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Prescription différée – une approche raisonnable dans la prise en charge de l'otite moyenne aiguë
Paul Little, MBBS, MD, FRCGP
Sur la base d'une expérience
hollandaise,1 la
preuve de revues
systématiques,2
et la preuve récente au Royaume Uni, de nombreux pays de l'Europe
du Nord, y compris le Royaume Uni, ont développé des
recommandations permettant de conseiller les médecins pour
différer pendant un temps court la prescription des antibiotiques chez
les enfants atteints d'une otite moyenne aiguë
(OMA).4 Les
néerlandais ont développé une politique de non
prescription dans les OMA à moins que le patient ait une otalgie
significative, de la fièvre ou les deux 72 heures après avoir vu
le médecin ou si un écoulement prolongé se
développe.5
Une étude a montré que si cette approche de surveillance active
est utilisée, il survient peu de cas de complications (seulement un cas
de mastoïdite dans une cohorte de 5 000 patients et ce patient avait
attendu presqu'une
semaine).1 Les
patients et leurs familles devraient recevoir des conseils clairs sur la
possibilité de retourner voir leur médecin si des signes de
complications survenaient, à savoir aggravation des signes
généraux comme la fièvre et les vomissements.
L'étude de Spiro et
collaborateurs6 dans
ce numéro du JAMA est un apport supplémentaire bienvenu
à la littérature, suggérant qu'une approche
"attendre et voir" dans la prise en charge des OMA est efficace
dans le contexte d'un service d'Urgences. Les enfants
randomisés vers cette approche ont utilisé moins
d'antibiotiques (38 % par rapport à 87 %), et il n'y a eu
aucune différence concernant ultérieurement la fièvre,
l'otalgie ou les consultations non programmées chez le
médecin. L'étude apporte la preuve qu'il y a
probablement peu à gagner en termes de résolution des
symptômes en prescrivant immédiatement des antibiotiques à
la plupart des enfants. Par rapport aux essais précédents sur la
prescription différée des antibiotiques, l'effet taille est
plus faible dans une étude
canadienne7 et
similaire à une étude du Royaume-Uni qui avaient utilisé
les mêmes critères d'exclusion. D'autres preuves de
l'utilité limitée de fournir immédiatement des
antibiotiques viennent d'une revue Cochrane qui suggère que plus
de 15 enfants doivent être traités pour qu'un enfant en
bénéficie.2
L'étude de Spiro at
al6 démontre
que l'approche « attendre et voir » est acceptable pour les
parents aux Etats-Unis, une observation qui pourrait avoir une influence
importante sur le taux tradionnellement élevé
d'antibiotiques dans les OMA aux Etats-Unis. Elle démontre aussi
que cette approche marche dans le cadre d'un service d'Urgences,
où les patients n'ont pas de relation suivie avec le
médecin. Que les enfants dans ce contexte puissent avoir une moins
bonne évolution a été une préoccupation.
Toutefois, plusieurs notes de mise en garde sont nécessaires. Cette
étude et les précédentes ont exclu les enfants que les
praticiens avaient considérés comme étant en état
toxique infectieux, et il serait donc mal avisé d'extrapoler ces
résultats à des enfants très malades. Par ailleurs, la
plupart des enfants atteints d'OMA, se présentent dans les 24
heures suivant le début des
symptômes.3 Il
serait mal avisé de suggérer un délai
supplémentaire de 72 heures si l'enfant a déjà une
fièvre élevée et une otalgie sévère depuis
72 heures ou plus, la durée pour différer devrait être
ajustée sur la durée de l'otalgie et de la fièvre
sévères. En particulier dans un service d'Urgences, il
serait avisé pour les médecins de mettre l'accent sur
l'importance d'une évaluation répétée si
les symptômes ne s'améliorent pas à la suite
d'une prescription différée.
Il existe plusieurs avantages potentiels à différer une
prescription. Premièrement, la prescription différée
rationnalise l'utilisation des antibiotiques. La preuve d'une revue
systématique sur les essais différant la prescription dans un
ensemble d'infections
respiratoires8 est
en faveur de la réduction de l'utilisation des antibiotiques.
L'étude de Spiro et
al6 suggère
qu'une période d'attente de 48 heures a probablement la
chance de permettre à 62 % des patients de ne pas utiliser
d'antibiotiques, conseillant qu'une attente de 72 heures a tout
chance de permettre encore moins de prescriptions
d'antibiotiques.3
Lorsque les patients ont comme consigne de revenir chercher des antibiotiques
chez leur médecin, l'utilisation a toute chance d'être
un peu plus élevée qu'en adoptant une politique
d'absence d'offre initiale
d'antibiotiques.9,10
Deuxièmement, une prescription différée modifie la
position du patient et de sa famille sur les antibiotiques. La prescription
d'antibiotiques entretient probablement un cycle de croyances dans les
antibiotiques, la reprise ultérieure et la requête et
l'utilisation d'antibiotiques dans le
futur.11,12
La prescription différée semble être aussi efficace que la
non prescription d'antibiotiques dans la modification des croyances. Elle
change également le comportement lors des consultations
ultérieures. La prescription différée a des taux
similaires ou plus faibles de besoin de ré-assistance en comparaison
à la non
prescription.10,11
Troisièmement, la prescription différée permet un
contrôle acceptable des symptômes, Les revues antérieures
systématiques sur la prescription différée ont
amené à demander plus de preuves sur ce point. La plupart des
essais, y compris celui de Spiro et
al,6 ne rapportent
pas la sévérité des symptômes au cours des premiers
jours.13 Toutefois,
un essai rapportant la sévérité des symptômes a
suggéré un bon contrôle de la
sévérité des
symptômes.3
Bien que les patients atteints d'OMA aient une douleur très
marquée au cours des 24 à 48 premières heures
après la consultation – d'où l'importance des
conseils sur l'utilisation des antalgiques par voie
générale, des antalgiques locaux ou les deux – les
antibiotiques font peu de différence à ce
stade.3
Quatrièmement, la prescription différée apporte un plan
de secours et un accès rapide aux antibiotiques lorsqu'il existe
une incertitude pour savoir quels enfants réagiront mal si des
antibiotiques ne sont pas prescrits; il est donc préférable de
ne pas les prescrire initialement.
