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  Vol. 296 No. 8, 23 Août 2006 TABLE OF CONTENTS
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Héparine non fractionnée sous-cutanée versus héparine de bas poids moléculaire dans la maladie thromboembolique aiguë

Problèmes d'efficacité et de coût

Jeffrey L. Carson, MD

Depuis 1960, lorsque BARRETT et JORDAN établirent que l'anticoagulation diminuait le risque de décès chez les patients ayant une embolie pulmonaire,1 l'héparine est devenue le traitement de référence de la maladie thromboembolique. L'héparine était initialement administrée sous la forme d'une injection intraveineuse toutes les quatre heures jusqu'à ce que les essais cliniques montrent qu'une perfusion intraveineuse non fractionnée était associée à la survenue de moins d'hémorragies.2,3 L' héparine non fractionnée était administrée par perfusion intraveineuse et le taux de prothrombine était surveillé pour maintenir un niveau de 1,5 à 2,5 fois celui du témoin. Il était commun en pratique de commencer le traitement par une dose de charge de 5 000 unités et de continuer par 1 000 unités par heure en perfusion. L'expérience clinique a montré que de nombreux patients avaient des taux de TP infra-thérapeutique pendant plus de 24 heures et avaient plus de probabilité de développer une récidive thromboembolique.4,5 Aujourd'hui, le traitement de référence utilise un algorithme ayant pour base le poids 6 ou d'autres protocoles héparinés 7 qui atteignent rapidement les cibles thérapeutiques du TP. Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) ont remplacé progressivement l'héparine non fractionnée en raison de leurs propriétés pharmacologiques avantageuses.8,9 Les HBPM ont une excellent biodisponibilité en administration sous-cutanée et peuvent être administrées une ou deux fois par jour. Leurs effets anticoagulants sont associés au poids corporel, permettant ainsi un protocole adapté au poids, et rendant le suivi du taux de prothrombine inutile. L'efficacité et la tolérance des héparines de bas poids moléculaires ont été directement comparées à celle de l'héparine non fractionnée intraveineuse avec surveillance par taux de prothrombine chez des patients ayant une maladie thromboembolique. Une méta-analyse récente incluant 13 essais cliniques comparant ces deux traitements n'a trouvé aucune différence du risque de récidive de thrombose veineuse profonde, d'embolie pulmonaire, d'hémorragie majeure, ou de saignement mineur, ou de thrombopénie.10 Toutefois, les patients traités par HBPM avaient une mortalité absolue plus faible mais significative (environ 1,6 %) comparés aux patients traités par héparine intraveineuse non fractionnée (risque relatif: 0,76 %; intervalle de confiance, 0,59-0,98). Un autre avantage important des HBPM est qu'elles peuvent administrées en ambulatoire, chez des patients ayant eu une maladie thromboembolique, cliniquement stables, qu'elles ont un faible risque de saignement et pour lesquels une infirmière est disponible pour administrer le traitement et le surveiller.11 Une métaanalyse de 8 essais cliniques a mis en évidence une tolérance et une efficacité comparable de même que des coûts plus faibles chez les patients ambulatoires par rapport aux patients hospitalisés.12 De nombreux assureurs privés aux Etats-Unis remboursent maintenant les soins ambulatoires dans la maladie thromboembolique en raison des coûts pharmaceutiques plus faibles, et les consultations infirmières permettant d'administrer les traitements par rapport à une hospitalisation du patient.

