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PAGES DU PRATICIEN
Évaluation et traitement de la maladie de Chagas aux États-UnisUne revue systématique
Caryn Bern, MD, MPH;
Susan P. Montgomery, DVM, MPH;
Barbara L. Herwaldt, MD, MPH;
Anis Rassi, Jr, MD, PhD;
Jose Antonio Marin-Neto, MD, PhD;
Roberto O. Dantas, MD;
James H. Maguire, MD, MPH;
Harry Acquatella, MD;
Carlos Morillo, MD;
Louis V. Kirchhoff, MD, MPH;
Robert H. Gilman, MD, DTM&H;
Pedro A. Reyes, MD;
Roberto Salvatella, MD;
Anne C. Moore, MD, PhD
RÉSUMÉ
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Contexte En raison des migrations de population des zones
endémiques et des dépistages récemment institués
dans les banques de sang, les praticiens américains sont susceptibles
de voir un nombre croissant de patients avec une infection chronique à
Trypanosoma cruzi (maladie de Chagas) suspectée ou
confirmée.
Objectif Examiner la base de données et fournir des
recommandations pratiques relatives à l'évaluation, la prise en
charge, et le traitement étiologique des patients avec infection
chronique à T. cruzi.
Acquisition des données Revue de la littérature
menée à partir d'une recherche systématique sur MEDLINE,
pour toutes les années disponibles jusqu'en 2007; revue d'articles,
rapports et chapitres d'ouvrages complémentaires; et contribution
d'experts dans le domaine.
Synthèse des données Le patient nouvellement
diagnostiqué avec la maladie de Chagas doit subir un interrogatoire
médical, un examen clinique, et un électrocardiogramme (ECG)
avec 12 dérivations au repos, avec un tracé du rythme
(dérivation II) de 30 secondes. Si cette évaluation est normale,
aucun examen complémentaire n'est indiqué; l'interrogatoire,
l'examen physique et l'ECG doivent être répétés
annuellement. Si les résultats suggèrent une cardiopathie
chagasique, un bilan cardiaque complet est recommandé, incluant un
enregistrement ECG ambulatoire sur 24 heures, une échocardiographie et
une épreuve d'effort. En présence de symptômes
gastro-intestinaux, des études barytées doivent être
effectuées. Le traitement antiparasitaire est recommandé dans
tous les cas d'infection aiguë et congénitale de la maladie de
Chagas, dans l'infection réactivée, ainsi que dans l'infection
chronique à T. cruzi chez les patients de 18 ans ou moins. Chez les
adultes de 19 à 50 ans sans cardiopathie avancée, le traitement
étiologique peut ralentir le développement et l'évolution
de la cardiomyopathie, et doit généralement être
proposé. Il est cependant considéré comme facultatif chez
les personnes de plus de 50 ans. Les décisions thérapeutiques
individualisées chez l'adulte doivent comparer le rapport entre le
bénéfice potentiel du traitement, la cure prolongée, et
les effets indésirables fréquents. Le traitement doit être
fortement envisagé chez les patients naïfs avec infection à
VIH (virus de l'immunodéficience humaine) et chez ceux en attente de
transplantation d'organe.
Conclusion La maladie de Chagas représente un défi
croissant pour les praticiens des États-Unis. Malgré certains
vides dans la base de données, les connaissances actuelles sont
suffisantes pour effectuer des recommandations pratiques permettant une
évaluation, une prise en charge et un traitement étiologique
adéquats de cette maladie.
JAMA.
2007;298(18):2171-2181
La maladie de Chagas est due au Trypanosoma cruzi, un parasite
protozoaire généralement transmis par des triatomes
infectés. La transmission survient également par transfusion ou
par transplantation d'organe, par voie transplacentaire, et, rarement, par
ingestion d'aliments ou de boissons
contaminés.1-3
La transmission vectorielle est exclusivement limitée aux
Amériques, où un nombre estimé de 8 à 10 millions
d'individus est atteint de la maladie de
Chagas.4,5
Initialement, la transmission de la maladie était essentiellement
observée dans les zones rurales d'Amérique latine, où les
conditions de logement insalubres favorisaient le contact avec les vecteurs
infectés. Des programmes fructueux de réduction de la
transmission vectorielle et sanguine, ainsi que de celle induite par la
migration au sein et au-delà des pays d'endémie, ont
modifié l'épidémiologie de la
maladie.4,6,7
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Figure 1.. Sélection des études
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Dans les zones endémiques, l'infection à T. cruzi est
généralement contractée au cours de l'enfance. Les
vecteurs déposent des fèces pendant ou immédiatement
après leur repas de sang; le parasite est présent en grande
partie dans les excréments des insectes infectés, et
pénètre dans l'organisme humain par la plaie de la piqûre,
par la conjonctive, ou par d'autres muqueuses. Un nombre estimé de 100
000 personnes infectées vit aux États-Unis; la majorité a
contracté la maladie à l'occasion d'un séjour en zone
d'endémie.8 Cependant, les vecteurs et les animaux infectés par
T. cruzi se trouvent également dans de nombreuses régions des
États-Unis,9,10
et de rares cas de transmission autochtone ont été
documentés.11,12
Les meilleurs conditions de logement et une virulence moindre des vecteurs
pourraient expliquer le faible risque de transmission vectorielle; les
transfusions, les transplantations d'organe, et la transmission
materno-foetale sont les voies de contamination les plus probables aux
États-Unis.
Le 13 décembre 2006, la US Food and Drug Administration (FDA
américaine) a approuvé un test de dépistage de la maladie
de Chagas pour les donneurs de
sang.13
Depuis le 6 septembre 2007, 193 dons de sang confirmés positifs ont
été
rapportés.14
Par ailleurs, le dépistage des donneurs de sang pourrait induire une
plus grande sensibilisation et une augmentation des demandes d'examen
diagnostique dans l'ensemble de la communauté. La quasi-totalité
des infections à T. cruzi chez les patients nouvellement
diagnostiqués seront en phase chronique, et la plupart seront
asymptomatiques. La prise en charge adéquate des patients atteints de
la maladie de Chagas nécessite une expérience clinique
spécialisée, un support diagnostique biologique, et un
accès aux traitements trypanocides, qui sont tous limités aux
États-Unis.
