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Jean-Léon GEROME, 1824-1904, L’Arabe et sa monture, 1872, français © Domaine publique
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De tout temps, les artistes ont voyagé, mettant à profit, consciemment ou non, le conseil de Montaigne : « Le voyage me semble un exercice profitable ; l'âme y a une continuelle excitation à remarquer les choses inconnues et nouvelles ; et je ne sache point meilleure école, comme j'ai dit souvent, à façonner la vie que de lui proposer incessamment la diversité de tant d'autres vies, fantaisies et usures. » (Essais, III, 9).
Si, au cours des XVIe et XVIIe siècles peu d'artistes se rendent dans les terres du Grand Turc, l'engouement pour le faste et l'étrangeté de l'Orient n'en sont pas moins importants. Puis, au XVIIIe siècle, s'impose la vogue des « Turqueries » avant que l'Orient ne s'affiche dans la peinture d'histoire avec la campagne d'Egypte (1798-1801). Au XIXe siècle, les peintres français tel Delacroix, Gérôme, Ingres, Fromentin et jusqu’à Renoir joueront un rôle particulièrement actif dans la découverte de la Turquie de cette époque. C'est de ce voyage dans le temps, dans les lieux et dans l’époque que Jean-Léon Gérôme retrace ce tableau.
Jean-Léon Gérôme est né à Vesoul le 11 Mai 1824, il fut élève de Paul Delaroche qu’il accompagna en Italie de 1844-1845. Il se fit connaitre au Salon de 1847 avec son « Combat au corps », toile qui illustre son souci du détail authentique et pour laquelle il reçut une médaille. C est aussi ce qui frappe dans le tableau présenté ici. Car, s’il est devenu l’un des grands peintres orientalistes de son époque, Jean-Léon Gérôme a travaillé la sculpture avant d’accéder à la peinture et la liste de ses toiles à partir de 1854 a été impressionnante et particulièrement inspirée par l’Orient.
De son excursion en Turquie, sur les bords du Danube et en Egypte, il exposa scrupuleusement les compositions pleines de détails érudits. Il acquit une notoriété au Salon de 1857 ou il expose sept tableaux d’un genre populaire entre autres : « La Sortie du bal masqué » et le « Duel de Pierrot ». En 1854, il voyage en Turquie, puis plus tard en Egypte qui fait alors partie de l’empire Ottoman et ramène une vision de l’Orient et notamment des bains turcs...Les peintres français du 19ème siècle participent à la renaissance orientale
Gérôme est un peintre orientaliste qui maîtrise les moindres détails des femmes au bain et ses tableaux sont réputés. Les scènes de bains et de hammam fournissent un prétexte pour peindre les nus. De nombreux peintres représentent les femmes dans une promiscuité sans doute mise en scène. Les esclaves sont noires, est-ce une réalité ? Probablement pas toujours ! Nous n’avons pas choisi dans la présentation de l’œuvre de Gérôme de suivre la réalité des bains turcs, des harems fantasmés peuplés d’odalisques lascivement alanguies dans des bains de vapeur.
Leurs toiles comptent dans l’histoire de la peinture même si elles s’avèrent être une projection rêvée et fantasmée de l’orient. Gérôme a su démontrer et marque l’intérêt de cette époque pour les cultures du Maghreb qui ne ressemblent à aucun style particulier.
Un attrait pour l’ailleurs dans le mouvement orientaliste retient l’attention, car c’est un thème assez vaste au niveau littéraire et pictural.
Cet attrait pour l'ailleurs, la recherche de l'exotisme, influença la société. Les salons de la bourgeoisie et de la noblesse donnent réceptions et bals costumés sur le modèle fantastique et coloré des cours d'Orient. Certains personnages fortunés prirent la pose pour faire leur portrait revêtus des habits soyeux seyant à un émir. Aujourd’hui, qu’en est-il de ces sultanats qui ont fait rêver l’Occident.
La sagesse et l’expérience, un thème trop peu prisé exploré dans ce tableau qui dépeint un Orient entre réalité et imaginaire. Ce tableau permet d’abandonner le Nu pour se consacrer à la condition humaine des bédouins. Sa peinture traduit à la fois l'âme de son modèle et les couleurs locales vibrant sous la lumière saharienne. Il en résulte une œuvre esthétique et humaine qui est un enseignement pour l’Occident.
Montaigne fut un Orientaliste en même temps qu’un visionnaire au XVIe siècle lorsqu’il transmit ce message .....« La loy de la résolution et de la constance ne porte pas que nous ne nous devions couvrir, autant qu’il est en nostre puissance, des maux et inconveniens qui nous menassent, ny par consequent d'avoir peur qu'ils nous surpreignent. Au rebours, tous moyens honnestes de se garentir des maux, sont non seulement permis, mais louables. Et le jeu de la constance se jouë principalement à porter de pied ferme, les inconveniens où il n'y a point de remede. De maniere qu'il n'y a soupplesse de corps, ny mouvement aux armes de main, que nous trouvions mauvais, s'il sert à nous garantir du coup qu'on nous rue. Plusieurs nations tres belliqueuses se servoyent en leurs faits d'armes, de la fuite, pour advantage principal, et montroyent le dos à l'ennemy plus dangereusement que leur visage. Les Turcs en retiennent quelque chose » (MONTAIGNE - Essais - Livre I-Chapitre XII).
Jean-Léon Gérôme décède en 1904 a Paris après avoir vécu malgré son talent sans la splendeur et la gloire de ses contemporains avec lesquels il eut de nombreux débats sur le détail et la constance.
