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  Vol. 300 No. 6, 13 août 2008 TABLE OF CONTENTS
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Le Châle de Manille


Figure 1
Kees Van Dongen, Le Châle de Manille, 1935, hollandais. © Musée de Monaco

Les enfants aiment qu’on leur conte des histoires, surtout lorsque l’imagination rejoint la poésie et le rêve, souvent charmés par un esprit de conquête et le succès !

Monsieur Van Dongen était de ces enfants-là !

Il était une fois un adolescent de la banlieue de Rotterdam passionné par l’œuvre de Rembrandt nommé Cornelis Theodorus Marie Van Dongen.

On le surnommait Kees.

Devenu adolescent, il voulut entrer à l’Académie Royale des Beaux Arts, au grand désespoir de son père.

Car Kees aimait la peinture. Il volait en douce les draps dans les armoires de sa mère et des sacs en toile de jute de l’entreprise familiale (une malterie) pour en faire les supports de ses premières œuvres. Un artiste bohème et voleur dans la famille !

Il est donc temps pour lui de quitter le carcan familial. A vingt ans, en 1897, Kees déboule à Paris, pieds nus dans ses sabots. Les temps sont rudes mais l’époque est belle et l’Art néo-impressionniste, alors à la mode en France, tellement enthousiasmant. Le jeune homme est courageux. Installé dans une roulotte dans le maquis de Montmartre, il fait tous les métiers. Lutteur, débardeur, caricaturiste... il peint aussi, en s’inspirant des fêtes foraines et des coulisses des cabarets de la butte. Cent sous de l’œuvre, tel est le prix de ses premières figures de danseuses ou de prostituées. Devant le Cirque Medrano, boulevard Rochechouart, Kees dispose ses peintures et harangue les passants. Le public hésite, face à celui que l’historien d’art Elie Faure qualifierait bientôt de « poètes bestiales des bijoux et des fards et de la chair profonde où la mort et la cruauté veillent sous l’ombre chaude des aisselles et les blessures du carmin ».

Un matin de 1905, Kees est accepté au fameux Salon d’Automne. Dans la salle où flamboie sa toile, d’autres inconnus (Matisse, Vlaminck, Dufy, Derain, Marquet et Valtat) exhibent également des œuvres intensément multicolores.

Tons francs, touches larges, formes simplifiées, perspectives classiques snobées, il n’en faut pas plus pour déclencher les foudres de la critique. C’est la « cage aux fauves » se désole dans ses colonnes le critique Louis Vaucelle du Figaro.

En quelques années, le Hollandais devient le centre d’expositions en Allemagne, Grande Bretagne et Russie. Il faut dire que ses portraits de femmes ne manquent pas de piquant !

Le tableau que nous vous présentons, Le châle de Manille, est un célèbre exemple des nombreux portraits représentés par l’artiste. Effrontée, séductrice à souhait, elle hausse le regard pour se mettre à la hauteur du pinceau ou à celle du regard qui fixe la couleur ? Dans tous les cas, elle fait face à son interlocuteur avec toute l’insolence de son assurance de femme fatale et, elle est d’autant plus désirable tant elle pétille. Ces femmes dont il a fait son sujet favori, il les peint de façon crue, partout où la lumière est vive, femmes sensuelles, arts décoratifs chamarrés !

Le châle de Manille illustre un des fameux contes des mille et une nuits qu’il invente dans sa peinture : des nus tout nus et des nus tout rouges.

De la Marquise de Casati à la Baronne d’Oettingen toutes le défient, toutes les coquettes se précipitent pour prendre la pose avec aisance et jouer le rôle de séductrice. Il les séduit d’ailleurs sans se faire prier, s’appliquant à les représenter minces « Apres cela disait-il il ne reste plus qu’à grossir leurs bijoux, et elles sont ravies ». Fières de le défier, n’entendons-nous pas dans le regard de ces tentatrices un peu de Gounod : «..Je ris de me voir si belle en ce miroir...réponds moi, réponds moi vite .... »

Un seul tableau de sa collection est retiré du Salon d’Automne en 1913, jugé trop scandaleux par la police !

Qu’importe, c’est celui qui lui offre la célébrité et, que les collectionneurs s’arrachent ! A l’époque des vaches maigres il se contente de la petite recette, mais acquiert enfin la notoriété et a cette réplique touchante : « Oui j’aime passionnément la vie de mon époque, si animée, si fiévreuse... Ah la vie, c’est peut être encore plus beau que la peinture et il faut violer la chance si on veut vivre en pleine puissance »

La seconde guerre mondiale éclate, il s’en va vivre une retraite dorée à Monaco où en compagnie de sa troisième épouse la femme au châle de Manille auprès de laquelle il demeure jusqu’à sa mort en 1968.

Jean Gavaudan, MD







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