Cet article vise à fournir aux praticiens des recommandations
pratiques pour l'évaluation, la prise en charge et le traitement
étiologique de la maladie de Chagas, en insistant plus
particulièrement sur la phase chronique. La prise en charge
détaillée des atteintes
cardiaques15-17
et gastro-intestinales18 de la maladie de Chagas dépasse le cadre de
cet article; les médecins de soins primaires doivent consulter des
sous-spécialistes expérimentés sur ces questions. Cet
article est basé sur une revue systématique exhaustive de la
littérature, complétée par une vaste contribution
d'experts et par l'expérience des CDC (Centers for Disease Control and
Prevention) américains, et tient compte des médicaments et des
technologies médicales disponibles aux États-Unis.
ACQUISITION DES DONNÉES
La littérature a été revue sur la base de recherches
sur MEDLINE utilisant le terme maladie de Chagas et les qualificatifs
évaluation, diagnostic, pronostic, traitement, congénital,
gastro-intestinal, transplant, VIH, nifurtimox, benznidazole, études
cliniques, effets indésirables, avec l'option de limitation human. Les
articles publiés entre 1966 et le 1er juillet 2007, de langue anglaise,
espagnole et portugaise ont été inclus. Les recherches ont
produit 3 820 articles potentiellement pertinents
(Figure 1). Les autres
articles, rapports, monographies et chapitres d'ouvrage pertinents ont
été localisés par des citations dans la
littérature, ou suggérés par les experts. Les
récentes recommandations des comités d'experts du Brésil,
d'Argentine et d'Espagne ont également été
consultées.19-21
Nous avons revu les titres et/ou les résumés des
références pour déterminer leur pertinence au regard de
cet article. Les études observation-nelles étaient retenues si
leur schéma et leurs critères d'évaluation étaient
clairement décrits et pertinents. Les essais thérapeutiques
prospectifs étaient inclus si les critères d'inclusion des
patients et leur assignation étaient clairement décrits et non
biaisés, et si les critères d'évaluation étaient
bien définis et pertinents. Les essais thérapeutiques portant
sur d'autres produits que le benznidazole et le nifurtimox étaient
exclus, aucun autre médicament n'ayant démontré
d'efficacité dans le traitement de l'infection à T. cruzi chez
l'homme.
SYNTHÈSE DES DONNÉES
Formes cliniques de la maladie de Chagas
La plupart des personnes infectées par T. cruzi traversent la phase
aiguë avec des symptômes bénins ou une fièvre non
spécifique; la plupart des infections aiguës ne sont pas
reconnues.1
Les manifestations sévères, comme la myocardite aiguë ou la
méningo-encéphalite, sont rarement
détectées.1
La phase aiguë dure 4 à 8 semaines. Les individus infectés
entrent ensuite dans la phase chronique et, en l'absence de traitement
efficace, restent infectés à vie. Les personnes avec une
infection chronique sans signes ou symptômes sont
considérées comme ayant la forme indéterminée de
la maladie de Chagas. La définition stricte de cette forme
indéterminée nécessite des résultats positifs
à la sérologie des anticorps anti-T. cruzi, l'absence de
symptômes ou d'anomalies à l'examen physique, des
résultats normaux à l'électrocardiogramme (ECG) 12
dérivations, ainsi qu'aux examens radiologiques du thorax, de
l'oesophage et du
côlon.20
Encadré. Systèmes de classification de la présence
et de la sévérité de la cardiomyopathie
chagasique
Classification de Kuschnir
modifiée25
0: Résultats ECG normaux et taille du coeur normale
(généralement basé sur radiographie thoracique)
I: Résultats ECG anormaux et taille du coeur normale
(généralement basé sur radiographie thoracique)
II: Hypertrophie ventriculaire gauche
III: Insuffisance cardiaque congestive
Classification de consensus
brésilienne20
A: Résultats ECG anormaux, résultats
d'échocardiogramme normaux, pas de signe d'ICC
B1: Résultats ECG anormaux, résultats
d'échocardiogramme anormaux avec FEVG > 45 %, pas de signes
d'ICC
B2: Résultats ECG anormaux, résultats
d'échocardiogramme anormaux avec FEVG < 45 %, pas de signes
d'ICC
C: Résultats ECG anormaux, résultats
d'échocardiogramme anormaux, ICC compensée
D: Résultats ECG anormaux, résultats
d'échocardiogramme anormaux, ICC réfractaire
Classification des Andes
modifiée26
IA: Résultats ECG normaux, résultats
d'échocardiogramme normaux, pas de signes d'ICC
IB: Résultats ECG normaux, résultats
d'échocardiogramme anormaux, pas de signes d'ICC
II: Résultats ECG anormaux, résultats
d'échocardiogramme anormaux, pas de signes d'ICC
III: Résultats ECG anormaux, résultats
d'échocardiogramme anormaux, ICC
Classification intégrant la stadification de l'American College
of Cardiology/American Heart
Association27,28
A: Résultats ECG normaux, taille du coeur normale, FEVG normale,
classe I NYHA
B: Résultats ECG anormaux, taille du coeur normale, FEVG normale,
classe I NYHA
C: Résultats ECG anormaux, dilatation du coeur, réduction de
la FEVG, classe II-III NYHA
D: Résultats ECG anormaux, dilatation du coeur, réduction de
la FEVG, classe IV NYHA
Abréviations: ECG, électrocardiogramme; FEVG, fraction
d'éjection ventriculaire gauche; ICC, insuffisance cardiaque
congestive; NYHA, New York Heart Association.
