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Tendances dans la survie fœtale et infantile après prééclampsie
Olga Basso, PhD;
Svein Rasmussen, MD, PhD;
Clarice R. Weinberg, PhD;
Allen J. Wilcox, MD, PhD;
Lorentz M. Irgens, MD, PhD;
Rolv Skjaerven, PhD
RÉSUMÉ
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Contexte La prise en charge d'une prééclampsie se
termine souvent par le déclenchement bien avant terme de
l'accouchement. Si une extraction prématurée protège
le foetus de la mort in utero, elle expose le nouveau-né aux risques de
la prématurité. Cette pratique est devenue plus fréquente
au cours de ces dernières années mais ses effets nets sur la
survie fœtale et infantile n'ont jamais été
évalués.
Objectif Évaluer les effets sur la survie fœtale et
infantile de l'augmentation du taux d'accouchement
prématuré dans les grossesses compliquées de
prééclampsie.
Plan expérimental, cadre et participants Étude
longitudinale d'observation de population générale,
utilisant les données de 804 448 enfants uniques, premiers-nés
de mères nées en Norvège, inscrits entre 1967 et 2003
dans le Registre médical norvégien des naissances.
Principaux critères de jugement Odds ratios (OR) de morts
fœtales et infantiles liées à une
prééclampsie.
Résultats Pour l'ensemble des grossesses
compliquées de prééclampsie, les déclenchements
avant 37 semaines sont passés de 8 % en 1967-1978 à presque 20 %
en 1991-2003. D'une période d'étude à
l'autre, l'OR ajusté de mortinatalité est
passé, pour les grossesses avec prééclampsie
comparées aux grossesses sans prééclampsie, de 4,2
(intervalle de confiance [IC] à 95 %: 3,8 - 4,7) à 1,3 (IC
à 95%: 1,1 - 1,7). Dans le même temps, l'OR de
mortalité néonatale après prééclampsie est
resté relativement stable (1,7 en 1967-1978 et 2,0 en 1991-2003). Les
risques de décès en période post-néonatale et dans
la première enfance ont également peu changé.
Conclusions La survie foetale dans les grossesses compliquées
de prééclampsie a fortement augmenté en Norvège au
cours des 35 dernières années, probablement en raison d'une
prise en charge clinique plus intensive. Cependant, le risque relatif de
décès néonatal après prééclampsie
n'a pas changé au cours du temps.
JAMA. 2006 ; 296 :
1357-1362
La prééclampsie est une cause bien connue de
décès
périnatal.1,2
Malgré des améliorations remarquables dans la prise en charge
clinique, la prééclampsie se termine souvent par la naissance,
après intervention médicale, d'un grand
prématuré. Même s'ils ne sont que
légèrement avant terme, les accouchements
prématurés augmentent notablement le risque de
décès
néonatal.3
Quand la prééclampsie se manifeste tôt durant la
grossesse, même quelques jours supplémentaires in utero peuvent
donc être essentiels à la survie du
nouveau-né.4,5
Une synthèse d'essais cliniques ayant comparé accouchement
différé et accouchement immédiat a effectivement
indiqué de meilleurs résultats, chez des patientes bien
sélectionnées, en cas d'accouchement
différé.5
D'un autre côté, la prééclampsie peut
progresser rapidement, entraînant des risques sévères
à la fois pour la mère et pour l'enfant en l'absence
d'intervention.
Les accouchements prématurés déclenchés pour
indication médicale évitent peut-être des naissances
d'enfants mort-nés, comme cela a été
suggéré pour les
États-Unis.6
Il est, cependant, possible que l'enfant en paye le prix par une
augmentation du risque postnatal. Un tel risque pourrait persister bien
au-delà de la période néonatale mais il est difficile
à détecter au niveau de la population dans la mesure où
il existe une tendance globale à la baisse de la mortalité
infantile. La prééclampsie est une des principales indications
d'accouchement prématuré dans les pays
développés,
7 cette tendance
ayant été encouragée en partie par l'augmentation
des possibilités de prise en charge des très grands
prématurés.5
Il est important d'évaluer l'effet net de ces changements de
pratique médicale sur la survie de l'enfant en cas de
prééclampsie. Nous avons examiné les changements survenus
au cours du temps en Norvège dans la mortalité fœtale et
infantile liée à une prééclampsie.
