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Prescription différée pour le traitement de l'otite moyenne aiguëUne étude contrôlée randomisée
David M. Spiro, MD, MPH;
Khoon-Yen Tay, MD;
Donald H. Arnold, MD, MPH;
James D. Dziura, PhD;
Mark D. Baker, MD;
Eugene D. Shapiro, MD
RÉSUMÉ
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Contexte L'otite moyenne aiguë (OMA) est la
première cause de prescription antibiotique chez l'enfant. Les
précédentes études ayant évalué une
prescription antibiotique différée, pour laquelle il
était demandé aux parents de n'utiliser l'ordonnance
qu'en l'absence d'amélioration ou en cas
d'aggravation dans les 48 heures, excluaient les enfants avec OMA de
forme sévère. Aucune de ces études n'a
été menée dans un service d'urgences.
Objectifs Déterminer si le traitement de l'OMA par
antibiothérapie différée réduit significativement
l'utilisation d'antibiotiques comparé à une
prescription classique, et évaluer les effets de cette intervention sur
les symptômes cliniques et les événements
indésirables liés aux antibiotiques.
Schéma, cadre et patients Étude contrôlée
randomisée menée entre le 12 juillet 2004 et le 11 juillet 2005.
Des enfants avec OMA, âgés de 6 mois à 12 ans,
reçus dans un service d'urgences, ont été
randomisés pour recevoir une prescription différée ou une
prescription classique. Tous les patients ont reçu de
l'ibuprofène et des gouttes auriculaires analgésiques
à utiliser chez eux. Un assistant de recherche clinique, aveugle
à l'assignation, a effectué des entretiens
téléphoniques structurés 4 à 6 jours, 11 à
14 jours, et 30 à 40 jours après l'inclusion pour
évaluer les résultats cliniques.
Principaux critères d'évaluation Exécution
de la prescription antibiotique et évolution clinique.
Résultats Dans l'ensemble, 283 patients ont
été randomisés dans le groupe de prescription
différée (n = 138) ou dans le groupe de prescription classique
(n = 145). Un nombre significativement supérieur de patients du groupe
de prescription différée n'a pas exécuté la
prescription antibiotique (62 % vs 13 %; p < 0,001).
Aucune différence intergroupe statistiquement significative n'a
été observée dans la fréquence de fièvre,
d'otalgie, ou de consultations médicales non prévues. Dans
le groupe de prescription différée, la fièvre (risque
relatif [RR] 2,95; intervalle de confiance ([IC] à 95 %, 1,75-4,99;
p < 0,001) et l'otalgie (RR, 1,62; IC 95 %, 1,26-2,03;
p < 0,001) étaient toutes deux associées à
l'exécution de la prescription.
Conclusion La méthode d'antibiothérapie
différée a substantiellement réduit l'utilisation
superflue d'antibiotiques chez des enfants avec OMA consultant dans un
service d'urgences. Elle pourrait donc constituer une alternative
à l'utilisation systématique d'antibactériens
dans le traitement de cette population.
JAMA. 2006;296:1235-1241.
L'otite moyenne aiguë (OMA) est la cause la plus fréquente
de prescription antibiotique chez
l'enfant.1,2
Le traitement de l'OMA représente un nombre estimé de 15
millions de prescriptions antibiotiques rédigées chaque
année aux
États-Unis.3
L'OMA non traitée a un taux élevé de
résolution spontanée, avec des taux similaires de complications
lorsque les antibiotiques sont prescrits ou
différés.4-7
La résistance aux antibiotiques est un problème de santé
publique majeur dans le monde, qui est associé à leur
utilisation très
répandue.8-10
Deux études randomisées ont évalué une
méthode de prise en charge de l'OMA avec usage facultatif
d'antibiotique.11,12
L'une de ces études évaluait spécifiquement les
enfants avec OMA non
sévère;11
l'autre excluait les enfants avec forte fièvre et prescrivait des
doses d'antibiotique sous-optimales comparé à celles
actuellement pratiquées aux
États-Unis.12
Ces deux études ont utilisé des échantillons de
convenance et ont été effectuées en cabinets
privés où les parents connaissaient le clinicien; aucune ne
prescrivait d'antalgique local pour le traitement de l'otalgie.