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Environ 70 % à 80 % des personnes infectées restent dans la
phase indéterminée toute leur vie, tandis que 20 % à 30 %
de celles ayant initialement la forme indéterminée progressent,
en l'espace de quelques années à des décennies, vers la
maladie cliniquement patente, qui affecte le plus souvent le
coeur.22,23
Les patients affectés présentent un processus inflammatoire
chronique atteignant toutes les cavités cardiaques, un trouble de la
conduction, et souvent un anévrisme apical. La pathogenèse est
supposée impliquer une persistance du parasite dans le tissu cardiaque
et une atteinte myocardique médiée par le système
immunitaire.24
Les premières manifestations sont généralement des
troubles de la conduction, le plus souvent un bloc de branche droit ou un bloc
fasciculaire antérieur gauche, et des anomalies de la cinétique
segmentaire du ventricule
gauche.23
Les manifestations tardives incluent (1) les extrasystoles ventriculaires
complexes et la tachycardie ventriculaire soutenue et non soutenue; (2) un
dysfonctionnement sinusal, induisant généralement une
bradycardie sinusale; (3) un bloc cardiaque de haut degré; (4) des
accidents thrombo-emboliques pulmonaire et systémique dus à la
formation de thrombus dans le ventricule gauche dilaté ou à un
anévrisme; et (5) une cardiomyopathie dilatée progressive avec
insuffisance cardiaque
congestive.17
Ces anomalies induisent des palpitations, des présyncopes, des
syncopes, et un risque élevé de mort
subite.15
Souvent, les bradyarythmies et les tachyarythmies sont associées. Une
proportion substantielle de patients présente une douleur thoracique
atypique, supposée associée à des défauts de
perfusion
microvasculaire.24
Plusieurs schémas de classification de la cardiopathie chagasique sont
utilisés en Amérique latine
(Encadré).20,25-28
Les facteurs discriminants les plus importants sont le statut ECG et la
présence ou l'absence d'insuffisance cardiaque congestive. L'un de ces
systèmes intègre la classification de l'insuffisance cardiaque
congestive récemment mise à jour de l'American College of
Cardiology/American Heart Association
(ACC/AHA).27,28
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Figure 2.. Trypanosoma cruzi
A. Formes trypomastigotes de Trypanosoma cruzi dans un frottis de sang
périphérique chez un patient avec forme aiguë de la maladie
de Chagas. Les têtes de flèche indiquent le kinétoplaste
(coloration de Giemsa, grossissement x 1 000). B, Nid d'amastigotes de
T. cruzi dans une cellule d'Anitschkow chez un patient avec forme chronique de
la maladie de Chagas. Les têtes de flèche indiquent le
kinétoplaste (hématoxyline-éosine, grossissement x
1 000). Avec l'autorisation de la division des maladies parasitaires des CDC
américains (Division of Parasitic Diseases, US Centers for Disease
Control and Prevention).
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L'atteinte gastro-intestinale de la maladie de Chagas résulte d'une
altération des neurones intramuraux, et touche essentiellement
l'oesophage, le côlon, ou les
deux.18,29,30
Les atteintes oesophagiennes vont des troubles de la motilité
asymptomatiques au méga-oesophage sévère, en passant par
l'achalasie
légère.31
Leurs manifestations incluent la dysphagie, l'odynophagie, le reflux
oesophagien, la perte de poids, l'aspiration, la toux, et la
régurgitation. Comme dans l'achalasie idiopathique, le risque de
carcinome oesophagien est
majoré.32,33
L'atteinte colique induit une constipation prolongée, une douleur
abdominale, et des fécalomes. Les patients avec un
mégacôlon présentent un risque majoré de volvulus
et d'ischémie intestinale subséquente. L'atteinte
gastro-intestinale est moins fréquente que la cardiopathie chagasique;
elle est presque exclusivement observée chez les patients
infectés dans le Cône austral (Argentine, Bolivie, Chili,
Paraguay, Sud du Pérou, Uruguay, et certaines parties du
Brésil), et est rare dans le nord de l'Amérique du Sud, en
Amérique centrale, et au Mexique. Cette répartition
géographique serait associée à des différences
dans les souches
parasitaires.34,35
Dans environ 1 % à 10 % des grossesses de femmes avec infection
chronique à T. cruzi, l'enfant naît avec une infection
congénitale.1,36,37
La plupart des nouveau-nés infectés sont asymptomatiques ou
présentent des signes non spécifiques, comme le faible poids de
naissance, la prématurité, ou de faibles scores d'Apgar. Les
autres signes incluent l'hépatosplénomégalie,
l'anémie, et la thrombocytopénie. Les manifestations graves,
incluant la myocardite, la méningo-encéphalite, et la
détresse respiratoire, sont rares, mais présentent un risque
élevé de
mortalité.37
L'infection à Trypanosoma cruzi peut connaître une
réactivation chez les patients immunodéprimés, produisant
une multiplication de la réplication du parasite intracellulaire et une
parasitémie détectable au microscope. La réactivation
survient chez une minorité de patients avec maladie de Chagas
chronique, co-infectés par le virus de l'immunodéficience
humaine ou traités par immunosuppresseurs. Bien que l'incidence de la
réactivation soit mal définie chez les receveurs de greffe, elle
est plus fréquente chez les patients traités par des
régimes immunosuppresseurs hautement
actifs.38
L'infection réactivée présente des
caractéristiques différentes de l'infection aiguë, et les
patients ayant une immunosuppression chimio-induite présentent un
tableau clinique distinct des patients VIH. Chez les receveurs d'organes
solides ou de moelle osseuse, la réactivation est associée
à des nodules sous-cutanés porteurs du parasite, à une
panniculite, et à une myocardite; l'atteinte du système nerveux
central a été rarement
rapportée.39-42
Chez les patients VIH, les manifestations les plus fréquentes sont la
méningoencéphalite et des lésions expansives du
système nerveux central qui peuvent être confondues avec la
toxoplasmose.43,44
La myocardite aiguë, parfois surajoutée à une
cardiomyopathie préexistante due à la maladie de Chagas
chronique, peut entraîner une insuffisance cardiaque congestive
d'installation
brutale.43,44
Considérations diagnostiques
Dans la phase aiguë, la parasitémie est élevée et
les trypomastigotes mobiles sont souvent détectés par examen
microscopique de sang frais anticoagulé ou d'une couche leucocytaire
(Figure
2).1
La parasitémie diminue dans les 90 jours suivant l'infection,
même en l'absence de
traitement,45
et est indétectable par microscopie dans la phase chronique. Cependant,
les parasitémies de faible degré représentent des
contaminations par des personnes chroniquement infectées par
transfusion sanguine, greffe d'organes, transmission mère-enfant, ou
par vecteur. Le diagnostic de la maladie de Chagas chronique repose sur des
tests sérologiques, le plus souvent des tests ELISA (enzyme-linked
immunosorbent assay) et des techniques d'immunofluorescence. Aucun test ne
présente de sensibilité et de spécificité
suffisantes pour permettre à lui seul de poser un diagnostic; 2 tests
utilisant différents antigènes ou techniques doivent être
effectués conjointement pour augmenter la précision
diagnostique.46,47
En cas de résultats divergents, un troisième test peut
être utilisé pour confirmer ou infirmer le diagnostic; un nouveau
prélèvement peut également être
nécessaire.
