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MULTISTRATEGY : pouvons nous en adopter les 2 stratégies ?
Philippe Gabriel Steg, MD
Langioplastie primaire est devenue le traitement de référence à la phase aiguë de linfarctus du myocarde avec sus-décalage de ST, à la condition (et ces conditions sont importantes) quelle soit réalisée rapidement et dans un centre expérimenté. Parmi les décisions thérapeutiques que le cardiologue interventionnel est amené à prendre au cours de la procédure, deux sont particulièrement importantes en raison de leurs implications cliniques et économiques : le traitement antiplaquettaire adjuvant et le choix du type de stent.
Il existe un corpus de données important démontrant le bénéfice dassocier à cette angioplastie un bloqueur des récepteurs GPIIb-IIIa plaquettaires par voie intraveineuse, dautant que ladministration orale de thiénopyridine et daspirine (qui est indiquée) a peu de chances, même avec une dose de charge élevée, de conduire à une inhibition marquée de lagrégation plaquettaire dans les délais courts (quelques minutes) souhaités pour langioplastie primaire. Il sagit donc dun traitement utile pour les heures et les jours suivant langioplastie. Lécrasante majorité des données cliniques disponibles concernant les antiGpIIb/IIIa dans le contexte de langioplastie primaire porte sur lutilisation de labciximab (Reopro®) et montre un bénéfice clinique à court, moyen et long terme de ladjonction de ce traitement à langioplastie. Néanmoins, ce traitement a des inconvénients : il est en effet relativement coûteux et il sagit dun anticorps monoclonal et, à ce titre, il est générateur de réactions immunes, dont les plus fréquentes et les plus sérieuses sont des thrombopénies sévères, certes rares, mais qui nécessitent une surveillance attentive de la numération plaquettaire dans les heures suivant ladministration du bolus et de la perfusion du médicament (il est recommandé de poursuivre le traitement jusquà 12H après le début de la procédure). Une stratégie alternative consiste à utiliser dautres médicaments de la même classe, mais qui sont des petites molécules et non des anticorps, tels que le tirofiban ou lintégrilin. Bien quil existe, au moins sur le papier, dautres actions de labciximab que leffet antiplaquettaire, il est très vraisemblable que le bénéfice clinique observé est en rapport avec leffet antiplaquettaire rapide et très puissant de la molécule. Pour cette raison, on peut espérer que les autres anti-GPIIIb-IIIa puissent permettre dobtenir la même efficacité clinique pour un coût moindre. Le tirofiban est en particulier le moins cher (au moins en Europe) des anti-GPIIb-IIIa, mais son utilisation a considérablement décliné après les résultats de lessai TARGET montrant quil nétait pas « non-inférieur » à labciximab comme traitement adjuvant de langioplastie coronaire. A posteriori, il est apparu très vraisemblable que le manque defficacité du tirofiban dans létude TARGET était lié à lutilisation dune dose initiale trop faible et les études dagrégation plaquettaire ex vivo ont bien montré que lutilisation dun bolus plus fort de 25µg/kg (au lieu de 15), suivi dune perfusion de 18 à 24H à la dose de 0,15µg/kg/min, permettrait dobtenir une efficacité antiplaquettaire sensiblement superposable à celle des autres anti-GPIIb-IIIa. Ces modalités dadministration du tirofiban ont fait lobjet dun premier essai clinique pilote à la phase aiguë de linfarctus du myocarde qui était lessai STRATEGY, ainsi que de trois autres études de petite taille. Les résultats encourageants de ces études ont conduit les investigateurs de lessai MULTISTRATEGY à comparer tirofiban et abciximab comme traitements adjuvants à langioplastie primaire, dans un essai ayant une puissance raisonnable pour évaluer un critère de jugement intermédiaire : la résolution du sus-décalage du segment ST à lélectrocardiogramme, hautement corrélé au pronostic à la phase aiguë de linfarctus du myocarde et directement en rapport avec le mécanisme daction attendu de ces antiplaquettaires sur la perméabilité coronaire, tant au niveau épicardique quau niveau microcirculatoire. Sept cent quarante cinq patients avec un infarctus du myocarde avec sus-décalage de ST ont ainsi été randomisés entre une stratégie utilisant labciximab et une stratégie utilisant le tirofiban avec un bolus à haute dose, et une réduction du sus-décalage du segment ST de plus de 50% a été observé chez 83,6% des patients traités par abciximab contre 85,3% des patients traités par tirofiban, ce qui remplit les critères de « non infériorité ». Il est important de noter que les événements cliniques, notamment le risque de décès ou de réinfarctus, étaient similaires dans les deux stratégies à 3,8% au 30ème jour dans les deux groupes. Après huit mois de recul, les proportions observées étaient de 7,5% dans le bras abciximab et 5,9% dans le bras tirofiban (p=0,55), suggérant que le tirofiban, suivant ces modalités dadministration « modernes », représente une alternative crédible au traitement par abciximab, permettant ainsi une économie substantielle. Il faut néanmoins souligner que cette étude navait pas la puissance pour conclure formellement sur un bénéfice clinique, ce qui aurait nécessité des effectifs beaucoup plus importants.