Nous avons effectué une étude contrôlée
randomisée avec une série consécutive d'enfants
recevant un diagnostic d'OMA dans un service d'urgences
pédiatriques, sur une période d'un an, en utilisant des
recommandations diagnostiques basées sur les
preuves.13 Les
objectifs de cette étude étaient de déterminer si le
traitement de l'OMA par prescription différée
réduisait significativement l'usage d'antibiotique
comparé à une prescription classique dans ce contexte, et
d'évaluer les effets de cette intervention sur les symptômes
cliniques et les événements indésirables liés aux
antibiotiques.
MÉTHODES
Patients
Les participants ont été recrutés du 12 juillet 2004
au 11 juillet 2005, dans un échantillon consécutif
d'enfants avec un diagnostic d'OMA, reçus au service des
urgences pédiatriques du Yale-New Haven Hospital de New Haven
(Connecticut). Tous les médecins traitants du service ont
accepté de recruter des patients pour l'étude.
Les enfants âgés de 6 mois à 12 ans qui recevaient un
diagnostic d'OMA étaient éligibles pour cette étude.
Afin de reproduire la pratique clinique courante, le diagnostic d'OMA
était posé selon la décision du clinicien. Les
recommandations basées sur les preuves les plus récentes pour le
diagnostic d'OMA ont été revues individuellement avec tous
les cliniciens; ces critères diagnostiques ont ensuite
été affichés dans le service des urgences
pédiatriques pendant toute la durée de
l'étude.13
Les enfants étaient exclus en présence de l'un des
critères suivants: (1) une infection bactérienne intercurrente
additionnelle, comme la pneumonie, était diagnostiquée ou
suspectée; (2) le patient semblait « en état
d'infection toxique » selon l'avis du médecin; (3) le
patient était hospitalisé; (4) le patient était
immunodéprimé; (5) le patient avait été
traité par antibiotique au cours des 7 jours précédents;
(6) le patient avait eu une myringotomie ou présentait une perforation
tympanique; (7) l'accès aux soins médicaux était
incertain, et l'accès au téléphone inexistant; (8)
la langue maternelle du parent ou du tuteur n'était ni
l'anglais ni l'espagnol; ou (9) le patient avait déjà
été recruté. L'étude a été
approuvée par le comité d'éthique de
l'université Yale.
Évaluation initiale
Les parents des enfants ayant reçu un diagnostic d'OMA ont
été invités à participer à
l'étude. Après obtention du consentement
éclairé écrit, il était demandé au parent
(ou au tuteur) de remplir un questionnaire relatif aux symptômes
associés et de désigner l'adulte qui serait « le plus
susceptible de décider d'exécuter ou non la prescription
». Les cliniciens ont classifié la race/ethnicité des
participants dans les catégories Afro-Américain, Caucasien,
Hispanique, ou autre. La race et l'ethnicité étaient
déterminées pour décrire la population, qui était
plus hétérogène que dans les études
précédentes.
Randomisation
Des dossiers numérotés contenant les formulaires
d'inclusion, une feuille d'ordonnance unique, et des instructions de
sortie ont été utilisés séquentiellement pour les
patients recrutés dans l'étude. L'attribution
d'une prescription différée ou classique était
déterminée par randomisation assistée par ordinateur
(True Epistat, Version 5.3; Epistat Services, Richardson, Texas). Les
instructions de sortie des prescriptions différées et classiques
étaient mises sous enveloppes scellées opaques,
elles-mêmes placées dans des dossiers numérotés,
assignés aléatoirement. La désignation du groupe
n'était révélée au clinicien et au parent
qu'après l'inclusion, par ouverture des enveloppes dans
l'ordre successif des dossiers.
