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  Vol. 298 No. 24, 26 décembre 2007 TABLE OF CONTENTS
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William Newenham Montague Orpen (1878-1931)

Ce n'est pas parce que l'on parle peu des peintres irlandais que nous avons choisi Sir William Orpen pour illustrer la couverture du JAMA-français cette semaine. Il s'agit plutôt de nous replonger dans l'ambiance de la première guerre mondiale, dans le rôle qu'a joué le Bureau de propagande durant ce conflit et au moment où le front s'est stabilisé à l'Ouest. C'est là où intervient William Orpen.


Figure 1
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Pour imaginer ce qu'a pu être cette époque, il nous faut revenir en 1914. Le 31 juillet, Jean Jaurès vient d'être assassiné, l'Allemagne lance des ultimatums un peu à tout le monde, la France d'abord, puis la Russie, alliée de la Serbie où vient de se faire assassiner l'archiduc François-Ferdinand. Le 1er août, elle déclare la guerre à la Russie. Le 2 août, elle lance un ultimatum à la Belgique. Le 3 août 1914, les 1ère et 2ème armées allemandes passent entre la Hollande et la France et percent le front anglo-français. En d'autres termes, elles sont en Belgique. Le 4 août 1914, débute la première guerre mondiale.

Joffre, qui commande les troupes alliées, décide d'envoyer la 5ème armée française et le corps expéditionnaire britannique à la rencontre des allemands. Mal lui en prend!

Les troupes alliées perdent les batailles de la Sambre et de Mons. Décidemment, le plat pays ne réussit pas aux français. Après Waterloo et sa morne plaine, c'est Mons et sa retraite.

Le général allemand Von Kluck met le cap sur Paris; une habitude qui sera suivie 25 ans plus tard par les divisions blindées allemandes. Les allemands avancent vite. Ils ne réussissent d'ailleurs bien que dans les guerres éclairs. Devant leur avancée, le gouvernement français se replie courageusement à Bordeaux.

Le 2 septembre 1914, les troupes alliées franchissent la Marne, elles aussi en direction de Paris.

A Paris, un vieux général, Gallieni, commandant du camp retranché de Paris, décide de mobiliser 4 000 hommes et de les envoyer arrêter l'armée allemande. Pour les transporter, on réquisitionne les taxis et un étrange cortège part vers la Marne. En tête, les taxis, suivent les voitures de maîtres avec leurs chauffeurs et enfin les omnibus. C'est ce long cortège qui rejoint la ligne de feu, sur le front de la Marne.

La bataille fait rage jusqu'au 13 septembre, mais devant la fougue et la résistance des soldats alliés, les troupes allemandes se replient sur l'Aisne. Le front se stabilise à ce niveau et le général Erich von Falkenhayn constate que, cette fois-ci, il ne verra pas Paris.

Les troupes allemandes ont établi leur front sur l'Aisne. On va assister alors à la guerre la plus stupide qu'il ait été de connaître. Von Falkenhayn ordonne de creuser des tranchées, les troupes alliées en font de même et en quelques mois, le génie militaire (si l'on peut dire) réussit à établir de la mer du Nord jusqu'à la Suisse un réseau de tranchées qui vont se faire face pendant les trois années suivantes.

On se salue de l'une à l'autre, on se tire dessus de l'une à l'autre, on monte à l'assaut pour tromper son ennui ou celui des généraux, on laisse des gueules cassées à droite et à gauche et en fin de compte on fait des millions de morts pour rien, car 25 ans plus tard on remettait le couvert pour s'attabler à quelque chose d'encore plus sérieux. Ce face-à-face de trois ans fut ce que a l'on a appelé le front de l'Ouest.

A l'Ouest, rien de nouveau? Justement, oui, un nouveau. Charles Masterman, nommé à la tête du Bureau de propagande du gouvernement anglais.

Dans ce bureau de propagande figurent des artistes et personnalités célèbres, tels Conan Doyle, le père de Sherlock Holmes, Thomas Hardy, Rudyard Kipling, H.G. Wells, entre autres. Ces écrivains sont chargés d'écrire des pamphlets et des livres en faveur de l'action du gouvernement et de soutenir sa vision politico-militaire. On invente, on dessine, on crée. On dénonce des horreurs allemandes inexistantes. Chesterton écrit: Le barbarisme à Berlin; Kipling: La nouvelle armée.