Comme les HBPM, l'héparine non fractionnée peut aussi être administrée par injection sous-cutanée. Le protocole thérapeutique qui a été testé dans les essais cliniques comprenait 5 000 unités administrées en bolus intraveineux suivies de 17 500 unités par voie sous-cutanée toutes les 12 heures. Le taux de prothrombine est mesuré 6 heures après l'injection et la dose est adaptée pour le maintenir 1,5 à 2,5 fois par rapport à celui du témoin. Une méta-analyse 13 ayant porté sur 8 essais cliniques a montré que l'héparine non fractionnée administrée par voie sous-cutanée était plus efficace (définie par la prévention de l'extension et de la récidive de la maladie thromboembolique veineuse; risque relatif: 0,62; intervalle de confiance 0,39-0,98) et plus sûre (définie par la survenue d'une hémorragie majeure; risque relatif, 0,79; intervalle de confiance à 95 %, 0,42-1,48) que l'héparine non fractionnée administrée par perfusion intraveineuse et surveillée par un taux de prothrombine.

Dans ce numéro du JAMA, Kearon et collaborateurs14 ont évalué l'hypothèse qu'une dose fixe (sans surveillance par un taux de prothrombine), d'héparine non fractionnée par voie sous-cutanée ajustée sur le poids serait aussi efficace et sûre qu'une HBPM par voie sous-cutanée. L'héparine non fractionnée était administrée par voie sous-cutanée avec une dose de charge de 333 unités par kilogramme suivie par une dose fixe de 250 unités par kilogramme toutes les 12 heures. L'HBPM (la daltéparine ou l'énoxaparine) était administrée par voie sous-cutanée à la dose de 100 unités par kilogramme toutes les 12 heures. Tous les patients recevaient 3 mois de traitement par warfarine. Le critère principal, la récidive thromboembolique, est survenu chez 3,8 % des 345 patients dans le groupe héparine non fractionnée et chez 3,4 % des 352 patients du groupe HBPM. Le taux d'hémorragie majeure a été comparable dans les deux groupes, survenant chez 1,1 % des patients du groupe héparine non fractionnée et chez 1,4 % des patients du groupe HBPM. Environ 70 % des deux groupes de patients étaient traités en ambulatoire. Ces résultats suggèrent qu'une héparine non fractionnée administrée par voie souscutanée à dose fixe est aussi efficace et aussi sûre qu'une HBPM chez les patients atteints de maladie thromboembolique.

La raison pour laquelle le protocole d'anticoagulation évalué dans cet essai peut être un important progrès dans le traitement de la maladie thromboembolique est que l'héparine non fractionnée est beaucoup moins coûteuse que les HBPM. Dans cette étude, l'héparine non fractionnée et les HBPM ont été administrées de façon identique: voie sous-cutanée toutes les 12 heures sans surveillance du taux de prothrombine. La seule variable ayant pesé dans une analyse de coût a été le prix des deux traitements. Kearon et al14 ont estimé que les coûts thérapeutiques pour un traitement de 6 jours d'une HBPM étaient de 172 dollars et de 37 dollars pour l'héparine non fractionnée, en considérant un traitement administré deux fois par jour à l'aide d'un flacon à dose multiple pour un patient de 80 kg.

Les auteurs14 reconnaissent quelques limites à cet essai, dont la plupart ne doivent pas diminuer la validité de ces observations. Le recrutement a été long et la taille finale de l'échantillon était plus faible que prévue. Toutefois, la différence absolue du taux de récidive thromboembolique (critère principal) a été faible et la limite supérieure de l'intervalle de confiance a été de 3,3 %, ce qui demeure largement dans les critères établis de non-infériorité à 5 %. Toutefois, la différence importante entre les exclusions après randomisation (10 vs 1) est trop importante pour être due au seul hasard. Ceci peut provenir du fait de ne pas avoir réalisé un essai en aveugle ou de certains médecins ayant été gênés par le fait d'utiliser une héparine non fractionnée. Les auteurs indiquent que seuls 2 des exclusions après randomisation dans le groupe héparine non fractionnée étaient dues au choix du médecin ou du patient. Les autres raisons les plus fréquentes pour lesquelles les patients ont été exclus dans le groupe héparine non fractionnée ont été une infirmation du diagnostic de maladie thromboembolique veineux (4 patients) et le fait que les patients n'étaient pas éligibles pour cette étude après avoir reçu de la warfarine au moment du diagnostic de maladie thromboembolique (4 patients). Ces 8 patients ont été exclus par le comité de surveillance, qui travaillait en aveugle par rapport à la randomisation.

