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La ballade de lamoureux jaloux de Lone Green Valley
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Thomas Hart Benton, 1889-1975, La ballade de lamoureux jaloux de Lone Green Valley, 1934, Etats-Unis © 2008 Spencer Museum of Art
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Cest un peintre presque contemporain qui nous intéresse aujourdhui, car si Thomas Hart Benton est né au XIXème siècle, il a vécu tous les grands événements artistiques et politiques qui allaient bouleverser le monde jusquà son décès en 1975. Ce peintre est étonnant à plus dun titre. Il appartient à un mouvement que lon a appelé aux Etats-Unis les "régionalistes" et aujourdhui est considéré comme un peintre plutôt réactionnaire. Il a pourtant formé Jackson Pollock qui allait devenir liconoclaste de la peinture, celui qui allait briser tous les tabous de la peinture européenne en inventant la technique du " dripping " (la peinture coule sur la toile dun pot percé au gré de linspiration du peintre qui nest plus un peintre, mais devient la peinture elle-même). Avec Gottlieb, Rothko, et Baziotes, Pollock deviendra lun des "faiseurs de mythe" de lAmérique. Avant ce groupe, la peinture européenne était prédominante, après eux, elle sera provinciale.
Mais revenons à Benton. Né dans le Missouri, à Neosho, le 15 avril 1889, il passe sa jeunesse dans de nombreux internats scolaires de la région puis à Washington. Tôt, il entre comme dessinateur au Joplin American in Missouri ce qui ne le satisfait pas. Benton est à la recherche dun art nouveau, mais pas dun art moderne. Pour apprendre et se perfectionner, il part à Chicago et commence ses classes à lArt Institute de Chicago, puis en 1908, à lâge de 19 ans, quitte les Etats-Unis pour Paris où il demeure trois ans. Son assiduité nest pas parfaite, Benton fréquente épisodiquement lAcadémie Jullian et lAcadémie Colarossi où il ne laisse pas un souvenir marquant. Durant son séjour en France, Benton est profondément impressionné par la peinture de Cézanne, sa façon de décomposer les paysages, les êtres et la lumière, sa façon aussi de peindre les scènes locales de sa région natale. Cest avec ces souvenirs, mais aussi déjà sa propre idée quil quitte en 1912 une Europe qui navait pas encore été dévastée par la guerre et retourne aux Etats-Unis.
À New York dabord, il retrouve son ami Stanton MacDonald Wright et commence sous son influence une période synchromiste. Mais, bientôt, Benton va évoluer vers son propre style et deviendra avec John Stewart Curry et Grant Wood, un des chefs de file du mouvement régionaliste.
Il refuse le terme de moderniste qui lui rappelle trop lEurope. Ce quil veut, cest créer un style typiquement américain en travaillant à la fois la composition et la technique maniériste des peintres du début du XVIème siècle comme El Greco. Linfluence de ce dernier se ressent dans les personnages de ses tableaux, souvent déformés, allongés, portant sur leur physionomie la souffrance intérieure. Il travaille avant tout la composition de ses tableaux et forme des ensembles où léquilibre est au mieux décrit. Brillamment colorés, ses tableaux se veulent le reflet dune Amérique idéale. Devenu extrêmement populaire dans les années trente, il se voit confier de nombreuses compositions murales pour des bâtiments publics, notamment dans le grand salon du Capitole de létat du Missouri à Jefferson City et à la bibliothèque Truman. Lexaltation de la puissance, de lindustrie et de lagriculture américaine avait trouvé son chantre.
Dans le tableau présenté aujourdhui, Benton décrit une ballade populaire des Etats-Unis dont on trouve plusieurs versions. La jeune femme a été entraînée par son ami dans la campagne, mais, fatiguée, demande à rentrer. Celui-ci laccuse de ne pas laimer, de le trahir et la poignarde. La composition de ce tableau est assez étonnante. Benton met en scène une pièce de théâtre. Les musiciens constituent le premier plan et ne sintéressent pas à ce qui se déroule derrière eux. Ils racontent la ballade. Derrière eux se joue le drame, le paysage est courbe, mouvant, les amants sont isolés sous la lune, la scène est close et personne ne viendra aider la jeune femme. Lamant, son couteau à la main, va passer à lacte. Cette tragédie qui ne reflète pas lidéal américain de Benton a été peinte en 1934 lors dun voyage dans les Ozarks. Les personnages correspondent bien à ceux qui vivaient à cette époque dans ces régions, au point où le tableau sera classé comme le stéréotype même des gens de la région.
Mais petit à petit, dépassé par un monde en plein changement, dépassé par ses propres élèves que le monde concret nintéresse pas, il perd de sa popularité. La deuxième guerre mondiale sera son chant du cygne. Ses tableaux célèbrent encore la gloire de lAmérique en guerre, mais celle-ci terminée, Benton perdra son crédit et ses tableaux, qui nont pas évolué, seront considérés comme trop provinciaux. Benton décède le 19 janvier 1975 dans son studio, laissant derrière lui un immense et important témoignage de ce que fut à ses yeux la vie des régions américaines. Comme dans la ballade, Benton a sans doute pensé que, "bien que ce soit mon dernier souffle, je ne tai jamais déçu, avant de clore ses yeux". Son pays la aimé, et même lorsque celui-ci la rejeté, il a continué à laimer.
Jean Gavaudan, MD
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