MÉTHODES
Nous avons utilisé les données du Registre médical
norvégien des naissances, sur une période allant de 1967
à 2003, en les reliant aux informations provenant des Statistiques
norvégiennes. Dans ce registre, ouvert en 1967, sont notées
toutes les naissances survenues à partir de la 16e semaine
d'aménorrhée (de la 12e semaine à compter de 1998)
chez les femmes habitant en Norvège. L'enregistrement des
naissances est de 100 % pour les enfants vivants; il est presque complet,
après la 22e semaine, pour les enfants mort-nés. C'est la
sage-femme ou le médecin présent au moment de
l'accouchement qui remplit le formulaire de notification au
registre.8
Nous avons restreint notre analyse aux grossesses ayant duré au
moins 24 semaines et concernant des femmes elles-mêmes nées en
Norvège (93 %). Nous avons fait cette dernière restriction pour
éviter une possible confusion due à l'augmentation au cours
du temps de la proportion de naissances chez des femmes nées à
l'étranger (3 % en 1967 et 16,5 % en 2003). Nous avons
également exclu les naissances multiples (2,5 %) dans la mesure
où d'une part celles-ci ont également augmenté en
fréquence et d'autre part la prééclampsie,
l'accouchement prématuré et le décès
périnatal sont plus fréquents dans les grossesses
multiples.9
Nous avons également restreint l'analyse aux premières
naissances, excluant par conséquent les grossesses dans lesquels
l'issue d'une grossesse antérieure aurait pu avoir
influencé la prise en charge médicale ou la décision du
couple d'avoir un autre enfant.
Parmi les 954 945 naissances d'enfant unique survenues chez des femmes
nées en Norvège entrées pour la première fois dans
le registre, 797 127 (83,4 %) étaient des premières naissances
confirmées par les informations transmises par la mère. Nous
avons exclu les 146 947 naissances pour lesquels la mère avait
indiqué un rang de naissance plus élevé; 90 % de ces
naissances avaient eu lieu dans la phase la plus précoce du registre
(1967 à 1973). Pour 10 871 naissances, la femme avait accouché
pour la première fois d'après le registre mais il n'y
avait aucune information venant de la mère concernant la parité.
Nous avons exclu les 5 femmes qui avaient accouché dans les 10
premières années du registre et nous avons supposé dans
les autres cas qu'il s'agissait bien de premières
naissances.
Nous avons exclu 2330 enfants nés avant 24 semaines
d'aménorrhée révolues. Même si le diagnostic
de prééclampsie peut être porté à partir de
la 20e semaine, il n'y a eu que 22 femmes qui ont
accouché entre les semaines 20 et 23 avec un diagnostic de
prééclampsie.
L'âge gestationnel, calculé à partir de la date
des dernières règles, manquait dans 6,2 % des cas. Pour ces cas,
nous avons considéré que les enfants dont le poids de naissance
indiqué dans nos données dépassait le 50e percentile pour
24 semaines (670 g) devaient « probablement » être
nés à 24 semaines ou après et pouvaient donc être
inclus dans notre étude (ce qui n'excluait que 350 enfants sur les
49033 pour lesquelles nous n'avions pas l'âge gestationnel).
Nous avons également exclu 865 enfants pour lesquels nous n'avions
ni l'âge gestationnel ni le poids de naissance. Dans ce dernier
groupe, il n'y avait que 3 (0,3 %) diagnostics maternels de
prééclampsie et 8,3 % des enfants étaient morts dans la
période périnatale, ce qui suggérait que ce groupe
comprenait une forte proportion d'enfants très
prématurés ne répondant pas à nos critères
d'inclusion. Après ces exclusions, il nous restait pour
l'analyse un total de 804448 enfants.