Intervention
Tous les participants ont reçu une prescription écrite
d'antibiotique, choisi et dosé par le clinicien. La prescription
devait expirer (ne pouvait plus être exécutée) 3 jours
après la visite de l'enfant au service des urgences. Les
participants randomisés dans le groupe de prescription
différée ont reçu des instructions écrites et
orales pour « ne pas exécuter la prescription antibiotique, sauf
en l'absence d'amélioration de l'état de
l'enfant ou en cas d'aggravation, 48 heures (2 jours) après
la visite du jour ». Les parents des enfants randomisés dans le
groupe de prescription classique ont reçu des instructions
écrites et orales du clinicien pour « exécuter la
prescription et administrer les antibiotiques à l'enfant
après la visite du jour ». Tous les participants ont
également reçu des flacons d'ibuprofène en
suspension (100 mg/5 ml) et des gouttes auriculaires analgésiques
(chaque millilitre contenant 54 mg d'antipyrétique/14 mg de
benzocaïne). Le traitement de la douleur associée à
l'OMA est préconisé dans les recommandations
actuelles,13 et
l'utilisation de gouttes auriculaires est le traitement de
référence dans ce service d'urgences. Les instructions
relatives à l'utilisation de l'ibuprofène (10 mg/kg
par dose toutes les 4-6 heures en fonction de la douleur ou de la
fièvre) et des gouttes auriculaires (4 gouttes dans l'oreille
affectée toutes les 2 heures en fonction de la douleur) étaient
inscrites sur les formulaires de sortie et ont été revues
oralement avec chaque parent. Un compte rendu de visite a été
adressé par fax aux médecins en soins primaires, qui devaient
être contactés par les participants en cas de persistance ou
d'aggravation des symptômes. Les données
démographiques des enfants qui ont été exclus, de ceux
qui étaient éligibles mais dont les parents ont refusé de
participer, et de ceux qui n'ont pas été inclus par
décision du clinicien, ont été classifiées sans
identificateur individuel.
Résultats
Deux assistants de recherche expérimentés, aveugles à
l'assignation, ont effectué des entretiens
téléphoniques structurés et standardisés avec le
parent ou le tuteur, 4 à 6 jours, 11 à 14 jours, et 30 à
40 jours après l'inclusion. Les parents indisponibles dans le
délai spécifié étaient interrogés à
la période d'évaluation suivante.
Le critère d'évaluation primaire était la
proportion de chaque groupe à exécuter la prescription
antibiotique. Il était défini par l'exécution de la
prescription par un parent dans les 3 jours du recrutement, et était
déterminé par la réponse à cette question à
l'entretien de 4-6 jours. Les critères d'évaluation
secondaires incluaient l'évolution clinique de la maladie, les
effets indésirables des traitements, le nombre de jours d'absence
à l'école ou au travail, les consultations non
prévues, et l'aisance des parents face à la prise en charge
de l'OMA sans antibiotique pour les épisodes futurs. Pour le suivi
de 30-40 jours, seuls les deux derniers critères étaient
évalués. Après le 1er mars 2005, au moment de
l'inclusion, il a été demandé à tous les
parents d'indiquer le nom et l'adresse de la pharmacie où ils
iraient présenter la prescription. Quatre jours minimum après
l'inclusion, l'assistant de recherche a appelé ces pharmacies
pour vérifier si la prescription avait été ou non
exécutée.
Taille de l'échantillon et analyse statistique
Pour détecter une différence d'au moins 15 % dans
l'absence d'otalgie au suivi de 4-6 jours (prescription classique =
85 %; prescription différée = 70 %), avec un risque
d'erreur bilatéral de 5 % et une puissance statistique de
90 %, chaque groupe devait avoir un minimum de 120 patients, selon les
résultats de 2 études précédentes (Power and
Precision, version 2.0.37, Biostat Inc, Englewood, New
Jersey).12,14
Nous avons sélectionné cette variable parce que la taille
d'échantillon nécessaire pour notre critère primaire
aurait induit un manque de puissance pour des critères secondaires
comme l'otalgie. La taille d'échantillon calculée
fournissait une puissance plus que suffisante (> 90 %) pour détecter
une différence intergroupe aussi faible que 10 % dans les proportions
de prescriptions exécutées.
Les tests 2 et de Student ont été
utilisés pour les comparaisons simples des différences
intergroupes dans les variables catégoriques et continues
respectivement. Les différences dans les moyennes et les risques
relatifs sont présentées avec des intervalles de confiance (IC)
à 95 % pour résumer les comparaisons intergroupes. Une
régression logistique a été utilisée pour
évaluer les critères dichotomiques, avec ajustement pour la
race/ethnicité, le statut d'assurance maladie, et les
symptômes initiaux, ainsi que pour identifier les variables
associées à l'exécution de la prescription dans le
groupe d'antibiothérapie différée. Les risques
relatifs ajustés ont été obtenus par régression
logistique en utilisant la méthode décrite par Zhang et
Yu.15 Pour tous les
tests de signification, une valeur de p bilatérale < 0,05
était considérée comme statistiquement significative. Les
analyses ont été réalisées avec le logiciel SAS,
version 9.1 (SAS Institute Inc, Cary, Caroline du Nord).
