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Les vitamines B dans la prévention du déclin cognitifPreuve insuffisante pour justifier un traitement
Robert J. Clarke, MD, FRCP;
Derrick A. Bennett, PhD
JAMA. 2008;300(15):1819-1821
Laccident vasculaire cérébral et la démence figurent chez les personnes âgées parmi les maladies cérébrales les plus communes et correspondent à la plupart des cas dinvalidité nécessitant des soins infirmiers dans ce groupe dâge.1 Lincidence de ces maladies augmente exponentiellement avec lâge. En conséquence, les améliorations de lespérance de vie ont résulté en une augmentation substantielle du nombre absolu dindividus atteints de démence et de déficience cognitive dans les décennies récentes. La démence est caractérisée par une perte de mémoire lentement progressive avec une altération des fonctions intellectuelles supérieures et des capacités cognitives. Parmi les sous types de démence, la maladie dAlzheimer et la démence vasculaire ont des traits cliniques et pathologiques distincts, mais ces 2 pathologies coexistent fréquemment et la combinaison est associée à une plus grande sévérité de trouble cognitif.2
Des études basées sur la population, comme létude Rotterdam,2 ont démontré que les indicateurs de lathérosclérose étaient associés à la maladie dAlzheimer et que la prévalence de la maladie dAlzheimer augmentait avec le degré dathérosclérose. La proportion de risque de maladie dAlzheimer chez ls patients ayant une athérosclérose sévère était de 3.0 (intervalle de confiance 95%, 1,5-6,0) comparée à ceux sans athérosclérose. Les participants avec au moins 1 allèle 4 de lapolipoprotéine E (ApoE) et une athérosclérose avaient un risque augmenté presque de 5 fois de maladie dAlzheimer comparés à ceux qui nont pas dallèle 42 ; les fumeurs de cigarettes avaient deux fois plus de risque de maladie dAlzheimer comparés aux non-fumeurs3 ; et les individus avec un diabète avaient 3 fois plus de risque de maladie dAlzheimer comparés à ceux sans diabète.4
Lhypothèse que lhomocystéine puisse être un facteur de risque de maladie dAlzheimer et que les vitamines B puissent être neuroprotectrices sont dues à lobservation que les patients avec un diagnostic histologique de maladie dAlzheimer, sans tenir compte du fait quil y avait une preuve histologique concomitante de maladie cérébrovasculaire, avaient des taux dhomocystéine plasmatique plus élevés que les groupes de contrôle de même âge.5 Lhomocystéine est un acide aminé à radical sulfuré potentiellement dangereux dérivé de la méthionine lié antérieurement à un risque accru de maladie cardiovasculaire.6,7 Les vitamines B, comme lacide folique et la vitamine B12, sont nécessaires pour transformer lhomocystéine en un donneur important de carbone S-adénosylméthionine (nécessaire pour les réactions de méthylation) et en glutathion (nécessaire pour protéger les cellules du stress oxydatif).8 La vitamine B12-réaction dépendante par laquelle lhomocystéine est convertie en méthionine (et par là retirée du flux sanguin) est inactivée par loxydation.8
Une preuve plus convaincante de limportance des taux accrus dhomocystéine et du risque de démence a été apportée par un suivi de 8 ans de 1092 participants âgés, sans démence, dans létude Framingham,9 qui a rapporté que des taux accrus dhomocystéine (> 14µmol/l) étaient associés à un risque 2 fois plus élevé de démence et de maladie dAlzheimer. Ces associations ont persisté après ajustement sur lâge, le sexe, le génotype ApoE 4, et dautres facteurs de risque vasculaire. En conséquence, plusieurs études de cohorte additionnelles10-12 ont rapporté des associations avec des taux plus élevés dhomocystéine, en conjonction avec de bas niveaux de folates ou de vitamine B12, ou de ces deux vitamines, et il a été rapporté que ces sujets présentaient des taux de déclin cognitif plus rapide.