Cet essai montre que la perspective de réaliser un suivi par la mesure du taux de prothromibine peut ne pas être nécessaire en traitant les patients par héparine non fractionnée. Le taux thérapeutique du taux de prothrombine était déterminé en se basant sur la corrélation entre les taux d'héparine et la réussite d'une inhibition de la thrombose dans les modèles animaux,15 et dans une étude, un taux de prothrombine inférieur à 1,5 était associé à des taux plus élevés de récidive de thromboembolie.16 Les études ultérieures ont trouvé une inconstance de la corrélation entre le taux de prothrombine, les récidives de thromboembolie et les saignements.4,17-19 Par ailleurs, une évaluation de 4 coagulomètres et de 6 réactifs commerciaux utilisés pour mesurer le taux de prothrombine a trouvé des taux de réponse différents à l'héparine.20 Alors que Kearon et al14 ont observé que le suivi du taux de prothrombine n'était pas nécessaire lors de l'administration de l'héparine non fractionnée par voie souscutanée en utilisant un protocole basé sur le poids, il est important de souligner que cette étude ne devrait pas être interprétée comme la démonstration qu'un taux de prothrombine n'a pas besoin d'un monitoring lorsque l'héparine est administrée en perfusion intraveineuse continue. Ceci demande d'être évalué par un essai clinique.

La question que les médecins doivent maintenant se poser est si cette preuve est suffisamment forte pour modifier la pratique. En particulier, les patients atteints de maladie thromboembolique devraient-ils être traités par de l'héparine non fractionnée souscutanée à dose fixe selon le poids au lieu d'utiliser des HBPM pour diminuer les coûts? Cette approche est intéressante car les études antérieures ont montré que l'héparine non fractionnée par voie souscutanée est au moins aussi efficace et sûre par voie sous-cutanée que par voie intraveineuse.13 L'étude de Kearon et al14 étant la première à démontrer que le suivi du taux de prothrombine n'est pas nécessaire, les résultats doivent être reproduits à l'aide d'un essai en doubleaveugle, ayant la puissance nécessaire (dans lequel ni les médecins, ni les patients ne connaissent quel anticoagulant le patient reçoit) avant que cette approche puisse être adoptée largement en pratique clinique. Si le patient peut être observé plus étroitement, ce protocole thérapeutique pourrait être utilisé avec précaution chez des patients soigneusement sélectionnés préférant un traitement ambulatoire de la maladie thromboembolique veineuse et ne pouvant se permettre le coût d'une HBPM. Toutefois, il est nécessaire d'avoir plus d'une étude qui démontre l'efficacité de ce nouveau protocole de traitement avant de modifier la stratégie de prise en charge de cette affection potentiellement létale.21


Informations sur les auteurs

Correspondance: Jeffrey L. Carson, MD, Division of General Internal Medicine, Department of Medicine, UMDNJ-Robert Wood Johnson Medical School, New Brunswick, NJ 08903 (carson{at}umdnj.edu).

Liens financiers: aucun déclaré.

Affiliation de l'auteur: Division of General Internal Medicine, Department of Medicine, UMDNJ-Robert Wood Johnson Medical School, New Brunswick, NJ.


BIBLIOGRAPHIE

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ARTICLE EN RAPPORT

Comparaison héparine non fractionnée à dose fixe déterminée en fonction du poids et héparine de bas poids moléculaire pour le traitement aigu de la thromboembolie veineuse
Clive Kearon, Jeffrey S. Ginsberg, Jim A. Julian, James Douketis, Susan Solymoss, Paul Ockelford, Sharon Jackson, Alexander G. Turpie, Betsy MacKinnon, Jack Hirsh, Michael Gent, et for the Fixed-Dose Heparin (FIDO) Investigators
JAMA. 2006;296:935-942.
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