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Des nouvelles sur la résistance médicamenteuse du virus influenza de type B qui ne peuvent être ignorées
Anne Moscona, MD;
Jennifer McKimm-Breschkin, PhD
Du cours des deux dernières décennies la
communauté médicale a suivi avec intensité
l'émergence d'une résistance à l'oseltamivir dans des
souches de virus influenza de type
A.1 La
pertinence clinique et la transmissibilité de ces variants
résistants étaient inconnues et la planification en vue d'une
épidémie ou d'une grippe pandémique avait jusqu'alors
ignoré le problème en raison d'une absence de preuves montrant
que ceci pouvait avoir des conséquences médicales. Les
inhibiteurs de la neuraminidase sont actuellement la seule option fiable
antivirale pour traiter la grippe: l'utilité des adamantanes
(amantadine et rimantidine) a presque été éliminée
par le développement d'une
résistance.2
Jusqu'à présent, peu de résistance spontanée aux
inhibiteurs de la neuraminidase avait été documentée et
aucun virus spontanément résistant n'avait été
identifié dans le monde avant l'introduction de ces médicaments.
Ceci pourrait bien changer.
Dans ce numéro du JAMA, le rapport de Hatakeyama et de ses
collaborateurs en provenance du Japon documentant les virus de type B ayant
une sensibilité diminuée à l'oseltamivir et au zanamivir
augmente les inquiétudes sur la possibilité et la signification
clinique de cette résistance. L'article décrit les virus
influenza partiellement résistants aux inhibiteurs de la neuraminidase
chez des personnes qui n'avaient pas été traitées par
antiviraux et suggère fortement une transmission de personne à
personne de ces virus résistants, soit au sein des familles ou dans la
communauté. Le Japon est le pays dans le monde qui utilise le plus les
inhibiteurs de la neuraminidase, plus de 90% des prescriptions se faisant en
faveur de
l'oseltamivir.4,5
Bien que les mutations décrites dans les isolats résistants de
ce rapport soient principalement celles précédemment
associées à une pression sélective de l'oseltamivir, il
n'est pas certain que les virus ayant muté ne viennent pas d'autres
personnes traitées dans la communauté ou n'aient pas
méergé spontanément. L'émergence de variants ayant
un faible niveau de résistance discuté dans l'étude est
aussi une inquiétude car le virus de type B a une sensibilité
initiale plus faible aux inhibiteurs de la neuraminidase par rapport au virus
de type A et la présence de séries virales ayant une faible
résistance fait le lit pour le développement d'une pression
sélective d'une résistance de haut niveau.
En Australie, les deux virus influenza ayant des mutations conférant
un haut niveau de résistance aux inhibiteurs de la neuraminidase ont
été isolés chez des patients non traités. Un de
ces virus avait une mutation de la
neuraminidase6,7
connue pour conférer une résistance de haut niveau
spécifique à l'oseltamivir. Comme les inhibiteurs de la
neuraminidase sont peu utilisés en
Australie,4
ces virus probablement proviennent de mutations spontanées.
Une partie de l'indifférence vis-à-vis des virus influenza
résistants aux inhibiteurs de la neuraminidase a été
alimentée par les expériences in vitro et dans des
modèles animaux qui ont généralement trouvé que
les virus influenza résistants aux inhibiteurs de la neuraminidase
avaient une infectiosité et une transmissibilité compromises.