En parallèle avec la comparaison abciximab-tirofiban, les patients ont fait lobjet dune deuxième randomisation, en plan factoriel 2 x 2, comparant stent actif au sirolimus et stent métallique nu. En effet, le rôle des stents actifs à la phase aiguë de linfarctus du myocarde reste encore débattu. Il est vraisemblable, sur la foi des nombreux essais randomisés déjà réalisés dans ce contexte, quils réduisent de façon substantielle le risque de resténose et de nouvelle revascularisation dans les mois suivants langioplastie primaire. Néanmoins, se posent deux problèmes : le premier est que le risque de resténose et de nouvelle revascularisation est probablement plus faible dans le contexte de langioplastie primaire que lors de langioplastie élective, notamment parce que le territoire dépendant de lartère dilatée est souvent partiellement ou complètement non viable, et donc ne justifierait pas une nouvelle revascularisation, même sil existait un rétrécissement récurrent de lartère stentée. Le deuxième problème plus inquiétant est la notion que les stents actifs sont associés à un risque de thrombose tardive et dévénements cliniques graves associés plus importants que les stents nus, notamment après la première année. Néanmoins, il faut souligner quil nexiste pour linstant que très peu de données randomisées permettant lévaluation du devenir clinique de ces deux types de stents après angioplastie pour infarctus aigu du myocarde, la plupart des données disponibles provenant de comparaisons non randomisées et donc potentiellement très biaisées. Pour cette raison, lessai MULTISTRATEGY fournit également des renseignements précieux. Le critère de jugement principal de cette comparaison était le composite des décès, des réinfarctus et des revascularisations du vaisseau cible après 8 mois de recul. Il a été observé chez 14,5% des patients du groupe stent nu contre 7,8% des patients du groupe stent actif (p=0,004) sans différence notable de mortalité ou de risque de réinfarctus, lessentiel de la différence provenant dune nouvelle revascularisation nécessaire chez 10,2% des patients du groupe stent nu contre 3,2% des patients du groupe stent au siroluminus (p<0,001). Il est néanmoins notable que ces taux de revascularisation sont faibles dans les deux groupes et que, même le groupe stent nu na que 10% de revascularisation à 8 mois. Il faut également souligner que le recul dans cet essai nest que de 8 mois et quil ne permet de fournir de données sur la sécurité à long terme au delà de la première année de la stratégie stent actif. Ceci est dautant plus important que, il semble que le bénéfice des stents actifs soit directement conditionné à la poursuite dun traitement prolongé par bithérapie antiplaquettaire associant une thiénopyridine et de laspirine, et il est notoirement délicat dapprécier, dans le contexte de lurgence à la phase aiguë de linfarctus du myocarde, lexistence déventuelles contre-indications, la tolérance et lobservance au traitement antiplaquettaire chez les patients hospitalisés en urgence. Néanmoins la conclusion de cet essai est que lassociation dun stent actif au sirolimus et dune administration de tirofiban utilisant un bolus élevé pourrait permettre dobtenir une efficacité clinique optimale pour un coût restant sensiblement stable par rapport aux stratégies conventionnelles utilisant un stent actif et le bolus et la perfusion dabciximab. Elle nécessite néanmoins, avant dêtre adoptée en pratique, une évaluation plus précise de la sécurité à long terme (au-delà dun an) des stents actifs dans le contexte de linfarctus aigu.
Informations sur les auteurs
| | Correspondance : PG Steg. INSERM U-698. Recherche Clinique en Athérothrombose. Université de Paris VII – Denis Diderot. Centre Hospitalier Bichat-Claude Bernard. 46 rue Henri Huchard 75877 PARIS Cedex 18. France. Tél. 33 (0) 1 40 25 86 68 ; Fax : 33 (0) 1 40 25 88 65 ; e-mail : gabriel.steg{at}bch.aphp.fr
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Affiliation de lauteur : INSERM U-698. Recherche Clinique en Athérothrombose. Université de Paris VII – Denis Diderot. Centre Hospitalier Bichat-Claude Bernard. 46 rue Henri Huchard 75877 PARIS Cedex 18. France.
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ARTICLE EN RAPPORT
Comparaison dune angioplastie avec perfusion de tirofiban ou dabciximab avec mise en place dun stent à élution de sirolimus ou dun stent nu dans linfarctus aigu du myocarde: Lessai randomisé MULTISTRATEGY
Marco Valgimigli, Gianluca Campo, Gianfranco Percoco, Leonardo Bolognese, Corrado Vassanelli, Salvatore Colangelo, Nicoletta de Cesare, Alfredo E. Rodriguez, Maurizio Ferrario, Raul Moreno, Tommaso Piva, Imad Sheiban, Giampaolo Pasquetto, Francesco Prati, Marco S. Nazzaro, Giovanni Parrinello, Roberto Ferrari, et Pour les investigateurs de létude MULTISTRATEGY (Multicentre Evaluation of Single High-Dose Bolus Tirofiban vs Abciximab With Sirolimus-Eluting Stent or Bare Metal Stent in Acute Myocardial Infarction Study)
JAMA. 2008;299:1788.
Résumé
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