Seuls deux photographes ont la permission de se rendre sur le front et d'y prendre des clichés avantageux pour le moral des civils et mettant en valeur l'effort des troupes alliées.

Un premier dessinateur est envoyé sur le front, Muirhead Bone. Malgré son nom prédestiné, il en revient intact. Il ramène environ 150 dessins. D'autres viennent désormais se joindre à lui, dont William Orpen.

Nous sommes en 1917. Charles Masterman recrute William Orpen, peintre connu pour ses portraits d'hommes publics, fils d'un avocat de Dublin, né à Stillorgan, dans le Conté de Dublin. Orpen est déjà dans le Army Service Corps depuis 1916, mais ses oeuvres se sont limitées à des figures militaires ou politiques importantes: Lord Derby, Winston Churchill.

Avec son départ pour le front, William Orpen connaît les horreurs de la guerre. Le bureau de propagande l'a recruté pour glorifier l'action des troupes, Orpen en rend les horreurs.

Une année passe, une de plus, nous sommes en 1918.

L'arrivée de Lord Beaverbrook va modifier l'intérêt du gouvernement pour les artistes au front. Ils reçoivent de nouvelles consignes.

Plus question de faire de la propagande, mais simplement de peindre la guerre pour la postérité. Parallèlement à William Orpen, John Singer Sargent se joint à cet effort pour en ramener des images poignantes, notamment ce tableau des soldats gazés en réaction à une demande de Llyod George qui voulait montrer la bonne entente entre les soldats américains et britanniques. (Voir James Harris, Gassed. Arch Gen Psychiatry, Jan 2005; 62: 15 - 18.).

Ces artistes, avec la sensibilité que peut avoir un artiste, sont choqués par les horreurs des tranchées et les témoignages qu'ils laissent, vont parfois à l'encontre des attentes du bureau de propagande. Passons sur Rudyard Kipling qui a passé sa vie à glorifier l'Empire britannique, mais tout le monde n'a pas son assurance et sa foi dans l'éternité de cet Empire qui s'étend encore sur la majorité du monde. Les images et tableaux sont parfois durs, ils reflètent la vie au front. Sur le tableau que nous présentons, la situation est différente. La peinture date de 1918. Deux officiers sont présents, l'un britannique, assis, légèrement tourné vers le peintre, l'autre, français, debout, posant une fesse sur le bord d'une table. Bien que l'on puisse voir des symboles un peu partout, la situation de l'officier français est déjà moins enviable. Une fesse dans le vide, il est le reflet de celle que Churchill qualifiait de « meilleure armée du monde ». On sait ce qu'il advint de cette armée en 1940. Elle se battît comme 1914, une fesse dans le vide, les fusils sans cartouche et les chars éparpillés un peu partout dans le nord de la France. William Orpen nous donne un tableau aux couleurs chaudes et complémentaires. Bien que l'on soit au sous-sol d'un bâtiment, on peut penser que, le casque posé sur le bureau en témoigne, le plus dur est passé. Le 11 novembre de cette année sera signée l'armistice. Ces deux militaires sont des survivants.

En 1919, Orpen reçoit un mandat pour peindre la conférence de Versailles qui rassemblait à cette époque environ 32 nations représentant 75% de la population mondiale.

Orpen considère que les politiciens trahissent les soldats morts au front, il peint un hommage au soldat inconnu britannique tué en France, montrant un cercueil drapé du drapeau britannique flanqué de deux figures fantômes de soldats. Ce tableau fait scandale. Orpen accepte plus tard de le modifier lui faisant perdre ainsi toute la valeur symbolique qu'il avait mise dans la première version.

La guerre est bien finie. La politique reprend le dessus. Les hommes qui avaient dirigé de leur bureau les soldats sur le front comme des soldats de plomb, redeviennent des personnages importants. Orpen immortalise David Llyod George en 1926 et le temps passe. Son heure de gloire aussi.

Il ne connut pas la deuxième guerre mondiale. Il mourut en 1931 tandis qu'en Allemagne s'agitait un peintre raté: Adolphe Hitler.

Jean Gavaudan, MD







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