L'identification du parasite par microscopie, hémoculture, ou
techniques PCR (réaction en chaîne à la polymérase)
permet de poser le diagnostic définitif de la maladie de Chagas.
Cependant, la sensibilité de ces méthodes est limitée par
le niveau de parasitémie, et un résultat négatif n'exclut
pas le diagnostic. Les techniques de PCR présentent une
sensibilité élevée dans l'infection aiguë à
T. cruzi, mais leur performance dans la phase chronique est variable; elles
sont donc essentiellement utilisées comme outils de
recherche.48
Dans la mesure où des résultats positifs de PCR peuvent
être obtenus dans l'infection chronique en l'absence de
réactivation, l'évaluation biologique de l'infection
réactivée repose essentiellement sur l'examen microscopique de
sang à l'état frais ou d'une couche leucocytaire.
L'identification de l'infection congénitale repose sur le diagnostic
sérologique des mères infectées, suivi par des examens
microscopiques et des analyses PCR de sang du cordon, d'échantillons de
sang périphérique, ou des deux, effectués chez les
nouveau-nés pendant les 1 à 2 premiers mois de
vie.36,49
Si les résultats des analyses parasitologiques sont négatifs ou
si les tests ne sont pas effectués précocement, l'enfant doit
être testé par la méthode ELISA et par immunofluorescence
à l'âge de 9 à 12 mois, après diminution du niveau
d'anticorps maternels
transmis.50
Tous les autres enfants des mères infectées doivent
également subir des tests.
Pronostic
Le facteur le plus important dans le pronostic des personnes
infectées par T. cruzi est la probabilité de progression vers la
cardiopathie. La plupart des revues estiment que 20 % à 30 % des
personnes infectées développeront une maladie cliniquement
patente au cours de leur vie; cependant, les estimations varient en fonction
des études
publiées.1,2,47,51
Cette variabilité reflète, en partie, des différences
méthodologiques comme la population étudiée, les
définitions de la progression, ainsi que la durée et
l'achèvement du suivi. Des modèles animaux suggèrent que
la souche de T. cruzi est un facteur déterminant majeur des
manifestations cliniques et de la
sévérité52;
les autres facteurs potentiels incluent la sévérité de
l'infection aiguë et l'âge de sa survenue, la réponse
immunitaire de l'hôte, et des facteurs génétiques
humains.2,35,53,54
Des études en communauté démontrent que la survie des
individus dont la maladie reste dans sa forme indéterminée, est
équivalente à celle de la population
générale.23,55,56
L'échocardiographie, l'angiographie isotopique, ou l'évaluation
de la fonction autonome peuvent révéler des anomalies mineures
chez un tiers des individus infectés par T. cruzi ayant des
résultats d'ECG et de radiographie thoracique
normaux;57,59
cependant, il n'a pas été démontré que ces
observations indiquaient un pronostic plus péjoratif.
Les troubles de la conduction ventriculaire précèdent
l'apparition des symptômes de quelques années à quelques
décennies.23
Dans une étude en population générale de 6,7 ans de
suivi, le bloc de branche droit seul était associé à une
multiplication par 7 du risque de mortalité, et le bloc de branche
droit avec au moins 1 extrasystole ventriculaire à l'ECG au repos
à une multiplication par 12 de ce risque, comparé aux patients
séropositifs ayant des résultats d'ECG
normaux.23
Les manifestations tardives associées au mauvais pronostic incluent la
tachycardie ventriculaire ou les arythmies ventriculaires complexes,
l'augmentation du diamètre systolique ventriculaire gauche, et
l'altération de la cinétique segmentaire ou globale du
ventricule
gauche.15,59-62
Une analyse rigoureuse a identifié l'insuffisance cardiaque congestive
(classe III ou IV NYHA [New York Heart Association]), la cardiomégalie,
la dysfonction systolique ventriculaire gauche à
l'échocardiographie, la tachycardie ventriculaire non soutenue à
l'enregistrement ambulatoire sur 24 heures, le bas voltage du complexe QRS, et
le sexe masculin, comme les facteurs les plus prédictifs de
mortalité.63
Cette étude, parmi d'autres, confirme que l'insuffisance cardiaque
congestive et la fraction d'éjection ventriculaire gauche de moins de
30 % identifient un groupe de patients avec une survie inférieure
à 30 % à 2 à 4
ans.15,55,56,64
Les patients présentant une cardiomyopathie chagasique connaissent une
mort subite due à des arythmies ventriculaires ou à un bloc
auriculo-ventriculaire complet, ou décèdent d'insuffisance
cardiaque congestive réfractaire ou d'accidents
emboliques.56,63,65
La présence d'un anévrisme apical est associée à
un risque élevé
d'AVC.66
Chez des patients sélectionnés avec cardiopathie chagasique,
l'usage empirique d'amiodarone ou d'inhibiteurs de l'enzyme de conversion, ou
l'implantation d'un stimulateur cardiaque ou d'un défibrillateur
implantable peuvent améliorer la
survie.15,16,67
Cependant, peu d'études cliniques contrôlées ont
évalué l'efficacité de traitements pharmacologiques ou
d'appareils spécifiques dans la cardiomyopathie chagasique.
L'expérience brésilienne démontre que la survie
après une transplantation cardiaque pour une cardiomyopathie chagasique
est supérieure ou égale à celle suivant l'intervention
pour une cardiomyopathie idiopathique ou dilatée ischémique; la
gestion rigoureuse du traitement immunosuppresseur est
essentielle.38,68
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Figure 3.. Évaluation initiale du patient nouvellement diagnostiqué avec
une infection chronique à Trypanosoma cruzi
aIntervalle QRS 0,10 à 0,11 chez l'adulte.