La plausibilité biologique dune telle association existe en raison des étiologies putatives de la maladie dAlzheimer, laccumulation de peptides β-amyloïdes et des faisceaux neurofibrillaires (blocs de protéine tau) dans le cerveau. En effet, des taux accrus dhomocystéine et une déficience de vitamines B ont été liés aux dépôts de plaques amyloïdes (par le biais de la maladie microvasculaire) et des faisceaux neurofibrillaires (par le biais du stress oxydatif et de lhyperphosphorylation des protéines tau) dans les cultures de cellules humaines.13 A la lumière de ces données et le fait que les taux dhomocystéine sont facilement abaissés par une supplémentation alimentaire en acide folique et en vitamine B12,14 il y a eu un intérêt considérable pour des essais évaluant si une supplémentation alimentaire en vitamines B ralentissait le taux de déclin cognitif.15
Bien quune revue systématique de 14 petits essais15 ait rapporté que la supplémentation en vitamines B napportait aucun bénéfice chez les individus ayant une cognition normale ou altérée, il y existe peu détudes de taille ou de durée suffisantes pour évaluer leffet sur le déclin cognitif. A lexception de lessai FACIT,16 qui a démontré une réduction significative du taux de déclin cognitif associé à lacide folique chez les individus âgés, sans démence et avec des taux accrus dhomocystéine, aucun essai antérieur de vitamines B na rapporté deffets bénéfiques sur la fonction cognitive. Dans lessai FACIT, 818 participants âgés sains vivant aux Pays-Bas ont été assignés de façon aléatoire vers 0,8 mg dacide folique sur une période de 3 ans, et la supplémentation en acide folique a significativement amélioré les domaines cognitifs de la mémoire, la vitesse de traitement de linformation, et la vitesse sensori-motrice. Cependant, dautres essais17-20 évaluant les effets de la supplémentation en vitamine B sur la fonction cognitive nont pas réussi à apporter de preuve du bénéfice associé aux vitamines B.
Il existe plusieurs raisons possibles à léchec des essais à démontrer les effets bénéfiques sur la fonction cognitive, y compris (1) que les patients avaient des troubles cognitifs significatifs avant le début du traitement, (2) un nombre insuffisant de participants était enregistré pour lessai, (3) la durée du traitement était trop courte pour permettre de détecter des effets bénéfiques, (4) les bénéfices étaient atténués suite à la fortification en acide folique en Amérique du Nord, (5) un résumé plutôt quune mesure globale de déclin cognitif était utilisé, ou (6) le traitement na véritablement aucun effet sur la fonction cognitive.
Dans ce numéro de JAMA, Aisen et al de lEtude Coopérative de la Maladie dAlzheimer21 ont examiné les effets de la supplémentation alimentaire en vitamines B sur une période de 18 mois chez 409 participants avec une maladie dAlzheimer légère à modérée aux Etats-Unis. Les participants ayant un score Mini Mental State Examination entre 14 et 26 (score maximum, 30) et des niveaux plasmatiques de folates normaux, de vitamine B12 et dhomocystéine, ont été randomisés pour recevoir soit 5 mg/j dacide folique, 1 mg/j de vitamine B12, et 25 mg/j de vitamine B6 soit un placebo. La fonction cognitive a été évaluée en utilisant le sous-ensemble de la fonction cognitive de lEchelle dEvaluation de la Maladie dAlzheimer. Malgré une réduction de 31% des taux dhomocystéine associée au traitement par vitamine B, lessai na pas trouvé deffets significatifs sur le critère primaire dun retard dans le taux de déclin cognitif, et aucune réduction significative dans aucun de ces résultats secondaires, y compris le statut clinique, la fonction, et le comportement.
En contraste aux essais précédents,16-20 ayant évalué les effets des vitamines B sur la fonction cognitive chez des individus sains, Aisen et al21 ont examiné les effets des vitamines B sur une population avec des troubles cognitifs significatifs au commencement de lessai. Bien quune telle population ait pu avoir un pouvoir statistique plus grand pour détecter nimporte quel effet de traitement, il est aussi possible que les individus ayant des troubles cognitifs établis puissent être réfractaires au traitement. Cependant, les auteurs ont aussi rapporté que les symptômes dépressifs étaient plus communs chez les patients soumis à la supplémentation en vitamine B comparés à ceux qui recevaient un placebo. Lexcès de symptômes dépressifs associés aux vitamines B peut être une découverte du hasard, parce quil ny avait aucune différence dans lutilisation dantidépresseurs selon le traitement donné.