L'analyse en intention de traiter primaire incluait tous les patients
recrutés. Pour évaluer l'hypothèse implicite de
données manquantes au hasard, nous avons effectué une analyse de
sensibilité en pire cas, dans laquelle nous avons supposé que
les parents de tous les enfants du groupe de prescription
différée ayant des données d'évaluation
manquantes avaient exécuté la prescription, et que les parents
des enfants ayant des données d'évaluation manquantes dans
le groupe de prescription classique n'avaient pas exécuté
leur prescription.
RÉSULTATS
Participants
Pendant la période de recrutement, 776 patients ont reçu un
diagnostic d'OMA (Figure); sur ce total, 283 ont été
randomisés, dont 138 dans le groupe de prescription
différée (PD) et 145 dans le groupe de prescription classique
(PC). Sur les 308 patients n'ayant pas répondu aux critères
d'inclusion, 27 % avaient été traités par
antibiotique dans les 7 jours précédents, 16 % avaient une
perforation tympanique, 19 % étaient suspectés d'avoir une
maladie bactérienne intercurrente, 7 % présentaient une
apparence infectieuse toxique ou étaient hospitalisés, 4 %
avaient eu une myringotomie, et 27 % étaient exclus pour l'un des
autres motifs d'exclusion. Les patients ne répondant pas aux
critères d'inclusion comparé à tous les patients
inclus, étaient plus jeunes (âge médian = 2,3 ans
vs 3,2 ans), avec un pourcentage supérieur de Caucasiens (26 %
vs 11 %), mais étaient comparables en matière de sexe
et de couverture médicale. Cent quatre-vingt-cinq patients ont
refusé de participer ou n'ont pas été inclus par
décision du médecin traitant. Leur âge, sexe,
race/ethnicité et couverture médicale étaient similaires
à ceux des patients
recrutés.
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Figure.. Recrutement, randomisation, suivi, et analyse des données pour les
participants de l'étude.
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Pour un petit nombre de patients inclus, variant de 6 à 24 par
période de suivi, l'entretien n'a pas été
effectué parce que l'assistant de recherche n'a pas pu
contacter le parent dans le délai spécifié. Cependant, la
grande majorité des patients a effectué au moins 1 entretien de
suivi (PD = 98 %; PC = 94 %). Le nombre de parents ayant effectué les
entretiens de chaque période de suivi était supérieur
dans le groupe de prescription différée. Cependant, cette
différence n'était statistiquement significative qu'au
suivi de 30 à 40 jours (p = 0,009).
Les variables démographiques et les symptômes initiaux des 2
groupes étaient similaires
(Tableau 1). Aucune
différence statistiquement significative n'était
observée dans le type de soins primaires, le nombre d'enfants
vivant dans la maison, ou l'âge moyen du parent ayant
effectué les entretiens.
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Tableau 1.. Caractéristiques initiales des participants.
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L'otite moyenne aiguë était unilatérale chez 83 %
des enfants du groupe de prescription différée et chez 85 % des
enfants du groupe de prescription classique (p = 0,68). Dans
l'ensemble, 54 % de tous les patients et 51 % des patients de plus de 2
ans ont reçu une prescription pour une cure de 10 jours
d'antibiotique. La durée moyenne de l'antibiothérapie
prescrite n'était pas significativement différente entre
les 2 groupes. L'amoxicilline était prescrite pour la plupart des
patients (PD = 91 % vs PC = 93 %; p = 0,91). La
majorité des enfants de moins de 2 ans des deux groupes ont reçu
une ordonnance d'amoxicilline (80-90 mg/kg par jour), conformément
aux recommandations
actuelles.13
Critère d'évaluation primaire
Les prescriptions n'ont pas été exécutées
pour 62 % et 13 % des patients des groupes PD et PC respectivement (p
< 0,001; Tableau 2).
L'ajustement sur l'origine ethnique, le statut d'assurance
médicale, et les symptômes initiaux n'ont pas fortement
modifié les résultats. Pour l'analyse de sensibilité
en pire cas, respectivement 59 % et 20 % des parents des groupes PD et PC
n'ont pas exécuté la prescription (p < 0,001).