Critères basés sur le Minnesota Code Manual of
Electrocardiographic
Findings,74
avec modifications de Maguire et
coll.71 Des
critères différents peuvent être nécessaires dans
l'ECG de l'enfant.
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Les données longitudinales relatives au pronostic de l'atteinte
digestive dans la maladie de Chagas sont clairsemées. Une fois la
maladie cliniquement patente, sa progression est généralement
lente.18,69,70
Aucune donnée ne suggère une influence du traitement trypanocide
sur le cours de la maladie. La prise en charge est axée sur
l'amélioration des symptômes par le biais d'interventions
diététique, médicale et
chirurgicale.18
Évaluation du patient nouvellement diagnostiqué avec la maladie de Chagas
L'évaluation initiale consiste en un interrogatoire médical,
incluant la recherche d'indications d'exposition potentielle à T. cruzi
dans des régions endémiques, par transfusion sanguine ou
d'autres voies; un examen physique complet; et un ECG 12 dérivations au
repos avec un tracé du rythme (dérivation II) de 30 secondes
(Figure
3).23,71,72
L'interrogatoire doit inclure une revue approfondie des systèmes, avec
une attention particulière pour les symptômes suggérant
des arythmies cardiaques, une insuffisance cardiaque précoce, et une
atteinte du tractus gastro-intestinal. Il doit être
déconseillé aux personnes infectées d'effectuer des dons
de sang. L'examen diagnostique doit être proposé aux enfants de
femmes séropositives, aux membres de la famille des patients, et
à toutes personnes ayant une histoire d'exposition potentielle au
parasite dans des régions endémiques.
Pour des raisons pratiques, un patient séropositif sans signes
d'atteintes cardiaque ou digestive détectés à cette
évaluation est considéré comme ayant la forme
indéterminée, même si la radiographie thoracique et
l'examen baryté du côlon et de l'oesophage ne sont pas
réalisés. Dans la mesure où le pronostic des patients
asymptomatiques avec des résultats d'ECG normaux est bon, l'avis
prédominant des auteurs est que de nouvelles évaluations
initiales ne sont pas nécessaires, et que le suivi ultérieur
doit reposer sur un interrogatoire, un examen physique et un ECG,
pratiqués annuellement (Figure
3).
Pour les patients présentant des signes, des symptômes, ou des
résultats d'ECG anormaux, les évaluations complémentaires
doivent être adaptées au tableau clinique. Les patients
présentant des symptômes ou des variations
électrocardiographiques correspondant à la cardiopathie
chagasique23,71,73,74
doivent subir un bilan cardiaque complet, incluant un enregistrement ECG
ambulatoire sur 24 heures pour détecter les arythmies; une
épreuve d'effort pour identifier les arythmies induites à
l'effort et évaluer la capacité fonctionnelle et la
réponse chronotrope; et une échocardiographie bidimensionnelle
pour évaluer la fonction biventriculaire, ainsi que la
contractilité et la structure myocardiques. Pour les patients
asymptomatiques avec des variations ECG non spécifiques (comme un
aspect rsR' ne répondant pas aux critères du bloc de branche
droit ou une augmentation mineure de l'intervalle PR), la
nécessité d'une évaluation complémentaire doit
être déterminée au cas par cas.
Certains signes et symptômes justifient des craintes
immédiates. La syncope, les indicateurs de dysfonction ventriculaire,
la tachycardie ventriculaire non soutenue ou soutenue à l'ECG au repos
ou à l'enregistrement ambulatoire, la dysfonction sinusale
sévère, et le bloc auriculo-ventriculaire de haut degré
sont des facteurs prédictifs majeurs de mort
subite.67
Ces observations doivent motiver une recherche approfondie d'arythmies et de
troubles de la conduction, ainsi que la réalisation d'études
électrophysiologiques si elles sont indiquées par les
résultats des examens non invasifs. La douleur thoracique justifie la
recherche d'une ischémie et de causes non cardiaques comme
l'oesophagite.24,75,76
Chez les patients avec une douleur thoracique, la scintigraphie cardiaque peut
révéler des anomalies de perfusion pouvant être
attribuées à une ischémie d'origine microvasculaire ou
à une fibrose, mais l'angiographie montre généralement
des artères coronaires
normales.24
Chez les patients sans symptômes gastro-intestinaux, les
études barytées ne sont pas recommandées. Les patients
avec des symptômes suggérant une atteinte oesophagienne ou
colique doivent subir respectivement une déglutition ou un lavement
barytés. Des radiographies doivent être prises 10 secondes, puis
5 et 10 minutes après la déglutition
barytée.77
La manométrie oesophagienne peut détecter des changements plus
subtils, et peut être indiquée si les études
barytées ne sont pas
concluantes.78,79
L'endoscopie n'est pas indiquée pour le diagnostic de
méga-oesophage; cependant, les patients avec un trouble de la
motilité oesophagienne présentent un risque majoré
d'oesophagite par reflux et de carcinome oesophagien, et le dépistage
de ces pathologies peut être indiqué, en particulier si une
modification des symptômes est observée. Les patients avec une
atteinte digestive de la maladie de Chagas doivent être
évalués à la recherche d'une cardiopathie,
conformément à l'algorithme décrit ci-avant.
Traitement trypanocide
Le benznidazole et le nifurtimox sont les seuls médicaments dont
l'efficacité a été démontrée dans la
maladie de
Chagas.2,80
Le benznidazole étant mieux toléré, il est
considéré par la majorité des experts comme le traitement
de première intention. Néanmoins, la tolérance
individuelle est variable; si un médicament doit être
arrêté, l'autre peut être utilisé en alternative.
Aucune de ces substances n'est approuvée aux États-Unis; elles
peuvent toutes deux être obtenues auprès des CDC ou
utilisées dans le cadre de protocoles de recherche. Les adultes doivent
être traités par benznidazole (5-7 mg/kg par jour), en 2 prises
pendant 60 jours, ou par nifurtimox (8-10 mg/kg par jour), en 3 prises pendant
90 jours. Les consultations relatives aux examens diagnostiques, à la
prise en charge, aux demandes de médicament, et aux schémas
posologiques pour des cas particuliers (patients pédiatriques ou
immunodéprimés par exemple) doivent être adressées
au service d'information du public de la division des maladies parasitaires du
CDC (CDC Division of Parasitic Diseases) (770-488-7775; email:
ncidpdbpi{at}cdc.gov);
à la division pharmaceutique du CDC (404-639-3670); ou, pour les
urgences en dehors des heures ouvrables, pendant les week-ends et les
congés fédéraux, au Centre d'opérations d'urgence
(EOC) du CDC (770-488-7100).