Ceci a conduit à la croyance qu'une transmission significative avait
peu de chance de survenir chez l'homme. Un modèle de 2003 sur
l'extension de virus résistants lors d'une pandémie a conclu que
la diffusion dans la communauté de tels variants serait
négligeable en raison d'une diminution du fitness biologique et de la
transmissibilité de virus
résistants.8
Toutefois, un rapport récent a prédit que, alors que
l'utilisation de traitements antiviraux pouvait ralentir ou stopper
significativement la transmission en l'absence de résistance
médicamenteuse, l'émergence de résistance pouvait
réduire sérieusement ce
bénéfice,9
en fonction du coût du fitness biologique: s'il y avait un coût
modeste du fitness biologique et une transmission élevée, cette
efficacité de l'utilisation des antiviraux chuterait. Même si des
souches résistantes émergent de novo à des
fréquences extrêmement faibles chez des personnes recevant des
antiviraux soit de façon thérapeutique soit en prophylaxie, ces
souches peuvent bien apporter une contribution significative dans un contexte
épidémique ou pandémique. Ces concepts, avec les
observations rapportées par Hatakeyama et al 3 suggèrent que des
virus influenza de type B partiellement résistants circulent, ce qui
veut dire qu'il n'est plus possible d'être sûr que des souches
résistantes auront peu d'effet lors d'une épidémie ou
d'une pandémie de grippe.
Les études in vitro et structurales ont prédit qu'une une
résistance à l'oseltamivir avait plus de probabilité de
survenir qu'une résistance au zanamivir lors d'une pression
sélective du traitement
médicamenteux.1,10
Le zanamivir est structurellement plus semblable au substrat naturel de la
neuraminidase et se lie directement au niveau du site actif.
Pour l'oseltamivir, un ré-arrangement des acides aminés dans
le site actif est nécessaire pour adapter la chaîne hydrophobique
du médicament; des mutations qui empêchent ce
réarrangement peuvent conduire à une résistance à
l'oseltamivir mais pas au zanamivir. Il a également été
proposé que les mutations de résistance à l'oseltamivir
qui n'affectent pas les résidus catalytiques ont moins de
probabilité que les mutations de résistance du zanamivir d'avoir
un impact sévère sur le
fitness.11
Le troisième, nouveau, mais pas encore sur le marché, inhibiteur
de la neuraminidase, le peramivir, comme l'oseltamivir, nécessite une
ré-orientation des acides aminés pour se fixer sur le site
actif.12 Il
partage aussi un trait structural clé du zanamivir, à savoir une
substitution du groupe guanidinium en position 4'. En conséquence, de
nombreuses mutations qui confèrent une résistance à
l'oseltamivir ou au zanamivir confèrent aussi une résistance au
peramivir, et ce composé a peu de probabilité d'apporter un
bénéfice significatif en présence d'une résistance
à l'oseltamivir et au zanamivir.
Le zanamivir se lie plus fortement que l'oseltamivir au niveau du site
actif de la neuraminidase du virus de type
B,13,14
et les différences d'affinité de liaison du médicament
peut avoir un impact sur l'efficacité clinique. Pour que l'oseltamivir
se fixe sur le site actif de la neuraminidase du virus de type B, des
modifications structurales plus importantes sont nécessaires que celles
requises pour le virus influenza de type
A.14 Chez
les jeunes enfants, l'oseltamivir est beaucoup moins efficace dans le
traitement de la grippe de type B que dans celle de type A. Sugaya et
collaborateurs15
ont récemment suggéré que l'utilisation d'oseltamivir
contre la grippe de type B chez les jeunes enfants devait être revue et
a proposé l'option soit d'augmenter les dosages de l'oseltamivir dans
la grippe de type B soit d'utiliser du zanamivir.