La prééclampsie est notifiée au registre en tant que
diagnostic spécifique extrait du dossier médical. Le formulaire
de notification contient des informations sur les signes cliniques tels que
l'hypertension artérielle, la protéinurie et les
œdèmes. En Norvège, les critères diagnostiques de
la prééclampsie suivent les recommandations de 1972 de
l'American College of Obstetricians and
Gynecologists,10
qui définit la prééclampsie comme une augmentation de la
pression sanguine ( 140/90 mm Hg) après 20 semaines
d'aménorrhée, accompagnée d'une
protéinurie, d'œdèmes ou des 2. En pratique clinique,
cependant, la présence d'œdèmes ne conduit pas
à un diagnostic de prééclampsie si une protéinurie
n'accompagne pas l'hypertension. Les critères diagnostiques
sont restés pratiquement constants depuis 1967.
En 1998, le formulaire de notification a été modifié
de façon à permettre une classification plus
détaillée des prééclampsies. Pour notre analyse,
cependant, nous avons traité la prééclampsie comme une
variable dichotomique pour toute la période d'étude. Nous
avons utilisé les informations provenant du registre des naissances
pour déterminer les nombres d'enfants mort-nés et
d'enfants morts avant l'âge de 1 an et celles provenant du
registre des causes de décès pour les enfants morts entre 1 et 5
ans.
Nous avons divisé les naissances en 3 périodes ayant une
durée et un nombre de naissances à peu près égaux:
1967-1978, 1979-1990 et 1991-2003. Nous avons utilisé une
régression logistique pour estimer, séparément pour
chaque période, les odds ratio liés à la
prééclampsie pour plusieurs critères de jugement:
mortinatalité, mortalité périnatale (mortinatalité
+ décès dans les 7 premiers jours de vie), mortalité
néonatale (décès survenus entre le jour 1 et le jour 28,
parmi les enfants nés vivants) et mortalité
post-néonatale (décès entre 29 et 365 jours).
Les informations indiquant si l'enfant était mort durant sa
première année de vie n'étaient disponibles que
jusqu'à fin 2003. Par conséquent, quand le critère
examiné était les décès de nourrissons, nous
n'avons inclus que les enfants nés avant la fin de
l'année 2002.
Les données concernant les décès survenus
au-delà de l'âge de 1 an étaient disponibles
jusqu'à fin 2002. Quand nous avons étudié les
décès survenus entre 1 an et 5 ans, nous n'avons inclus que
les enfants nés avant la fin de l'année 2000. En utilisant
une régression de Cox prenant l'âge en mois comme
échelle principale de temps, nous avons suivi les enfants
jusqu'à leur décès, jusqu'à leur
cinquième anniversaire ou jusqu'au 31 décembre 2002 selon
l'événement survenu en premier.
Nous avons pratiqué un ajustement sur l'âge maternel au
moment de l'accouchement, le niveau d'études de la
mère et le statut marital de la mère au moment de la naissance.
Nous avons choisi ces covariables car elles étaient présentes
dans le registre et parce que ce sont des facteurs prédictifs de
prééclampsie, de mortinatalité et de mortalité
dans l'enfance. Nous n'avions pas de données sur les indices
de masse corporelle (IMC) avant la grossesse et les informations concernant le
tabagisme durant la grossesse n'étaient indiquées
qu'à partir de 1999; nous n'avons donc pas pu faire
d'ajustement sur l'une ou l'autre de ces covariables.
Nous avons également mis au point des modèles de
régression pour chaque critère de jugement pour l'ensemble
de la période d'étude, avec ou sans terme
d'interaction entre la période et la prééclampsie.
Notre objectif était d'étudier les différences
pouvant exister dans les associations estimées entre la
prééclampsie et la mortalité (mortinatalité,
décès de nourrissons, mortinatalité + décès
de nourrissons et décès entre 1 an et 5 ans) sur les 3
périodes. Pour évaluer l'existence d'une interaction
significative, nous avons utilisé un test du rapport de vraisemblance
comparant le modèle incluant le terme d'interaction et celui de
l'incluant pas.