Le benznidazole (Radanil, Rochagan, Roche 7-1051), introduit en 1971, est
un dérivé de nitroimidazole qui agit contre les formes
trypomastigote et amastigote. La substance est rapidement absorbée par
le tractus gastro-intestinal; sa demi-vie biologique moyenne est de 12 heures.
L'élimination est essentiellement rénale; 22 % des
éliminations sont fécales. Les enfants présentent moins
d'effets indésirables que les adultes, et tolèrent des doses
supérieures. Les effets indésirables dermatologiques,
observés chez environ 30 % des patients, incluent les rashs dus
à une photosensibilité, qui évoluent rarement vers une
dermatite exfoliative. La dermatite est généralement
légère à modérée, et peut être
traitée par corticostéroïdes topiques ou systémiques
à faible dose. Cependant, le médicament doit être
immédiatement arrêté en cas de dermatite
sévère ou exfoliative, ou de dermatite associée à
de la fièvre et à une lymphadénopathie. Environ 30 % des
patients présentent une neuropathie périphérique
dose-dépendante. Elle survient le plus souvent tardivement au cours du
traitement, et doit en motiver l'arrêt; elle est presque toujours
réversible, mais peut prendre des mois à se résorber.
L'aplasie médullaire est rare et justifie l'arrêt immédiat
du traitement. Les autres effets indésirables rapportés incluent
l'anorexie et la perte de poids, les nausées et/ou vomissements,
l'insomnie et la dysgueusie. Des examens biologiques (numération
formule sanguine et taux d'enzymes hépatiques, bilirubine,
créatininémie, et azotémie) doivent être
effectués avant l'initiation du traitement; la numération
formule sanguine doit être répétée toutes les 2
à 3 semaines pendant la cure. Les patients doivent être
surveillés pour la dermatite à partir de 9 à 10 jours
suivant l'initiation du traitement. La consommation concomitante d'alcool peut
induire des réactions de type disulfirame (crampes abdominales,
nausées, vomissements, bouffées congestives,
céphalées), et doit être évitée.
Le nifurtimox (Lampit, Bayer 2502), introduit en 1965, est un
dérivé du nitrofurane qui a également une activité
contre les formes trypomastigote et
amastigote.80
Le médicament est rapidement absorbé dans le tractus
gastro-intestinal et largement métabolisé dans le foie,
où une nitroréduction est produite via la cytochrome P450
réductase. L'élimination des métabolites est
essentiellement rénale. Chez l'homme, les concentrations plasmatiques
atteignent leur maximum l heure après une dose orale unique, et ont une
demi-vie d'élimination de heures. Comme le benznidazole, le nifurtimox
est mieux toléré chez
l'enfant,51
et les recommandations posologiques varient en fonction de l'âge.
Les effets indésirables sont fréquents, mais se
résorbent généralement à l'arrêt du
traitement. Les symptômes gastro-intestinaux surviennent chez 30 %
à 70 % des patients, et incluent l'anorexie induisant une perte de
poids, les nausées, les vomissements, et une gêne abdominale. Les
symptômes de neurotoxicité incluent l'irritabilité,
l'insomnie, la désorientation, et, plus rarement, les tremblements. Les
effets indésirables plus graves, mais moins fréquents, incluent
les paresthésies, la polyneuropathie, et la névrite
périphérique. La neuropathie périphérique est
dose-dépendante, apparaît tardivement au cours du traitement, et
doit en motiver l'arrêt. Les autres effets indésirables incluent
les étourdissements ou les vertiges, l'excitation, les changements
d'humeur, et les myalgies. Des examens biologiques (numération formule
sanguine et taux d'enzymes hépatiques, bilirubine, créatinine
sérique et azote uréique du sang) doivent être
effectués avant l'initiation du traitement, 4 à 6 semaines
après son initiation, et à la fin du traitement. Toutes les 2
semaines, le poids des patients doit être relevé et la survenue
de signes et symptômes de neuropathie périphérique
évaluée, en particulier pendant le deuxième et le
troisième mois de traitement. La consommation concomitante d'alcool
majore le risque d'effets indésirables et doit être
évitée. Le benznidazole et le nifurtimox sont tous deux
mutagènes,81,82
et il a été rapporté qu'ils majoraient le risque de
lymphome dans des modèles
animaux.83,84
Bien qu'une incidence supérieure de néoplasmes ait
été rapportée dans de petites séries de receveurs
de transplant cardiaque infectés par T.
cruzi,85
aucune augmentation dans l'incidence du lymphome humain n'a été
rapportée dans la plus grande population des patients traités,
dans les pays utilisant ces 2 substances depuis des
décennies.86
Néanmoins, il n'existe pas de données définitives sur
cette question.
Efficacité du traitement médicamenteux dans la maladie de Chagas
Malgré l'importance de la maladie de Chagas en termes de
santé publique, elle a fait l'objet de peu d'études cliniques
rigoureuses (Tableau
1).87-90
L'histoire naturelle complexe de l'infection et l'absence d'outils
adéquats pour évaluer son traitement compliquent la
définition des critères pertinents et des intervalles de suivi.
Les études randomisées, contrôlées contre placebo
publiées ont essentiellement évalué des critères
liés au parasite, aux anticorps, ou les deux, plutôt que des
critères cliniques.