Un aspect important est de savoir si l'approche « attendre et
voir » comporte des dangers cliniques. La preuve des études
venant du Royaume Uni et de l'Europe suggère que les
localités ou les pays qui ont un faible taux de prescription
d'antibiotiques ont un taux d'admission plus élevé
pour
mastoïdite.13,14
De plus, les tendances ont suggéré avec le temps que
l'augmentation de l'utilisation d'une prescription
différée par les médecins dans les infections hautes du
tractus respiratoire supérieur peut être associée à
une augmentation des mastoïdites chez les
enfants.14
Toutefois, ces données sont basées sur des observations
écologiques et ont des limites bien connues. En présumant
même que ces données écologiques ne fournissent pas de
preuve d'une réelle atteinte délétère, les
données suggèrent que plusieurs milliers de prescriptions
seraient nécessaires pour prévenir un cas de mastoïdite
dans les pays
développés.14,15
Par ailleurs, l'augmentation de l'utilisation de la prescription
différée par les praticiens au Royaume
Uni14 a suivi un
essai concernant les infections dans le tractus respiratoire supérieur
(mal de gorge
aigu),15 et il
semble possible que les praticiens aient utilisé les recommandations
des infections hautes du tractus respiratoires (qui sont plus longues que pour
les OMA) inappropriées pour les OMA. Les parents des enfants atteints
d'OMA doivent être avisés de ne pas attendre plus longtemps
que 72 heures après la consultation si une fièvre ou une otalgie
significative
persiste,1,3
alors que dans les maux de gorge, le délai "attendre et
voir" peut être plus
long.9
Il peut exister plusieurs alternatives à différer une
prescription d'antibiotiques y compris les suivantes: (1) de ne pas
prescrire du tout, ce qui est probablement une option moins
sûre1; (2) de
prescrire dans tous les cas, ce qui probablement conduit à des effets
indésirables, une résistance aux
antibiotiques16 et
peut-être à plus de complications associées à la
résistance aux
antibiotiques3; (3)
de ne pas prescrire mais de conseiller les patients de revenir si
l'enfant s'aggrave ou ne s'améliore pas ce qui donne au
médecin plus de contrôle mais peut entraîner un taux plus
élevé de re-consultations sans bénéfice
clair10; ou (4) de
prescrire des antibiotiques chez ceux ayant une probabilité de
développer une maladie prolongée ou d'avoir des effets
indésirables; malheureusement, il existe peu de bonnes études
cliniques prospectives permettant de définir ces sujets à risque
et le bénéfice des antibiotiques dans ces groupes. C'est la
raison pour laquelle chaque médecin utilise ses propres critères
pour prescrire des antibiotiques dans les infections
respiratoires.17
D'autres preuves sont nécessaires pour informer les
médecins sur la façon de différer une prescription. Des
études sont nécessaires pour caractériser les enfants
à risque d'effets secondaires. Ainsi, la plupart des enfants les
plus sévèrement atteints et des enfants pour lesquels le
médecin était préoccupé pour d'autres raisons
n'ont pas été inclus dans l'essai de Spiro et
al6 ou d'autres
essais. D'autres essais sont aussi nécessaires pour
déterminer les alternatives les plus efficaces aux antibiotiques.
Toutefois, compte tenu de la médecine actuelle basée sur les
preuves, l'approche suivante serait raisonnable: lorsqu'un enfant
n'est pas atteint sur le plan général et que le
médecin n'a pas de raison de s'inquiéter, une
prescription différée peut être utilisée. Si le
médecin est préoccupé par des patients plus malades ou
à risque (ceux ayant des symptômes généraux ou des
comorbidités, nourrissons de moins de 6 mois), alors les antibiotiques
devraient être prescrits.
Si les parents reçoivent des informations claires sur le moment de
l'utilisation des antibiotiques et des recommandations spécifiques
cherchant signes et symptômes qui devraient déclencher une
réévaluation, une prescription différée a
probablement sa place, devrait être acceptée par les parents,
semble raisonnablement sûre et permet d'avancer significativement
d'un pas la bataille contre la résistance aux antibiotiques.
Informations sur les auteurs
| | Correspondance: Paul Little, MBBS, MD, FRCGP, Community Clinical
Sciences Division, University of Southampton, Aldermoor Health Centre,
Aldermoor Close, Southampton, UK SO16 5ST, United Kingdom
(P.Little{at}soton.ac.uk).
L'opinion exprimée dans cet éditorial ne reflète
que l'opinion de l'auteur et non pas celle de l'AMA ou du
comité éditorial.
Les propos sont librement exprimés.
Liens financiers: le Dr Little déclare qu'il a
travaillé en tant que consultant honoré pour les laboratoires
Abbott pendant deux sessions concernant les complications des infections
respiratoires.
Affiliations de l'auteur: Community Clinical Sciences
Division, University of Southampton, Aldermoor Health Centre, Southampton,
United Kingdom.
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