédeur
laiteuse des cantons suisses. C'est un hommage à son pays qu'Albert
Anker a peint.
Il devient le peintre populaire suisse et probablement le plus populaire du
19ème siècle.
Elu en 1870, député au Grand Conseil du canton de Berne, il
travaille pour des magazines. En 1878, on lui confie l'organisation de la
section suisse de l'Exposition universelle de Paris, au cours de laquelle il
reçoit la Légion d'honneur.
Ce Suisse est un homme actif, il voyage, participe à l'Exposition
universelle de 1889 à Paris, voit la Tour Eiffel défier le
ciel.
On le nomme enfin membre de la Commission fédérale des
beaux-arts.
Vers la soixantaine, Albert Ankel renonce à son domicile parisien et
s'installe définitivement dans sa demeure d'Anet.
Il y décédera le 16 juillet 1910 à l'âge de 79
ans.
Les musées suisses possèdent de très belles
collections de ses oeuvres qui sont à découvrir.
Nous sommes loin de l'expressionnisme et du symbolisme, mais nous sommes
passés au cours de sa vie de la royauté à l'Empire et de
l'Empire à la République. Son temps était celui du
bouleversement. Sachons lui savoir gré d'avoir conservé la
beauté, la tranquillité et la naïveté dans les
regards de ceux qu'il a peints.