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Tableau 1.. Études contrôlées prospectives dans la
littérature publiée portant sur le benznidazole ou le nifurtimox
dans la maladie de Chagas chronique
Abréviations: AT-ELISA, Antigen trypomastigote chemoluminescent
enzyme-linked immunosorbent assay; ECG, électrocardiogramme; HR, hasard
ratio (mortalité ajustée sur la fraction d'éjection);
F29-ELISA, flagellar calcium binding protein
F29-antigen-based enzyme-linked immunosorbent assay; HAI,
hémagglutination indirecte; IC, intervalle de confiance; IFI,
immunofluorescence indirecte; NR, non rapporté.
aEfficacité, 55,8% (intervalle de confiance à 95%,
40,8%-67,0%) par analyse en intention de traiter basée sur les
résultats AT-ELISA.
bTous les enfants étaient asymptomatiques, mais 9 avaient
un bloc de branche droit à l'ECG; pas de dîfférence dans
la distribution entre groupes traitement vs placebo.
cNi l'âge ni les observations cliniques n'étaient
rapportés dans l'article; patients supposés avoir la forme
indéterminée.
dCardiopathie chagasique de grades de Kuschnir I ou II; les
patients avec grade III, défini par la présence d'une
insuffisance cardiaque, étaient exclus. Distribution à
l'inclusion: 63,6 % Kuschnir 0, 26,1 % grade I, 10,2 % grade II. Voir
définition des grades de Kuschnir dans l'Encadré. Suivi
médian, 9,8 ans.
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Traitement des infections aiguë et congénitale
Selon les premières études et l'expérience clinique
subséquente relatives aux formes aiguë et congénitale
précoce de la maladie de Chagas, les deux médicaments sont
connus pour réduire la sévérité des
symptômes et abréger l'évolution clinique et la
durée de la parasitémie
détectable.2,45,86,91
Il est admis que la guérison parasitologique survient chez 60 %
à 85 % des patients en phase aiguë, et chez plus de 90 % des
nouveau-nés avec une infection congénitale, traités dans
leur première année de
vie.45,80,91,92
Une variabilité géographique dans l'efficacité a
été rapportée pour les infections
aiguë93
et
chronique,94
ainsi que dans des modèles
animaux.95,96
Le traitement des nouveau-nés infectés doit débuter
dès que le diagnostic est posé; les médicaments sont bien
tolérés chez les
nourrissons.45,97
Aucun des médicaments n'est disponible en formulation
pédiatrique; pour les nourrissons et les jeunes enfants, les
comprimés doivent être préparés en officine pour
obtenir la dose appropriée.
Traitement en phase chronique
Dans les années 1990, 2 études randomisées en double
aveugle, contrôlées contre placebo, sur les effets du
benznidazole chez des enfants de 6 à 12 ans avec infection à T.
cruzi asymptomatique, ont démontré environ 60 %
d'efficacité, objectivés par l'obtention d'une
séroconversion négative 3 à 4 ans post-traitement
(Tableau
1).87,88
Dans 1 étude, une réduction marquée des
xénodiagnostics positifs était également observée
dans le groupe d'enfants traités comparé au groupe
placebo.88
Le benznidazole était bien toléré dans ces études
pédiatriques (Tableau
1). Conjointement à l'expérience clinique
grandissante en Amérique latine, ces études ont motivé la
recommandation d'un diagnostic précoce et d'un traitement
antiparasitaire chez tous les enfants
infectés.20,47
Une étude publiée récemment, non aveugle et non
randomisée, a démontré que le traitement par benznidazole
ralentissait le développement et la progression de la cardiomyopathie
chagasique chez
l'adulte.90
Sur la base de ces résultats et d'autres données, de nombreux
experts recommandent désormais le traitement des adultes avec infection
chronique par T. cruzi en l'absence de cardiomyopathie chagasique
avancée.90,98
Une étude multicentrique, randomisée, en double aveugle,
contrôlée contre placebo, portant sur les effets du benznidazole
chez des patients avec cardiomyopathie chagasique légère
à modérée, est actuellement en
cours.99 Les
données de cette étude devraient permettre de clarifier les
décisions thérapeutiques relatives à ce groupe de
patients.
Forme réactivée de l'infection à T. cruzi
Dans des données de séries de patients ayant subi une
transplantation et présentant une réactivation de l'infection,
l'administration de doses standard de benznidazole pendant 30 à 180
jours induisait une résolution des signes et des symptômes et
réduisait l'intensité de la
parasitémie.39-42
Un régime thérapeutique standard de 60 jours de benznidazole
réduisait la parasitémie et produisait une amélioration
clinique dans une petite série de patients co-infectés par le
virus de l'immunodéficience humaine et par T
Cruzi.43 La
durée optimale du traitement chez les patients
immunodéprimés, ainsi que l'utilité de la prophylaxie
secondaire n'ont pas été établis.
Indications du traitement trypanocide
Selon les données de la littérature revue ci-avant, les
recommandations relatives au traitement trypanocide varient en fonction des
phases et des formes de la maladie de Chagas, ainsi que de l'âge du
patient, et sont classifiées selon les niveaux de preuve établis
par la Infectious Diseases Society of
America.100
Le traitement médicamenteux est recommandé dans tous les cas
d'infections aiguë et congénitale, d'infection
réactivée, ainsi que chez les enfants de 18 ans ou moins ayant
une infection chronique à T. cruzi
(Tableau
2).45,49,87,88,101
Pour les adultes de 19 à 50 ans sans cardiomyopathie chagasique
avancée, le traitement médicamenteux antiparasitaire doit
généralement être
proposé.47,90,101,102
Pour les plus de 50 ans, le risque de toxicité médicamenteuse
peut être supérieur à celui des adultes plus
jeunes,45 et
le traitement est considéré comme facultatif. Le traitement
raisonné chez l'adulte repose sur des données suggestives, qui
ne sont pas encore définitives, selon lesquelles le traitement peut
prévenir ou ralentir la progression de la
cardiomyopathie.90
Les décisions thérapeutiques individualisées chez
l'adulte doivent tenir compte de l'absence actuelle de certitude en termes de
bénéfice, de la longueur du traitement, et des effets
indésirables fréquents. Dans la mesure où le traitement
médicamenteux est susceptible de réduire la probabilité
de transmission congénitale, il peut être justifié de
l'envisager plus fortement chez les femmes en âge de procréer;
néanmoins, il n'existe pas de données concluantes sur cette
question.
