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  Vol. 298 No. 13, 3 octobre 2007 TABLE OF CONTENTS
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Chaïm Soutine (1893-1943)

Jean Gavaudan, MD

Si c'est grâce à une rossée que Soutine put quitter la Russie de sa naissance et de son enfance, cette rossée fut salutaire. Elle marque aussi le début de ce que sera la vie de Soutine, une suite de souffrances.

Né dans une famille juive orthodoxe russe d'origine lithuanienne à Smilovitch, un shtetl ou village de 400 habitants en Biélorussie, le jeune Chaïm n'est que le dixième d'une famille de onze enfants. Autant dire que les jours de jeûne étaient plus fréquents que les jours d'abondance. Petit, malingre, le jeune Soutine est un enfant timide, réservé, qui se réfugie dans le dessin, thérapie d'un malaise ? Personne ne le sait, car Soutine laissera peu de témoignages sur sa vie en dehors de sa peinture.

En 1902, suivant la tradition familiale on l'envoie à Kiev comme apprenti tailleur, ce dont Soutine se moque éperdument. Il a vu travailler son père pour une vie de misère et ce n'est pas la voie qu'il a intimement choisie.

Dès 1909, il prend avec son ami Kikoine des cours de dessins et commence à réaliser des portraits. C'est l'un de ces portraits qui lui vaut d'être rossé par le fils d'un homme qu'il fixait sur la toile. On le dédommage de 20 roubles. C'est la vente aux enchères de Bécaud, un coup de pied, mise à prix 20 roubles. Celui-là, comme dans la chanson, le conduit vers la réussite. Suivant ses amis, Krémègne et Kikoine, il débarque le 13 juillet 1913 à Paris.

Sombre année qui précède la grande guerre.

Sans argent, inconnu, Soutine est installé par ses amis, à « La Ruche », dans le quartier de Montparnasse. Il y fréquente aussi bien les écoles d'art que les cafés, où il rencontre les bouchers de la rue de Vaugirard, bouchers venant au café en tablier taché de sang, les couteaux à la ceinture et dont il gardera longtemps le souvenir (voir ses peintures sur les carcasses de viande qui feront hurler ses voisins du Parc Montsouris lorsque Soutine sera enfin sorti de la misère).

Mais les temps sont durs, on ne mange pas tous les jours, on boit, on trompe sa faim. Pour vivre Soutine porte des malles à la gare Montparnasse et commence déjà à ressentir les effets d'un ulcère gastrique (probablement un ulcère de stress) qui récidivera tout au long de sa vie.

Soutine est suffisamment dépressif pour tenter de se pendre. Son ami Krémègne le sauve de la pendaison. Mais chez cet être fragile, tout intériorisé, mal à l'aise à Paris, émigré au milieu d'autres émigrés, la vie est un fardeau. Il tente de s'intégrer en s'engageant dans l'armée en 1914 comme terrassier. Soutine, terrassier ! On le renvoie vite dans ses foyers pour soigner à la fois ses ulcères et son état général.

Il rencontre alors Modigliani, un autre réformé de cette guerre, et une grande amitié va les lier. Mais Soutine-Modigliani, c'est associer, alcool, tabac, ulcère et tuberculose.

Après le départ pour Vence de Modigliani, Soutine se laisse convaincre d'aller à Céret dans les Pyrénées-Orientales. Le marchand Zborowski lui paye le voyage.

Soutine reste un être marqué par son enfance et sa triste adolescence. Il est ombrageux, colérique, solitaire et demeure à l'écart des tendances artistiques. Il est d'autant plus ombrageux et colérique qu'il a arrêté de boire après la mort en 1920 de Modigliani.

Ce que Soutine peint, il le peint avec son âme, ses rêves, sa pensée, sa vision du monde. Il est expressionniste puisqu'il faut toujours classer les peintres, mais à ce jeu là, il est difficile de dire ce qu'il est vraiment.

Dans l'expressionnisme, on met souvent un peu n'importe quoi. Sa vision est totalement personnelle et Soutine n'appartient à aucune école.

Ses couleurs sont violentes, mais chaudes, équilibrées, complémentaires, éclatantes. La couleur n'est pas le thème principal de ses toiles. Ce qui l'intéresse est l'expression des autres, aussi ses portraits ne mettent-ils en valeur que ce que Soutine retient de la personne. Les regards, les sourires, parfois les attitudes, mains, oreilles, tenue du corps. Le cadre importe peu, les vêtements sont parfois totalement secondaires, le fond également.

Cette originalité va bientôt le faire découvrir par un amateur américain éclairé, le Docteur Barnes, qui achète une soixantaine de toiles et le fait connaître avec le marchand Paul Guillaume du jour au lendemain.

La situation de Soutine s'améliore, son caractère pas. Même s'il vit désormais dans de meilleures conditions, il est toujours asocial, ne se rend pas à ses vernissages ou ses expositions.

Bientôt la vie parisienne, son bruit, les conditions de vie après la guerre et bientôt la grande crise de 1929 vont à nouveau mettre sur la route Chaïm Soutine qui part dans l'Indre, puis, après sa rencontre avec Gerda Groth, autre réfugiée, dans l'Yonne en 1939.

La guerre éclate, Soutine et Gerda sont conscients du danger, mais restent en France. Gerda est arrêtée, mais libérée grâce à une intervention. Elle part pour Carcassonne et ne reverra plus Soutine, qui vient à Paris se faire soigner puis repart en Indre et Loire. Il y rencontre l'ancienne compagne de Max Ernst, Marie-Berthe Aurenche.

Le 31 juillet 1943, Soutine est hospitalisé à l'hôpital de Chinon pour hémorragie ulcéreuse (et probablement début de péritonite), il est fiévreux, dans un état critique. On le transporte à Paris où il meurt deux jours après une intervention le 11 août 1943. Il repose aujourd'hui au Cimetière de Montparnasse avec, près de lui, sa dernière compagne, Marie-Berthe Aurenche, qui se suicidera en 1960.







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