Eva Gonzalès et Berthe Morisot ont en commun d'avoir intimement
connu Edouard Manet. Elles seront tour à tour ses modèles et ses
élèves. Certains ont dit que Manet, fortement marqué par
le talent d'Eva Gonzalès, en avait fait sa seule élève,
ce n'est pas tout à fait exact. Berthe Morisot, qui devient, en
épousant Eugène, la belle-soeur d'Edouard aura une influence
encore plus nette sur ce
dernier.
|
|
Le réveil, 1876, Eva Gonzalès, français
|
|
|
Berthe Morisot, membre à part entière du mouvement
impressionniste, convaincra en effet Manet de peindre en extérieur et
de renoncer aux couleurs sombres et tristes qu'il affectionne.
Eva Gonzalès voit le jour à Paris. Nous sommes en 1849. Elle
est la fille de l'écrivain Emmanuel Gonzalès. Ce dernier est un
grand ami d'Edouard Manet et d'Emile Zola. Ce sera ce dernier qui prononcera
d'ailleurs l'oraison funèbre lors de la disparition de cet
écrivain aujourd'hui un peu oublié. Il reste cependant l'un de
ces grands auteurs de roman-feuilleton à l'égal de Paul
Féval ou de Michel Zévaco.
« Plus tard, j'ai connu Gonzalès, et je me souviendrai
toujours de notre première rencontre chez un ami commun, le peintre
Edouard Manet. Et quoi ? L'auteur des Frères de la Côte
n'était pas un mythe! Il vivait, il descendait pour moi de sa
légende. Et je trouvais l'homme le meilleur de la terre, d'une grande
simplicité, d'une grande bonté. Il venait là avec ses
deux filles, alors dans tout l'éclat de leur jeunesse et de leur
beauté. Il devait mourir de la mort de l'aînée, entre les
bras de la cadette en larmes. »
En 1865, sous le règne de Napoléon le petit, comme aimait
à l'appeler Victor Hugo, elle Eva commence à prendre des cours
de dessin chez Charles Chaplin, non pas notre génie comique presque
contemporain, mais le peintre de salon, celui qui allait avoir
également comme élève Mary Cassatt, cette
élégante américaine, qui impressionna tant Degas. Charles
Chaplin, que l'on a presque totalement oublié de nos jours,
était né aux Andelys d'un père anglais. Il est
classé dans les « pompiers », mais sa peinture fine et
délicate allait séduire l'Impératrice Eugénie,
mais aussi de nombreux élèves qui viendront fréquenter
son atelier.
Eva devient ensuite l'élève et le modèle d'Edouard
Manet en 1869. Elle a alors 20 ans. Manet est séduit par cette jeune
femme qui est non seulement belle à peindre, mais aussi
extrêmement douée.
Elle expose pour la première fois au Salon de 1870, année de
la fin du IIème Empire et ouverture sur le monde moderne dans de si
nombreux domaines. Eva y présentera ses tableaux chaque
année.
La peinture d'Eva Gonzalès est fortement influencée par son
maître, Edouard Manet. Elle maîtrise la composition et les
couleurs du maître. Son style cependant évolue pour prendre une
touche nettement plus personnelle, en particulier dans ses pastels aux
couleurs claires, ses formes douces, et le romantisme dont elle
imprègne ses compositions.
Eva Gonzalès, impressionniste, peut-être, mais surtout peintre
de figure, se rapprochant de Manet jeune. Bien qu'elle adhère au
mouvement impressionniste, elle n'expose jamais avec eux et
préfère le Salon annuel qui ne lui refusera qu'un seul tableau
en 1874, probablement son tableau le plus célèbre, « La
Loge aux Italiens ».
En 1878, alors âgée de 29 ans, elle épouse le peintre
et graveur Henri-Charles Guérard de trois ans son aîné. Il
lui survivra 14 ans. Car, en 1883, alors que son maître, mentor, et ami
vient de mourir, Eva, enceinte de son premier enfant meurt en accouchant 6
jours après Manet. Elle a 34 ans.
Il reste aujourd'hui peu de tableaux d'Eva Gonzalès, car sa
disparition prématurée ne lui a pas permis d'atteindre la
notoriété d'une Berthe Morisot ou d'une Mary Cassatt, mais Eva
Gonzalès n'a rien à leur envier, elle reste l'un des peintres de
figure les plus marquants du 19ème siècle.