En Norvège, les recherches effectuées sur des données
de registre anonymes sont habituellement dispensées d'un examen
par un comité d'éthique et de l'obligation de fournir
des consentements éclairés. Cette étude a
été considérée comme pouvant
bénéficier de ces dispenses par le comité
d'éthique médicale de l'Institut national
norvégien de la Santé.
RÉSULTATS
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L'échantillon d'analyse comprenait 770 613 grossesses sans
prééclampsie et 33 835 grossesses avec
prééclampsie (4,2 %).
Comme le montre la Figure
1, la mortinatalité comme le taux de
décès de nourrissons étaient plus élevés
dans les grossesses compliquées de prééclampsie, en
particulier dans les années les plus anciennes du registre. La
mortinatalité était plus fortement associée à la
prééclampsie que le taux de décès des nourrissons
et elle s'est plus améliorée au cours du temps. Ainsi que
le montre la Figure 2,
les déclenchements du travail et les césariennes avant 37
semaines d'aménorrhée révolues ont augmenté
durant toute la période d'étude à la fois pour les
grossesses compliquées de prééclampsies et pour les
grossesses sans prééclampsie mais ces interventions ont
été réalisées 10 fois plus souvent dans les
grossesses avec prééclampsie. Malgré un nombre
d'interventions plus élevé, le taux d'accouchement
prématuré en cas de grossesse sans prééclampsie
est resté stable au cours du temps. Il a cependant augmenté
considérablement dans les grossesses compliquées de
prééclampsies. La baisse spectaculaire de la
mortinatalité liée à une prééclampsie
semble avoir commencé quelques années avant l'augmentation
du recours à l'interruption précoce des grossesses
compliquées de prééclampsies.
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Figure 1.. Changements survenus en Norvège entre 1967 et 2002 dans la
mortalité fœtale et infantile, en fonction de l'existence ou
non d'une prééclampsie durant la grossesse.
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Figure 2.. Changements survenus en Norvège entre 1967 et 2002 dans la pratique
des déclenchement avant terme, en fonction de l'existence ou non
d'une prééclampsie durant la grossesse.
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Le Tableau 1 montre
les données divisées en 3 périodes. L'incidence des
prééclampsies signalées pour les naissances
d'enfants uniques et premiers-nés est passée de 3,1 % en
1967-1978 à 5,3 % en 1991-2003. L'incidence des naissances
d'enfants mort-nés a été réduite de
moitié entre la première et la dernière période en
cas de grossesse sans prééclampsie tandis qu'elle
était divisée par plus de 7 en cas de grossesse avec
prééclampsie. L'augmentation du nombre d'accouchements
prématurés était nette, avec un triplement des
accouchements avant 32 semaines. Dans la période comprise entre 1991 et
2003, plus de 90 % des naissances prématurées en cas de
prééclampsie faisaient suite à un déclenchement du
travail ou à une césarienne, contre 60 % en 1967-1978. Sur
l'ensemble des accouchements prématurés, les pourcentages
associés à la prééclampsie étaient,
respectivement pour les 3 périodes, de 6 %, 12 % et 17 %.
L'âge gestationnel moyen au moment de la naissance n'a
diminué que très légèrement pour les grossesses
sans prééclampsie, passant de 282,1 jours en 1979-1990 à
281,6 jours en 1991-2003, alors que, pour les grossesses avec
prééclampsie, il est passé de 277,1 jours en 1967-1978
à 274,2 jours en 1979-1990 et à 270,8 jours en 1991-2003.
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Tableau 1.. Issues des premières grossesses, compliquées ou non de
prééclampsie, dans les 3 périodes de naissance*
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Le Tableau 2 donne
les odds ratios estimés de décès (classés de
différentes manières) en cas de prééclampsie dans
les 3 périodes d'étude. En 1967-1978, le risque de
décès de l'enfant était beaucoup plus
élevé en cas de prééclampsie durant la grossesse
qu'en l'absence de prééclampsie, le risque de
mort-né étant particulièrement important. Si pour les
mort-nés, le sur-risque a diminué notablement au cours du temps,
nous n'avons pas constaté d'amélioration analogue pour
les décès postnatals.
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Tableau 2.. Risques relatifs bruts et ajustés de décès en cas de
prééclampsie, par période de naissance*.