Pour les enfants âgés de moins de 2 ans, 47 % des participants
n'ont pas exécuté la prescription dans le groupe
d'antibiothérapie différée contre 5 % dans le groupe
de prescription classique (p < 0,001). La vérification de
l'exécution de la prescription a été
effectuée pour 28 % de la population étudiée. Sur les
déclarations vérifiées, les pharmacies
enregistrées à l'inclusion ont confirmé tous les cas
où les parents avaient rapporté ne pas avoir
exécuté la prescription, et 90 % des cas où les parents
avaient rapporté avoir exécuté la prescription.
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Tableau 2.. Résultats cliniques en fonction de l'assignation*
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Les patients du groupe PD dont les parents avaient exécuté la
prescription ont rapporté qu'ils l'avaient fait pour cause de
fièvre (60 %), d'otalgie (34 %), ou d'humeur grincheuse (6
%). Les patients de ce groupe dont les parents avaient exécuté
la prescription étaient significativement plus susceptibles de
rapporter une oreille douloureuse, de la fièvre ou des diarrhées
que ceux dont les parents n'avaient pas exécuté la
prescription (Tableau
3). Dans ce même groupe, au suivi de 4 à 6 jours,
la fièvre (risque relatif [RR], 2,95; IC 95 %, 1,75-4,99; p
< 0,001) et l'otalgie (RR, 1,62; IC 95 %, 1,26-2,03; p <
0,001) étaient associées à l'exécution de la
prescription, mais pas le statut d'assurance maladie ni la
race/ethnicité.
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Tableau 3.. Résultats cliniques dans le groupe de prescription
différée 4 à 6 jours après l'inclusion.
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Critères secondaires d'évaluation
Aucun événement indésirable grave n'a
été rapporté chez les patients de cette étude. Sur
les parents ayant rapporté une otalgie chez leur enfant, il y avait des
différences statistiquement significatives mais mineures dans le nombre
total de jours d'otalgie entre les groupes PD et PC, et à
l'entretien de 4 à 6 jours uniquement (2,4 vs 2,0;
p = 0,02) (Tableau
2). Les diarrhées étaient plus
fréquemment rapportées dans le groupe de prescription classique,
et cette différence était statistiquement significative (8 %
vs 23 %; p < 0,001). Il n'y avait pas de
différence statistiquement significative dans les fréquences de
rash, d'otorrhée, ou de consultations non prévues, entre
l'inclusion et les suivis à 4-6 jours et à 11-14 jours. Au
suivi de 30-40 jours, les taux de consultation non prévue
étaient similaires entre les groupes de prescription
différée et classique (22 % vs 21 %; p =
0,85). Pour toutes ces consultations, le diagnostic le plus fréquent
était l'otite moyenne (prescription différée = 61 %,
prescription classique = 60 %; p = 0,85).
Il n'y avait pas de différence intergroupe statistiquement
significative dans la volonté des parents de différer
l'antibiothérapie pour les futures OMA. Dans le groupe de
prescription différée, aux 3 entretiens, les parents
n'ayant pas exécuté la prescription étaient
fortement plus susceptibles d'indiquer qu'ils souhaitaient reporter
l'antibiothérapie pour de futurs épisodes d'OMA,
comparé à ceux ayant exécuté la prescription:
suivi de 4-6 jours, 63 % vs 28 % (p < 0,001); suivi de
11-14 jours, 65 % vs 31 % (p < 0,001); suivi de 30-40
jours, 66 % vs 26 % (p < 0,001).
COMMENTAIRES
La prescription différée a réduit de 56 %
l'utilisation d'antibiotique chez les enfants âgés de 6
mois à 12 ans avec un diagnostic d'OMA. Nous avons
démontré que la prescription différée est une
stratégie thérapeutique fructueuse dans l'OMA lorsque les
patients n'ont pas une relation établie avec le clinicien. Dans
les études ayant évalué une méthode de
prescription différée, les parents connaissaient le
médecin qui recommandait une prescription différée comme
alternative à l'usage immédiat
d'antibiotique.12,16,17
Notre étude est la première à recruter des patients dans
un service d'urgences.
Nous avons trouvé que les taux d'otalgie n'étaient
pas significativement différents entre les groupes, à la
période de suivi de 4-6 jours comme à celle de 11-14 jours.