Les raisons précises de léchec de lEtude Coopérative de la Maladie dAlzheimer à détecter un effet bénéfique des vitamines B sur le déclin cognitif restent opaques. Cependant, ces résultats fournissent un support plus poussé pour conclure que les vitamines B ne sont pas efficaces à ralentir le déclin cognitif chez les individus ayant des taux de folates et de vitamine B12 normaux dans les sociétés avec des aliments enrichis en folates.
La politique publique sur la fortification en acide folique dans un pays donné constitue un facteur important dans linterprétation des résultats de lessai par Aisen et dautres études semblables. La fortification en acide folique obligatoire a été introduite aux Etats-Unis et au Canada en 1998 pour la prévention des malformations du tube neural. La fortification en acide folique a résulté en un doublement et plus de la concentration dans le sérum moyen de folates mais les concentrations de vitamine B12 nont pas changé appréciablement.22 La fortification a été remarquablement efficace à réduire le risque de malformations du tube neural chez les enfants en bas âge ?23 Néanmoins, certains pays, comme lAngleterre, ont retardé la fortification à cause de problèmes de « masquage » des déficiences en vitamine B12 chez des adultes âgés ou une accélération de la maladie neurale associée à la déficience en vitamine B12 en exposant les adultes âgés avec une déficience en vitamine B12 à des taux très élevés dacide folique.23 Une démonstration claire de nimporte quel effet bénéfique ou dangereux sur la fonction cognitive, la maladie vasculaire et non vasculaire à partir dessais à grande échelle en baissant lhomocystéine aurait des implications importantes pour la politique de santé publique.
Nimporte quelle question théorique sur les dangers de la supplémentation en folates peut être améliorée en assurant une dose adéquate de vitamine B12 (> 500µg) en suppléments multivitaminiques contenant une forte dose dacide folique (> 400µg). Cependant, jusquà ce que et à moins que de nouvelles données suggèrent autre chose, il nexiste pas assez de preuves pour justifier un usage routinier de suppléments vitaminiques abaissant lhomocystéine pour une prévention de la maladie dAlzheimer et du déclin cognitif parmi les individus ayant un statut vitaminique normal.
Informations sur les auteurs
| | Correspondance : Robert J. Clarke, MD, FRCP, Clinical Trial Service Unit and Epidemiological Studies Unit, University of Oxford, Richard Doll Bldg, Old Road Campus, Roosevelt Drive, Oxford OX3 7LF, England (robert.clarke{at}ctsu.ox.ac.uk).
Liens financiers: Aucun déclaré.
Financement/Soutien : Ce travail a été financé par the Medical Research Council and British Heart Foundation.
Rôle des Sponsors : Le Medical Research Council and British Heart Foundation na joué aucun rôle dans la préparation, la révision, ou lapprobation du manuscrit.
Les éditoriaux représentent les opinions des auteurs et du JAMA et pas celles de lAmerican Medical Association.
Affiliations des auteurs : Clinical Trial Service Unit and Epidemiological Studies Unit, University of Oxford, Oxford, England.
Voir aussi p 1774.
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ARTICLES EN RAPPORT
Cette semaine dans le JAMA-Français
JAMA. 2008;300:1729.
Texte Complet
Supplémentation par vitamine B à fortes doses et déclin cognitif dans la maladie d'Alzheimer: Un essai randomisé et comparatif
Paul S. Aisen, Lon S. Schneider, Mary Sano, Ramon Diaz-Arrastia, Christopher H. van Dyck, Myron F. Weiner, Teodoro Bottiglieri, Shelia Jin, Karen T. Stokes, Ronald G. Thomas, Leon J. Thal, et for the Alzheimer Disease Cooperative Study
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Résumé
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