Contexte: L'auto-évaluation de la pression artérielle
est de plus en plus utilisée dans la pratique clinique. Une nouvelle
étude est, cependant, nécessaire pour en connaître les
conséquences sur le traitement de l'hypertension artérielle
(HTA).
Objectif: Comparer l'utilisation de la mesure de la pression
artérielle (PA) au cabinet du médecin et celle de cette mesure
à domicile dans le traitement des patients hypertendus.
Plan expérimental, cadre et participants: Un essai
contrôlé randomisé en aveugle a été
mené entre mars 1997 et avril 2002 dans 56 cabinets de consultation de
médecins généralistes et 3 services de consultations
externes hospitalières en Belgique, et dans un centre médical
spécialisé dans l'HTA à Dublin, Irlande. Quatre cent
participants ayant une PA diastolique (PAD), mesurée au cabinet du
médecin, supérieure ou égale à 95 mm Hg ont
été inclus dans l'étude et suivis pendant 1 an.
Interventions: Le traitement médicamenteux antihypertenseur a
été adapté pas à pas en se fondant soit sur
l'auto-évaluation de la PAD à domicile (moyenne de 6 mesures par
jour durant 1 semaine; n = 203), soit sur la moyenne de 3 relevés de la
PAD en position assise au cabinet du médecin (n = 197). Si la PAD
servant de guide au traitement était supérieure aux valeurs
cibles (> 89 mm Hg), égale (80-89 mm Hg) ou inférieure (<
80 mm Hg), un médecin tenu dans l'ignorance de la méthode
attribuée par randomisation agissait respectivement en augmentant le
traitement antihypertenseur, en le laissant à l'identique ou en le
diminuant.
Principaux critères de jugement: Niveaux de PA au cabinet et
à domicile, PA ambulatoire sur 24 heures, puissance du traitement
médicamenteux, masse ventriculaire gauche évaluée par
électrocardiographie et échocardiographie, symptômes
rapportés au moyen d'un questionnaire et coûts de traitement.
Résultats: A la fin de l'étude (médiane de
suivi: 350 jours; intervalle interquartile: 326-409 jours), plus de patients
dans le groupe PA à domicile que dans le groupe PA au cabinet avaient
arrêté le traitement antihypertenseur (25,6 % versus 11,3 %;
p < 0,001), sans différence significative dans le
pourcentage de patients ayant évolué vers un traitement
polymédicamenteux (38,7 % versus 45,1 %; p = 0,14). Les
mesures finales de PA relevées au cabinet, à domicile et en
ambulatoire sur 24 heures ont été plus élevées
(p < 0,001) dans le groupe PA à domicile que dans le groupe
PA au cabinet. Les différences moyennes de PA systoliques/diastoliques,
ajustées sur les valeurs de départ, entre le groupe PA à
domicile et le groupe PA au cabinet ont été, respectivement, de
6,8 /3,5 mm Hg, 4,9 /2,9 mm Hg et 4,9 /2,9 mm Hg. La masse ventriculaire
gauche et les symptômes rapportés ont été
similaires dans les 2 groupes. Les coûts, pour 100 patients suivis
pendant 1 mois, n'ont été que légèrement plus
faibles dans le groupe PA à domicile (3875 versus 3522 ;
p = 0,04).
Conclusions: Adapter le traitement antihypertenseur en se fondant
sur la PA à domicile plutôt que sur la PA au cabinet
médical a conduit à avoir un traitement médicamenteux
moins intensif et des coûts de traitement très
légèrement inférieurs, mais également un moins bon
contrôle de la PA, sans différences dans le bien-être
général des patients et de la masse ventriculaire gauche.
L'auto-évaluation a également permis d'identifier les patients
ayant une HTA par "effet blouse blanche". Nos constatations
montrent l'intérêt, pour évaluer la PA, d'une
stratégie pas à pas dans laquelle l'auto-évaluation et la
surveillance ambulatoire sont des méthodes complémentaires de la
mesure traditionnelle de la PA au cabinet; elles mettent en lumière la
nécessité pour établir un éventail des valeurs
normales de la PA mesurée à domicile d'effectuer des
études prospectives s'intéressant au devenir des patients.
JAMA. 2004;291:955-964.