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Zahari Zograf, 1810-1853, Auto-portrait, bulgare.
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La Bulgarie est un pays de contraste et de richesses culturelles. Elle fut bien avant le Moyen-Orient et lEgypte des pharaons, une contrée développée, au travail artistique subtil, peuplée dorfèvres talentueux et de rituels élaborés.
Lhistoire de ce pays est incroyablement complexe. Carrefour entre lOrient et lOccident, la Bulgarie fut surtout lobjet de convoitises de son puissant voisin, lEmpire Ottoman. Probablement un des rares pays dans cette région à avoir eu lors de son histoire accès à trois mers (Mer Noire, Mer Egée et Mer Adriatique), lévolution voulut que ce royaume des Tsars bulgares éclate en différentes nations qui devinrent petit à petit ce que lon connaît aujourdhui des pays de lEst européen. Mais ce royaume, qui fut moitié romain, moitié grec, puis envahit par les slaves avant de passer en dautres mains, subit pendant plusieurs siècles la domination de la Sublime Porte. Proche (trop proche) de Constantinople (Istambul), il constituait un emplacement trop stratégique pour que lEmpire Ottoman lui laisse son autonomie. La Bulgarie dut ainsi saccommoder pendant plusieurs siècles de la domination des Turcs.
Le pays attendit la deuxième moitié du 18ème siècle pour vivre sa renaissance, puis patienter encore un siècle et forger son indépendance à la force des armes pour y arriver enfin en 1878. La Bulgarie ne savait pas encore quelle subirait à nouveau pendant plus de 40 ans une domination tyrannique des communistes et de son puissant voisin, lUnion Soviétique qui ne lui laissa aucun choix possible. Par la lâcheté des nations qui se couchèrent à Yalta, la Bulgarie ne fut jamais un pays, une nation, une contrée indépendante, mais un ensemble de cultures, de religions et de peuples.
La domination turque ne fut pas contrairement à ce quen pensait Lamartine une simple féodalité. Si celui-ci ne vit que peu, et souvent avec lœil exalté du poète romantique : « Le Pays que les Bulgares habitent serait un jardin délicieux si l'oppression aveugle et stupide de l'administration turque les laissait cultiver avec un peu plus de sécurité : ils ont la passion de la terre »— Lamartine « Voyage en Orient », ce quil vit fut inexact.
Sur le plan religieux, il est vrai de dire que la domination turque fut brutale, mais sur léchelle de la violence humaine, elle ne fut jamais intolérable. Bien au contraire, une certaine tolérance civile sétablit en Bulgarie. Les moines, devant la destruction des églises, préférèrent toutefois sisoler dans les montagnes et y construisirent des monastères à labri de la vindicte ottomane. Ces monastères sont toujours présents et aussi richement décorés quils ne le furent au cours des siècles derniers.
Le royaume bulgare vécut jusquen 1946 avant que le joug communiste ne lui impose une nouvelle servitude et un lourd tribut en vies humaines que le pays paya sans dire mot.
Cest après le milieu du 18ème siècle quéclata la renaissance nationale bulgare. Alors que ce pays, bien avant la renaissance italienne, avait montré tout son savoir faire en matière artistique, cette longue succession de dominations diverses et de partages incessants, stoppa lévolution intellectuelle et artistique durant plusieurs siècles. Lart se limitait aux peintures murales et aux icones slaves. Dès le début du 19ème siècle, le sentiment nationaliste se renforça. Guidé par des intellectuels et des artistes, les bulgares redécouvrirent le sentiment de la révolte. Celle-ci finit par éclater en 1876 et malgré son échec qui entraîna la mort de 30 000 bulgares, les nations occidentales et la Russie finissent par sintéresser au sort de ce pays perdu. Jusquaux Etats-Unis, le sort des Bulgares émut les élites intellectuelles et les politiques. Si la Russie espérait mettre la main sur le Bosphore, ce quelle fera en définitive, les autres nations eurent un sentiment de révolte sentimentale et humaine devant les massacres perpétrés. « On massacre un peuple. Où ? En Europe. Ce fait a-t-il des témoins ? Rien qu'un témoin, le monde entier. Les gouvernements l'aperçoivent-ils ? Non ! Aura-t-il une fin, le martyre de ce peuple héroïque ? Il est grand temps que la civilisation l'interdise »— Victor Hugo—Août 1876.
En 1877-1878, la Russie et la Roumanie mènent une nouvelle guerre contre les Turcs qui se terminera par la libération de la Bulgarie. Si aujourdhui, la Turquie éprouve beaucoup de difficultés à simposer dans le monde moderne et occidental, peut-être doit-elle se poser des questions sur les trop nombreux massacres qui jalonnent son histoire, du Bulgaroctone, Basile II le byzantin, au sultan rouge jusquau massacre des Arméniens.
Mais nous sommes au 18ème siècle, la renaissance bulgare éclate, des poètes, des architectes, des peintres se révèlent. Parmi ces derniers, Zahariy Hristovich Dimitrov (1810–1853), connu sous le nom de Zahari Zograf est de loin le peintre bulgare le plus célèbre de cette renaissance nationale.
Zograf crée un style. Les icones et les peintures murales religieuses sont encore très vivants. La grande nouveauté de Zograf est dy introduire des scènes de la vie quotidienne. Il va montrer la réalité, remplacer les couleurs austères et strictes par des tons gais et vifs.
Né dans la ville de Samokov (dans la province de Sofia) en 1810, formé par son frère Dimitar Zograf, il part étudier avec Néophyte de Rila (ou Néophyte Rilski) en 1827 et à lâge de 21 ans, en 1831, il est nommé maître.
Zograf va consacrer sa vie à la peinture murale décorant de fresques sublimes la plupart des grands monastères de son pays, notamment les monastères de Bachkovo, de Troyan et de la Transfiguration où il se met en scène sous la forme dauto-portraits, audace plus que controversée à cette époque de domination ottomane. Dans plusieurs fresques de différents monastères, Zahari se peint à côté même de labbé.
Sur lauto-portrait que nous présentons, Zograf est encore habillé à la mode ottomane, la coiffe traditionnelle, le long manteau, un pinceau à la main. Lécriture est cyrillique. Celle-ci fondée vers 860 par deux moines de Salonique, Cyrille et Méthode, était depuis le 9ème siècle la langue officielle de la Bulgarie. Simple application de lalphabet grec à la langue slavone, elle est encore aujourdhui la langue de nombreux pays slaves.
Vers 1851, Zograf va sinstaller dans un des monastères du Mont Athos où il continue son travail de décoration murale. Il travaille notamment dans le monastère du Grand Lavra, construit vers le 10ème siècle avec le soutien financier de lempereur byzantin, Nicéphore II. Ce monastère qui est le plus ancien et le plus grand des monastères du Mont Athos, abritait encore dans les années 90 plus de 300 moines. Il comprend 37 chapelles et sa librairie est riche de plus de 2046 manuscrits et 30 000 livres.
Zograf passe son temps entre la décoration murale, les portraits des bienfaiteurs et des esquisses quil laissera en grandes quantités. Mais le 14 juin 1853, alors quil na que 43 ans, il est emporté par le typhus.
Zograf restera comme le plus grand peintre de la renaissance nationale bulgare. Bien que son style soit fortement influencé par lart séculaire slave et byzantin, il a su introduire des nouveautés, telles que des éléments de la vie de tous les jours, une audace à cette époque qui nous paraît bien timide aujourdhui. Mais, dans un pays cadenassé comme létait la Bulgarie au 19ème siècle, sans contact avec loccident, la peinture de Zograf était bien révolutionnaire.