Cependant, la moyenne des jours d'otalgie était
légèrement supérieure (0,4 jour) dans le groupe de
prescription différée au suivi de 4-6 jours, ce qui corrobore de
précédentes données rapportant que l'utilisation
immédiate d'un antibiotique réduisait la durée de
l'otalgie.6,12,17
Cette différence peut avoir été minimisée par
l'utilisation d'ibuprofène et d'une solution auriculaire
antalgique. Ces médicaments sont efficaces dans le soulagement
symptomatique des douleurs et des
fièvres,18,19
et sont fortement préconisés dans les dernières
recommandations.13
Les méta-analyses ont rapporté un nombre de 15 à 17
enfants avec OMA à traiter pour prévenir 1 cas d'otalgie, 2
à 7 jours après la première
admission.5,20
Ce nombre de sujets à traiter est élevé compte tenu des
effets indésirables potentiels associés aux antibiotiques. En
outre, nous avons trouvé que le traitement antibiotique immédiat
de l'OMA induisait des taux de diarrhées 2 à 3 fois
supérieurs à ceux observés dans le groupe de prescription
différée, ce qui s'accorde avec de
précédentes
études.7,21
Les patients du groupe de prescription différée dont les
parents avaient exécuté la prescription étaient plus
susceptibles de rapporter des douleurs auriculaires et des fièvres que
ceux dont les parents n'avaient pas exécuté la
prescription. Dans de précédentes études, la
fièvre et l'otalgie ont été rapportées comme
les premiers facteurs influençant la décision des parents dans
l'exécution de la prescription
antibiotique.12,16,17
Notre intention était de donner aux parents la possibilité
d'exécuter la prescription, en se basant soit sur la
gravité de la maladie soit sur la durée des symptômes, 48
heures après l'évaluation initiale. Bien que nos
méthodes n'aient pas permis d'évaluer
spécifiquement les taux de récidive ou de réinfection, la
raison la plus fréquente des consultations ultérieures non
prévues était l'OMA; cependant, la fréquence de ces
visites était similaire dans les 2 groupes au suivi de 30 à 40
jours.
Cette étude présente plusieurs limites. Les parents ne
pouvaient pas être aveugles à l'assignation, dans la mesure
où le critère d'évaluation primaire était
basé sur le choix du traitement effectué par eux. Les
médecins recruteurs étaient aveugles à l'assignation
jusqu'après l'inclusion du patient, et les enquêteurs
étaient aveugles à l'assignation du groupe
jusqu'à la fin de la période d'entretien. Le biais de
non-réponse est négligeable, dans la mesure où le nombre
de parents n'ayant pas répondu aux entretiens était
très faible, et où les petites différences dans les taux
d'abandons n'étaient pas significatives entre les groupes aux
2 premières périodes d'entretien, lors desquelles la
majorité des résultats était déterminée. La
plupart des parents disaient la vérité lorsqu'ils
rapportaient avoir ou non exécuté la prescription,
d'après nos vérifications de leurs déclarations
auprès des pharmacies. Nos résultats pourraient ne pas
être généralisables à toutes les structures de
soins intensifs, du fait que cette étude était monocentrique et
limitée à un service d'urgences urbain. Même si nous
n'avons pas vérifié individuellement la réponse de
chaque participant aux critères diagnostiques d'OMA, il est peu
probable que cela ait pu produire un biais, compte tenu du fait que les
participants étaient répartis par randomisation dans les groupes
de traitement. Nous n'avons pas évalué la
sévérité de l'OMA parce que cette procédure
ne fait pas partie de la pratique clinique courante. Nous n'avons pas non
plus quantifié l'utilisation des gouttes auriculaires
analgésiques, ce qui peut avoir induit une sous-estimation de leur
usage dans le groupe de prescription différée. Bien que de
précédentes recommandations et une méta-analyse aient
préconisé une antibiothérapie courte (5-7 jours) dans le
traitement de l'OMA chez l'enfant de plus de 2
ans,22,23
la moitié de nos cliniciens prescrivait un traitement long (10 jours)
pour cette tranche d'âge. Enfin, cette étude
n'était pas assez puissante pour détecter les
événements rares. Des études plus grandes pourraient
démontrer des différences dans les taux de mastoïdite ou
d'autres complications graves de l'OMA, entre les patients avec
