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Paul Cézanne 1839-1906
Jean Gavaudan, MD
Né à Aix en Provence, Cézanne restera pour beaucoup le
peintre de la Montagne Sainte-Victoire et des joueurs de cartes. Fut-il ce
monstre que décrivit Théodore Duret: « L'apport des
novateurs en peinture ne s'est jamais produit, au XIXe siècle, sans
soulever une opposition plus ou moins violente. Si les Impressionnistes
étaient aussi maltraités à leur exposition de 1877, c'est
qu'ils avaient atteint leur plein développement et qu'ils montraient
réellement des œuvres d'un caractère différent de
ce que l'on avait déjà vu. Cézanne était de tous
celui qui excitait et devait exciter longtemps le plus d'horreur. On peut
dire, pour caractériser l'opinion qu'on s'en formait, qu'il faisait
l'effet d'un monstre, d'un ogre.»
Les critiques ont été durs avec Cézanne, certains de
ses amis aussi, et Cézanne dut se battre aussi bien avec le courant
impressionniste qui voyait un des siens dériver vers autre chose que
les tableaux désormais classiques que nous connaissons de Monet, Renoir
ou Sisley que contre le classicisme de l'époque qui lui refusait
systématiquement l'entrée au Salon, année après
année, qu'enfin contre les critiques qui voyaient en Cézanne un
peintre inachevé.
Ami de jeunesse de Zola, il se brouilla plus ou moins avec ce dernier
lorsque Zola publia en 1886 « L'œuvre », livre dans lequel
Cézanne se reconnût sous les traits du peintre Claude
Lantier.
Né dans une famille bourgeoise, qui lui assura une rente suffisante
pour se consacrer à la peinture puis un héritage (son
père était banquier), Cézanne n'a certes pas connu les
difficultés de ses amis peintres dont certains durent lutter pour
vivre, mais il a connu les affres de la création, la douleur de
l'artiste qui essaie et réessaie pour mettre en conformité ce
qu'il ressent et ce qu'il peint. Dur chemin, pavé d'humiliations, refus
des Salons classiques, refus du Salon des impressionnistes, refusé
à l'Académie des Beaux-Arts, quasiment peintre auto-didacte,
Cézanne n'a éclaté qu'en 1895 lorsque le jeune
galériste parisien Ambroise Vollard allait exposer plus de ses 150
tableaux.
Découverte ou redécouverte, on ne peut dire, mais l'heure de
Cézanne allait sonner. Ses amis impressionnistes, qui ignoraient ce que
le maître provençal faisait dans sa campagne aixoise,
redécouvrirent stupéfaits que le peintre avorté
était devenu un maître, mais découvert aussi par de jeunes
peintres, dont les nabis, Cézanne ouvrait la voie à la peinture
moderne.
Comme sur le tableau que nous présentons, Cézanne passe de la
simple impression des couleurs et des mouvements, à un début de
déstructuration de l'image. Celle qu'il voit ou qu'il pense, les
couleurs sont fondues, volontairement proches les unes des autres. La nature
l'inspire et il ne s'en détachera jamais, mais il évolue aussi
vers des compositions, non seulement des nus, mais aussi des natures mortes.
Avec Cézanne, le cubisme commence à poindre, ses baigneuses ne
sont pas loin de Picasso.
Cent ans après sa première exposition chez Ambroise Vollard,
Cézanne était exposé à Paris et à Londres.
En 2006 pour marquer le centenaire de sa mort, il était à
Washington. Reconnaissance tardive, mais méritée pour ce peintre
qui sut être l'ami de presque tous les impressionnistes, mais sut aussi
se détacher de ce mouvement pour ouvrir la porte à la peinture
moderne.
Cézanne, dans son atelier aixois, c'est l'homme seul à la
barbe, seul dans sa maison, le soleil inondant le palier, il peint et nous
regardons, mieux nous sentons ce qu'il a voulu peindre.
« Silence dans la maison,
Silence sur la colline,
Ces parfums qu'on devine,
C'est l'odeur de saison »
(Michel Berger, Cézanne peint).
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