Contexte On connaît peu de chose sur la prévalence et
les caractéristiques des douleurs chroniques chez les patients ayant
différents types de dépendance pharmacologique.
Objectifs Evaluer la prévalence et examiner les
caractéristiques des douleurs chroniques sévères au sein
de populations pharmaco-dépendantes suivant un programme de
substitution par la méthadone ou un traitement dans une
institution.
Schéma, environnement et participants Des échantillons
représentatifs de 390 patients provenant de deux programmes de
substitution par la méthadone (MMTP) et 531 patients provenant de 13
centres spécialisés dans les toxicomanies avec hospitalisation
à court terme, tous situés dans l'état de New York, ont
été suivis vers la fin de l'année 2000 et au début
de l'année 2001.
Critère principal de jugement Prévalence des douleurs
chroniques sévères, définies par une douleur persistant
depuis plus de six mois et d'intensité modérée à
sévère ou interférant significativement avec les
activités quotidiennes.
Résultats Une douleur chronique sévère a
été rapportée par 37 % des patients MMTP (intervalle de
confiance à 95 % [IC]: 32 %-41 %) et par 24 % des patients
hospitalisés (IC 95 %: 20 %-28 %; p = 0,03). Une douleur
indépendamment du type ou de la durée au cours de la semaine
précédente était rapportée par 80 % des patients
MMTP et par 78 % des patients hospitalisés. Chez les patients ayant une
douleur chronique sévère, 65 % des patients MMTP et 48 % des
patients hospitalisés rapportaient un taux important
d'interférence de la douleur dans leurs activités physiques et
psychosociales. Chez les patients MMTP, les corrélations de la douleur
chronique dans le modèle multivarié étaient l'âge
(odds ratio [OR]: 2,08; IC 95 %: 1,17-3,70), les affections chroniques (OR:
1,88; IC 95 %: 1,07-3,29), les affections psychiatriques de longue
durée (OR: 1,77; IC 95 %: 1,06-2,97), les troubles aigus psychiatriques
(OR: 1,63; IC 95 %: 1,22-2,18) et la durée de traitement (OR: 2,23; IC
95 %: 1,06-4,68). Chez les patients hospitalisés, les
corrélations de la douleur chronique étaient la race (noirs
vs blancs: OR, 0,52; IC 95 %: 0,31-0,90; latino-américains
vs blancs: OR: 0,48; IC 95 %: 0,24-0,95), le besoin de drogues (OR:
2,78; IC 95 %: 1,54-5,02), les affections chroniques (OR: 2,17; IC 95 %:
1,37-3,43) et les troubles psychiatriques aigus (OR: 1,36; IC 95 %:
1,03-1,81). Chez ceux ayant une douleur chronique sévère, les
patients hospitalisés avaient significativement plus de
probabilité que les patients MMTP d'avoir utilisé des drogues
interdites, de même que de l'alcool, de traiter leur problème de
douleur (51 % vs 34 %, p = 0,005), mais avaient moins de
probabilité d'avoir reçu des antalgiques (52 % vs 67 %,
p = 0,01).
Conclusions Une douleur chronique sévère est
prévalente chez les patients traités pour abus de substances
toxiques, en particulier chez les patients MMTP. La douleur est
associée à une altération fonctionnelle et
corrélée de façon variable selon la population.
L'auto-médication pour douleurs avec des substances psycho-actives
semble particulièrement problématique chez les consommateurs de
drogues qui sont inclus dans des programmes de sevrage. Les programmes de
sevrage doivent développer des programmes approfondis et
structurés de prise en charge de la douleur.
JAMA. 2003 ; 289 : 2370-2378.