prescription différée et ceux avec antibiothérapie
immédiate. Cependant, la fréquence des mastoïdites aux
États-Unis est comparable à celle d'autres pays où
les cliniciens ne prescrivent pas systématiquement des antibiotiques
pour cette
infection.24
Cette étude contrôlée randomisée a
démontré que la stratégie de prescription
différée réduit significativement l'usage
d'antibiotiques dans une population urbaine se présentant dans un
service d'urgences, et qu'elle pourrait constituer une alternative
au traitement courant de l'OMA par antibiothérapie. Les
prescriptions différées restent controversées, dans la
mesure où la majorité des pédiatres américains
sont formés à prescrire systématiquement des
antibiotiques dans cette pathologie, tout en pensant répondre à
l'attente de nombreux parents. Une faible minorité de
pédiatres adopte l'attentisme en pratique
courante.25 La
méthode de prescription différée pourrait permettre
d'interrompre le cycle formé par la prescription
d'antibiotique, l'attente d'une antibiothérapie
immédiate exprimée par les parents, et les consultations
répétées pour cette
infection.26,27
Les risques générés par les antibiotiques, notamment les
symptômes gastro-intestinaux, les réactions allergiques, et la
résistance accélérée aux pathogènes
bactériens,28,29
doivent être mis en balance avec leurs bénéfices dans le
cas de cette pathologie, qui est le plus souvent spontanément
résolutive.4
L'utilisation systématique de prescriptions
différées pour le traitement de l'OMA minimiserait tant les
coûts que les effets indésirables associés à
l'antibiothérapie, et devrait réduire la pression
sélective en faveur d'organismes résistant aux
antibactériens communément utilisés.
Informations sur les auteurs
Correspondance: David M. Spiro, MD, MPH, Oregon Health and Science
University, Mail Code: CDW-EM, 3181 SW Sam Jackson Park Rd, Portland, OR
97239-3098
(spirod{at}ohsu.edu).
Contributions des auteurs: en tant que principal investigateur de
l'étude, le Dr Spiro a eu un accès complet à toutes
les données de l'étude et accepte la responsabilité
de l'intégrité des données et de l'exactitude
de l'analyse des données.
Conception et schéma de l'étude: Spiro, Arnold,
Baker, Shapiro.
Receuil des données: Tay.
Analyse et interprétation des données: Spiro, Tay,
Dziura, Shapiro.
Rédaction du manuscrit: Spiro, Tay.
Revue critique: Spiro, Tay, Arnold, Dziura, Baker, Shapiro.
Analyse statistique: Spiro, Dziura, Shapiro.
Obtention du financement: Spiro, Dziura, Shapiro.
Aide administrative, technique et matérielle: Tay.
Supervision de l'étude: Spiro, Baker, Shapiro.
Liens financiers: aucun rapporté.
Financement/Soutien: ce travail a bénéficié
d'un soutien partiel sous la forme d'une bourse AI01703 du National
Institutes of Health, M01-RR00125 du General Clinical Research Center, Yale
University School of Medicine, et des Friends of Yale-New Haven
Children's Hospital, qui ont fourni le soutien matériel à
cette recherche.
Rôle du sponsor: les organisations de financement n'ont
joué aucun rôle dans le schéma, la conduite,
l'analyse ou l'interprétation de cette recherche ou dans
l'un ou l'autre des aspects liés à la
préparation ou à l'approbation du manuscrit.
Remerciements: nous remercions John Leventhal, MD, Department of
Pediatrics, Yale University School of Medicine, pour la revue soigneuse du
manuscript. Le Dr Leventhal n'a reçu aucune compensation pour son
assistance.
Affiliations des auteurs: Departments of Pediatrics (Drs Spiro,
Tay, Dziura, Baker, et Shapiro), Epidemiology and Public Health (Dr Shapiro),
et Medicine (Dr Dziura), Yale University School of Medicine, New Haven, Conn;
Departments of Emergency Medicine and Pediatrics, Vanderbilt University School
of Medicine, Nashville, Tenn (Dr Arnold). Le Dr Spiro travaille maintenant
dans les Departments of Emergency Medicine and Pediatrics, Oregon Health and
Science University, Portland.
BIBLIOGRAPHIE
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ARTICLE EN RAPPORT
Prescription différée une approche raisonnable dans la prise en charge de l'otite moyenne aiguë
Paul Little
JAMA. 2006;296:1290-1291.
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