Ce message apparaît peut-être en raison d'une inadaptation de votre moteur de recherché aux références internet requises. Comprenez la raison de l'apparition de ce message et ce que vous pouvez faire pour mieux connaître le site.


Recherche avancée

Institution: STANFORD Univ Med Center  | Mon compte | s'inscrire


  Vol. 299 No. 8, 27 février 2008 TABLE OF CONTENTS
  Couverture
 Cet Article
 •PDF
 •Sauvegarder dans Citation Manager
 •Permissions
 Contenu en rapport
 •Articles similaires dans ce journal

Portrait de Jeanne Hebuterne


Figure 1
Amedeo Modigliani, (1884-1920), Portrait de Jeanne Hebuterne, 1918

La vie d’Amedeo Modigliani aurait pu se résumer comme beaucoup de personnalités en une suite de dates : naissance, vie et mort d’un peintre italien né à Livourne le 12 juillet 1884, suivie par un agenda de sa vie et des événements qui l’ont marquée.

Mais, d’une part, ce serait méconnaître le génie de ce peintre à la santé fragile qui, après une courte vie, nous laisse un témoignage foudroyant de ce que peut être le génie, et, d’autre part, justement parce que sa vie fut courte, son œuvre et ses tourments nous intéressent plus que ses déplacements dans l’Europe du début du vingtième siècle.

Enfant très précoce et doué, Amedeo est dès son plus jeune âge attiré par le dessin et la peinture. A 14 ans, un âge où la plupart des enfants de cette époque n’étaient pas encore entrés dans l’adolescence, Modigliani rejoint à l’été de 1898 l'atelier de l'artiste livournais Guglielmo Micheli. Ce sont ses premières armes dans le monde de la peinture.

Mais Amedeo est de santé fragile. Sans doute déjà atteint par ce mal qui décimera tant de monde avant la vaccination par le BCG, Modigliani développe ce qui est probablement une primo-infection tuberculeuse et doit en 1901 partir en voyage de convalescence avec sa mère. Ce voyage est l’occasion pour lui de découvrir Naples, Amalfi, Capri, Rome et Florence. Une façon de traiter la tuberculose qui commence son long travail de sape. Ce n’est pas la « Montagne Magique » de Thomas Mann qu’il découvre pour se traiter, mais les beautés et les senteurs de l’Italie. Italie artistique avec ses siècles de beauté classique qui forment l’œil du futur peintre.

Après avoir fréquenté différents ateliers italiens et réalisé un court voyage dans l’Angleterre victorienne, Amedeo Modigliani arrive à Paris en février 1906. Il y restera plusieurs années et s’adonne d’abord à la peinture puis à cet autre art, fait d’exigence et de passion : la sculpture.

En 1912, il retourne à Livourne, sa ville natale, pour se reposer. Modigliani est déjà à 28 ans un homme fatigué et usé. Il n’a pas encore trouvé de style propre, bien que sa peinture commence à être appréciée par la critique, ses succès au salon de 1910 étant là pour en témoigner. Mais, au gré des rencontres, il s’essaye à plusieurs styles. Délaissant la sculpture, trop physique, il peint à la manière des cubistes, des tachistes avant de se tourner vers un expressionnisme sombre et triste, reflet de sa vie, marquée par la maladie, la faim, l’alcool, la drogue et des amours malheureuses et sans suite. Modigliani cherche toujours et encore son style. Sa vie est instable, les jours de malheur succèdent aux jours de tristesse. Seul l’alcool et les amis sont le foyer qui brûle en lui.

La première guerre mondiale éclate alors, guerre durant laquelle s’étripent sans trop savoir pourquoi des soldats de toutes nationalités. Les français se défendent et parfois rechignent à appuyer la démence de leur commandement, les italiens se battent pour leur indépendance, les autrichiens pour leur passé et les allemands ne savent pas pourquoi.

Au milieu de ce tumulte, Modigliani, l’italien ne se bat pas. Sa santé ne lui permet pas. Il est en exil dans un pays qui n’est pas le sien.

Cette guerre lui fait perdre certains de ses amis. Le docteur Alexandre, protecteur et ami, qu’il avait connu dès son arrivée, s’éloigne de lui. Il fréquente alors de plus en plus les cafés, se lie à de nouveaux amis et continue de peindre.

En 1916, il expose, en plein bataille de la Marne, dans la galerie Chéron avec un certain succès.

Deux rencontres vont alors marquer le restant de ses jours : d’abord celle du poète polonais en exil, Léopold Zborowsky qui le soutiendra toujours et l’aidera à se faire connaître, et, un an plus tard, celle qui sera sa femme, sa compagne, sa muse, sa maîtresse et la mère de sa fille, Jeanne. Jeanne Hébuterne, le grand amour de sa vie. Il sera le sien et la conduira à sa perte.

Il la prendra pour modèle de nombreuses fois comme sur cette toile où elle est merveilleusement représentée dans toute sa simplicité et que domine ce regard profond qur l’on retrouve sur sa photo.


Figure 2

Amedeo Modigliani, dans un nouveau style, issu de la sculpture, épure les formes. Encore marqué par les arts primitifs, il affine la ligne et met en exergue l’expression des personnages. Le contact de sa peinture est presque physique. Peu de mouvement dans cette peinture, mais une forte impression de présence et de tourments.

Sa santé s’aggrave et l’oblige à partir à nouveau vers le soleil en 1918, année de naissance de sa fille, Jeanne. Il est alors sur la Côte d’Azur, expose à Paris, dans la même galerie que Matisse et Picasso, qui le connaissent et l’apprécient, puis à Londres en 1919 sous l’impulsion de Zborowsky, sous l’appellation de « Modern French Art ».

Modigliani, peintre maintenant connu, est un homme au bout du rouleau. Sévèrement atteint par la maladie, il ne lui reste plus qu’une année à vivre. Jeanne Hébuterne est à nouveau enceinte. Modigliani n’est plus que les braises d’un feu qui s’éteint. La réussite et la gloire ne l’intéressent plus.

Certaines vies sont marquées par le malheur, la sienne est une succession de difficultés et de tristesse. L’alcool et la drogue l’ont rongé autant que la tuberculose. En janvier 1920, il sombre dans le coma d’une méningo-encéphalite tuberculeuse dont il ne se réveillera pas. Il décède le 24 janvier. Le 25 janvier 1920, Jeanne Hébuterne, enceinte de huit mois, se jette par la fenêtre de leur appartement.

Ils reposent tous deux aujourd’hui au cimetière du Père Lachaise à Paris, côte à côte.

La souffrance les avait rapprochés, la mort les a unis. Ce couple unique appartient au patrimoine de l’humanité. Amedeo Modigliani, peintre italien, français d’adoption, est aujourd’hui un citoyen du monde.

Jean Gavaudan, MD







Accueil | Numéro Actuel | Numéros Précédents | Page du Patient | Le JAMA-français
Conditions d'utilisation | Politique de confidentialité | Contactez-nous (Anglais)
 
Copyright© 2008 American Medical Association. Tous Droits Réservés.