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Nous avons étudié, sur les 3 périodes, les
différences pouvant exister dans l'association entre
prééclampsie et décès, pour différentes
catégories de mortalité. Si le supplément de
mortalité due à la prééclampsie diminuait
significativement au cours du temps pour la mortinatalité et la
catégorie regroupant mortinatalité et décès de
nourrissons (p < 0,001), il n'y avait pas, pour la mortalité
néonatale, les décès de nourrissons et les
décès de jeunes enfants, de preuves statistiques de
modifications du sur-risque entre les 3 périodes (p > 0,05 dans tous
les cas).
COMMENTAIRES
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En Norvège, pour les enfants premiers-nés, le risque de
décès foetal ou infantile est plus élevé
lorsqu'ils sont issus d'une grossesse compliquée de
prééclampsie qu'en l'absence de
prééclampsie durant la grossesse. Sur les 37 années
étudiées, la survie de l'enfant en cas de
prééclampsie s'est fortement améliorée du
fait d'une importante réduction de la mortinatalité, ceci
étant probablement le résultat d'une meilleure prise en
charge clinique et d'interventions médicales bien ciblées.
Lorsqu'on interrompt la grossesse avant son terme, on s'attend
à ce que l'intervention abaisse le risque de naissance d'un
enfant mort-né, en partie par le biais d'une réduction du
temps d'exposition du foetus au risque. Une diminution de la
mortinatalité s'est effectivement produite en Norvège.
Potentiellement, un foetus qui risque d'être mort-né et
qu'on a fait naître prématurément peut
décéder peu de temps après la naissance.
Néanmoins, malgré l'augmentation des accouchements
prématurés dans les grossesses compliquées de
prééclampsie, il n'y a pas eu en contrepartie
d'augmentation de la mortalité néonatale, ce qui
reflète probablement une amélioration globale au cours du temps
des soins apportés aux enfants prématurés. Dans la
période 1967-1978, plus de 25 % des enfants nés avant 34
semaines révolues mouraient dans la période néonatale;
dans la période 1991-2003, ils ne sont plus que 5 %. Nous ne pouvons
cependant pas exclure la possibilité qu'il y ait eu une
augmentation de la morbidité chez les nourrissons et les jeunes enfants
nés très prématurément, de même que nous ne
pouvons pas étudier cet aspect du problème avec les
données présentes.
Cette étude est basée sur un important ensemble de
données s'étendant sur plus de 30 ans, avec une
évaluation complète des décès survenus
après la naissance et une évaluation quasiment complète
des naissances d'enfants
mort-nés.8 La
définition de la prééclampsie est restée quasiment
inchangée au cours de la période d'étude; plus
précisément, on ne considère pas dans la pratique
médicale norvégienne qu'une femme ayant une hypertension
artérielle et des œdèmes mais pas de protéinurie
à une
prééclampsie.11
L'augmentation des prééclampsies au cours du temps est
peut-être un reflet de l'augmentation de l'IMC survenue ces
dernières
années12
mais elle peut également indiquer une amélioration dans le
signalement de la pathologie. Les changements survenus en 1998 dans le
Registre médical des naissances, avec un signalement débutant
à partir de la 12e semaine d'aménorrhée, peuvent
avoir contribué (en même temps que l'amélioration de
la surveillance prénatale) à un signalement plus complet des
prééclampsies légères, ce qui pourrait
partiellement expliquer les améliorations observées dans les
issues de ces grossesses. La chute de la mortinatalité est cependant
trop importante pour être expliquée entièrement par
d'éventuelles évolutions dans les diagnostics. Nous avons
fait une estimation de la mortinatalité pour la période
1991-2003 après exclusion des naissances survenues en 1998 (date de
révision du formulaire de notification) et au-delà et nous avons
obtenu un OR similaire (1,43 au lieu de 1,34).