Ces variants résistants du virus influenza de type B sont-ils
transmissibles? Les preuves suggèrent que ces virus avec une diminution
de la sensibilité ont été transmis de personne à
personne. Si les virus résistants de type B dans l'étude de
Hatakeyama et collaborateurs
3 ont
été en effet transmis parmi les membres d'une famille, il peut
être significatif que la transmission ait pris 6 à 9 jours pour
les virus ayant une mutation D198N de la neuraminidase (comparés
à 1-4 jours pour les virus de type sauvage) et 7 jours pour les virus
ayant une mutation I222T de la neuraminidase. Peut-être ces virus
sont-ils moins infectieux et prennent plus de temps pour atteindre des titres
suffisamment élevés pour entraîner des symptômes. Si
c'est le cas, alors la transmission observée parmi les membres des
familles reflète-t-elle la transmission expérimentale du virus
ayant une mutation H274Y de la neuraminidase chez les
furets.16
Dans ces expérimentations particulières de transmission animale,
il faut plus de variants que de types sauvages pour infecter ces animaux et
l'extension par contact chez les animaux est plus lente, mais le virus atteint
en fin de compte les mêmes titres que chez les animaux au
contact.16
Même si la réplication prend plus longtemps et les
symptômes sont retardés chez les individus, si la maladie est
éventuellement juste aussi sévère alors les virus mutants
peuvent être considérés comme pathogènes et
transmissibles.
Le rapport de Hatakeyama et collaborateurs
3
soulève plus de questions qu'il ne donne de réponses, y compris
des questions sur l'évolution virale, le fitness biologique et la
transmissibilité. Mais certains faits sont extrêmement clairs.
Les mutants du type B ayant une diminution de la sensibilité aux
inhibiteurs de la neuraminidase circulent et ces virus peuvent entraîner
des infections sans différence dans la durée des
symptômes, le niveau de multiplication du virus, ou le pronostic
clinique. Contrairement à ce qui a été
espéré jusqu'à présent, certains variants
résistants sont des agents pathogènes vigoureux. Que ces virus
surviennent par mutation spontanée ou par sélection
médicamenteuse, ou que ces virus soient transmis au sein des familles
ou au sein de la communauté, les variants résistants peuvent
être là pour rester. A la lumière d'une observation
récente que l'oseltamivir peut être moins efficace contre la
grippe de type B que contre la grippe de type A,15,17 nous
devons savoir si un dosage sous-optimal contre ces virus entraînera une
sélection des virus ayant un niveau élevé de
résistance. Les virus de la grippe évoluent rapidement et
vivement, ce qui oblige à faire des investigations sur des traitements
antiviraux utilisant des mécanismes alternatifs d'action et ciblant des
points différents du cycle de la vie virale. L'émergence de
virus influenza B résistants doit attirer l'attention sur l'importance
d'un suivi continu des souches avec le temps et sur la nécessité
de repenser fréquemment à la politique d'utilisation de ces
antiviraux. Bien que les nouvelles sur la résistance ne soient pas
bonnes et certainement remettent en question certaines des hypothèses
actuelles sur les virus résistants, une réponse efficace
à ces nouvelles peut aider à répondre aux nouveaux
défis de la grippe.
Informations sur les auteurs
| | Correspondance: Anne Moscona, MD, Department of Pediatrics, Weill
Medical College of Cornell University, 515 E 71st St, Sixth Floor, Box 309,
New York, NY 10021
(anm2047{at}med.cornell.edu).
Liens financiers: Le Dr Moscona déclare siéger dans un
comité consultative et/ou agir comme consultant pour GlaxoSmithKline,
Medimmune, et Roche. Le Dr McKimm-Breschkin déclare ne recevoir qu'une
bourse simple de recherche de GlaxoSmithKline.
Affiliations des auteurs: Departments of Pediatrics and
Microbiology and Immunology, Weill Medical College of Cornell University, New
York, NY (Dr Moscona); Molecular and Health Technologies, Parkville, South
Victoria, Australie (Dr McKimm-Breschkin).
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ARTICLE EN RAPPORT
Emergence de virus de type Influenza B ayant une sensibilité réduite aux inhibiteurs de la neuraminidase
Shuji Hatakeyama, Norio Sugaya, Mutsumi Ito, Masahiko Yamazaki, Masataka Ichikawa, Kazuhiro Kimura, Maki Kiso, Hideaki Shimizu, Chiharu Kawakami, Kazuhiko Koike, Keiko Mitamura, et Yoshihiro Kawaoka
JAMA. 2007;297:1435-1442.
Résumé
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