La surveillance prénatale avait cours dans tout le pays pendant
toute la période d'étude et la prééclampsie
est facilement diagnostiquée par des méthodes de
dépistage systématiques et non effractives. La
précocité du diagnostic de prééclampsie
dépend surtout du moment où la femme commence la surveillance
prénatale et moins des outils utilisés pour le diagnostic. Si
nous n'avons pas d'arguments nous permettant de penser que les
femmes commencent la surveillance prénatale plus tôt, nos
analyses suggèrent cependant que les actions entreprises durant la
grossesse le sont plus précocement comme le montre l'augmentation
du pourcentage d'accouchement prématuré dans les grossesses
compliquées de prééclampsie. Nous n'avions pas
d'informations concernant le moment du diagnostic de
prééclampsie au cours de la grossesse. Cependant, même en
supposant que le diagnostic ait été plus porté plus
tôt ces dernières années (conduisant donc à une
meilleure détermination parmi l'ensemble des femmes ayant
accouché prématurément), un tel changement de
classification ne peut de manière plausible expliquer
l'augmentation marquée au cours du temps du taux
d'accouchement prématuré dans les grossesses avec
prééclampsie.
Nous manquons de données sur les facteurs de confusion
potentiellement importants, tels que l'IMC et le tabagisme maternel, qui
sont associés à la fois à la prééclampsie
et à la mortalité. Les informations concernant le tabagisme sont
enregistrées depuis 1999 mais les IMC ne sont pas notés dans le
registre. Le niveau d'études et le statut marital peuvent
peut-être se substituer partiellement à ces facteurs dans la
mesure où les couples mariés ou vivant en concubinage avaient un
risque plus élevé de prééclampsie
(reflétant peut-être une plus faible prévalence du
tabagisme) que les couples ne cohabitant pas, tandis qu'un niveau
d'études plus élevé (qui est peut-être
corrélé à un IMC plus faible) était
négativement associé à la prééclampsie.
Naturellement, les associations constatées avec ces facteurs
étaient plus faibles que celles attendues avec l'IMC et le
tabagisme. Un ajustement sur ces covariable de remplacement n'a eu
néanmoins quasiment aucun impact sur les estimations, même si
elles étaient associées à la fois à la
prééclampsie et aux décès. Le tabagisme durant la
grossesse, qui est un facteur protecteur de prééclampsie,
13 a diminué
en Norvège au cours de la période d'études; il est
passé, dans une enquête, de 32 % en 1970 à 27 % en
199114 et, dans une
autre, de 34 % en 1987 à 22 % en
1994.15 Cette
tendance peut avoir contribué légèrement à
l'augmentation du taux de prééclampsie que nous avons
observée et à la baisse de la mortinatalité et des
décès de nourrissons.
Nous n'avons fait d'ajustement dans nos analyses ni sur
l'âge gestationnel au moment de l'accouchement ni sur le poids
de naissance. La prééclampsie est une cause d'accouchement
prématuré (soit spontané soit par intervention
médicale) et le moment de l'accouchement est associé au
risque de décès. L'âge gestationnel à
l'accouchement vient donc en partie de l'exposition et ne doit par
conséquent pas être traité comme un facteur de confusion.
Ajuster sur ce facteur pourrait en fait produire un
biais.16,17
De même, les analyses ne doivent pas être ajustées sur le
poids de naissance qui fait partie de la même chaîne causale.
Les données que nous avons examinées étaient
spécifiques à la Norvège et nos conclusions ne sont donc
pas nécessairement généralisables à d'autres
pays. Il est cependant probable qu'on constaterait des schémas
similaires dans les pays industrialisés comparables d'un point de
vue des interventions obstétricales et des structures de prise en
charge des grands prématurés.
Alors que nos données suggèrent fortement que les fœtus
(et sans doute les mères) ont tiré un bénéfice des
interventions médicales réalisées dans le cadre de la
prise en charge des prééclampsies, ce résultat
n'implique pas en soi qu'une interruption précoce de la
grossesse soit justifié; des facteurs autres que cette interruption
précoce ont probablement également contribué à ce
bénéfice. Le fait que la baisse de la mortinatalité
semble avoir précédé l'augmentation des
interruptions précoces des grossesses compliquées de
prééclampsie suggère la possibilité que
d'autres changements survenus dans la prise en charge clinique de la
prééclampsie aient amélioré la survie foetale. Une
grande partie des tendances favorables que nous avons constatées en
Norvège peuvent être dues à l'utilisation judicieuse
du monitorage foetal pour guider les choix cliniques et à
l'utilisation des corticoïdes pour accélérer la
maturation pulmonaire des enfants
prématurés.4
Les médecins se trouvent devant un réel dilemme lorsqu'ils
doivent mettre en balance le risque de décès
foetal/néonatal/maternel dû à la
prééclampsie et le risque augmenté de décès
lié à un accouchement prématuré. Nos
données suggèrent que, tout au moins en Norvège, toutes
ces décisions ont nettement travaillé à l'avantage
de l'enfant, tout en assurant un taux de mortalité maternelle
faible.18
En résumé, si la prééclampsie était une
cause importante de mort foetale en Norvège à la fin des
années 1960 et tout au long des années 1970, cet effet est sur
le déclin. Alors que la mortinatalité était 4,2 fois plus
élevée en cas de prééclampsie, elle n'est
maintenant que 1,3 fois plus élevée. La
prééclampsie confère toujours un risque 2 fois plus
élevé de décès néonatal, ce risque ayant
peu changé au cours du temps. Cette stabilité du risque
néonatal est remarquable si l'on considère
l'augmentation du nombre d'accouchements très
prématurés ces dernières années,
conséquence d'une prise en charge obstétricale intensive de
la prééclampsie. La prise en charge médicale moderne de
la prééclampsie semble avoir été efficace pour
prévenir la mort foetale sans entraîner d'augmentation des
décès maternels ou infantiles.
Informations sur les auteurs
Correspondance: Olga Basso, PhD, Epidemiology Branch, MD A3-05,
National Institute of Environmental Health Sciences, National Institutes of
Health, Department of Health et Human Services, PO Box 12233, 111 TW Alexander
Dr, Research Triangle Park, NC 27709
(bassoo2{at}niehs.nih.gov).
Contributions des auteurs: le Dr Basso a eu un accès complet
à toutes les données de l'étude et accepte la
responsabilité de l'intégrité des données et
de l'exactitude de l'analyse des données.
Conception et schéma de l'étude: Basso,
Rasmussen, Weinberg, Wilcox, Irgens, Skjaerven.
Recueil des données: Irgens, Skjaerven.
Analyse et interprétation des données: Basso,
Rasmussen, Weinberg, Wilcox, Irgens, Skjaerven.
Rédaction du manuscrit: Basso, Rasmussen.
Revue critique du manuscrit: Basso, Rasmussen, Weinberg, Wilcox,
Irgens, Skjaerven.
Analyse statistique: Basso, Rasmussen, Weinberg, Irgens,
Skjaerven.
Aide administrative, technique, ou matérielle: Irgens,
Skjaerven.
Liens financiers: aucun déclaré.
Financement/Soutien: cette recherche a
bénéficié du soutien partiel du Intramural Research
Program of the NIH, National Institute of Environmental Health Sciences.
Rôle du sponsor: aucun financement spécial n'a
été utilisé pour cette étude. A part les
habituelles déclarations internes aux publications, les institutions
des auteurs n'ont joué aucun rôle dans le schéma et
la conduite de l'étude, le recueil, le contrôle,
l'analyse et l'interprétation des données, de
même que dans la préparation, la revue ou l'approbation du
manuscrit.
Affiliations des auteurs: Epidemiology Branch (Drs Basso et
Wilcox) et Biostatistics Branch (Dr Weinberg), National Institute of
Environmental Health Sciences, National Institutes of Health, Department of
Health et Human Services, Research Triangle Park, NC; Medical Birth Registry
of Norway, Locus of Registry-Based Epidemiology, University of Bergen, et
Norwegian Institute of Public Health, Bergen (Drs Rasmussen, Irgens, et
Skjaerven); Institute of Clinical Medicine, Department of Obstetrics and
Gynaecology, University of Bergen (Dr Rasmussen).
BIBLIOGRAPHIE
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management of preeclampsia. JAMA.2002; 287:3183
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