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Tableau 2.. Recommandations pour le traitement médicamenteux trypanocide en
fonction de la phase et de la forme de la maladie de Chagas, de l'âge du
patient, et du statut clinique
Abréviation: VIH, virus de l'immunodéficience humaine.
aNiveaux de preuves établis par la Infectious Diseases
Society of America pour les recommandations thérapeutiques.100 La force
de la recommandation est classée de A à E. A: Recommandation
soutenue par un fort niveau de preuve en faveur d'une efficacité et
d'un bénéfice clinique substantiel; doit toujours être
proposé. B: Recommandation soutenue par une preuve de niveau
intermédiaire en faveur de l'efficacité ou par une forte preuve
d'efficacité, mais avec un bénéfice limité. Doit
généralement être proposé. C: Niveau de preuve
insuffisant pour soutenir ou déconseiller l'utilisation; ou
l'efficacité démontrée peut ne pas compenser les effets
indésirables ou le coût du traitement étudié.
Facultatif. D: Contre-indication soutenue par un niveau de preuve
intermédiaire relatif au manque d'efficacité ou aux effets
indésirables. Ne doit jamais être proposé. Niveaux de
preuves soutenant la recommandation classés de I à III. I:
Preuves issues d'au moins 1 étude clinique randomisée bien
menée. II: Preuves issues d'au moins 1 étude clinique bien
menée sans randomisation, d'études analytiques de cohortes ou
cas-témoins (incluant de préférence plus d'1 centre), ou
de plusieurs études de séries chronologiques; ou
résultats critiques d'études non contrôlées. III:
Preuves émanant d'avis d'autorités reconnues basés sur
l'expérience clinique, d'études descriptives, ou de rapports de
comités d'experts.
bPar exemple, patients naïfs avec infection à VIH ou
en attente de greffe d'organe.
cAucune donnée ne suggère d'effet du traitement
sur la progression de l'atteinte gastro-intestinale. Les décisions
doivent être basées sur le potentiel de réduction du
risque de développement ou de progression de l'atteinte cardiaque.
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De même, le traitement trypanocide doit être plus
particulièrement envisagé dans les cas d'immunosuppression
prévisible, notamment chez les patients naïfs infectés par
T. cruzi en attente de transplantation d'organe, ou chez les patients
co-infectés par le VIH. Cependant, de nombreux experts recommandent,
parallèlement au traitement, l'étroite surveillance d'une
éventuelle réactivation post-transplantation, par un examen
microscopique périodique de la couche leucocytaire, ainsi qu'une
évaluation clinique des signes et des symptômes, notamment de la
fièvre et des lésions cutanées, seulement si une
réactivation est démontrée. Le risque de
réactivation varie considérablement, essentiellement en fonction
du degré
d'immunosuppression.41,42
Pour les patients avec cardiomyopathie chagasique avancée, le
traitement antiparasitaire n'est pas recommandé, dans la mesure
où il n'aura pas d'effet sur la pathologie existante; l'accent doit
être mis sur le traitement de soutien. Pour les patients
présentant une atteinte gastro-intestinale, les décisions
thérapeutiques doivent être basées sur le potentiel de
réduction du risque de développement ou de progression de la
cardiomyopathie; les mêmes facteurs, notamment l'âge et la
possibilité de transmission congénitale, doivent être
considérés chez ces patients que chez ceux sans cardiopathie
avancée. Chez les patients avec méga-oesophage, l'absorption du
médicament peut être altérée; le traitement doit
être différé jusqu'à la réalisation d'une
chirurgie corrective. Le benznidazole et le nifurtimox sont
contre-indiqués pendant la grossesse, ainsi que chez les patients
présentant une dysfonction rénale ou hépatique
sévère.
Documentation de la réponse au traitement
Pour évaluer la réponse au traitement, l'hémoculture
et l'examen direct du sang ou de la couche leucocytaire présentent une
sensibilité élevée en phase aiguë de l'infection
à T. cruzi, ainsi que dans les formes congénitales
précoces ou réactivées. En phase chronique, aucun test
n'a de valeur démontrée pour documenter la réponse
thérapeutique. Les 2 principales études contrôlées
contre placebo utilisaient chacune un test sérologique
expérimental différent, dont aucun n'est largement
disponible.87,88
Une séroconversion négative par tests conventionnels est obtenue
après un traitement efficace, mais nécessite des années
à des
décennies.102
Les techniques PCR sont utiles dans la surveillance des échecs
thérapeutiques chez les personnes présentant l'infection
aiguë à T. cruzi, mais la variabilité de leur
sensibilité en limite l'utilité dans la forme chronique de la
maladie.
COMMENTAIRE
En raison des dépistages institués récemment dans les
banques de sang, de la sensibilisation accrue de la communauté, et des
évolutions démographiques, les praticiens des États-Unis
sont susceptibles, dans le futur, de rencontrer un nombre croissant de
patients avec la maladie de Chagas. L'évaluation initiale doit inclure
un interrogatoire complet, un examen physique, et un ECG au repos avec un
tracé de rythme (dérivation II) de 30 secondes. Il doit
être déconseillé aux personnes infectées par T.
cruzi d'effectuer des dons de sang, et un dépistage doit être
proposé aux membres de leur famille ayant une histoire d'exposition
similaire, ainsi qu'aux enfants des femmes infectées. Pour les patients
ayant des résultats négatifs à l'évaluation
initiale, le suivi doit consister en un interrogatoire clinique, un examen
physique, et un ECG annuels. Le traitement antiparasitaire doit toujours
être proposé aux enfants infectés par T. cruzi d'un
âge inférieur ou égal à 18 ans, ainsi qu'aux
patients ayant une infection aiguë ou réactivée; il doit en
outre être généralement proposé aux patients de 19
à 50 ans sans cardiopathie chronique. Pour les patients de plus de 50
ans sans cardiomyopathie avancée, le traitement antiparasitaire est
considéré comme facultatif. Les médicaments actuellement
disponibles imposent un traitement prolongé, présentent un
risque significatif d'effets indésirables, et nécessitent un
suivi rapproché.
Informations sur les auteurs
Correspondance: Caryn Bern, MD,MPH, Parasitic Diseases Branch, Division
of Parasitic Diseases, National Center for Zoonotic, Vector-Borne and Enteric
Diseases, Centers for Disease Control and Prevention, 4770 Buford Hwy NE, MS
F-22, Atlanta, GA 30341
(cbern{at}cdc.gov).
Rédacteur en chef de la section Revue Clinique: Michael S. Lauer,
MD.
Nous encourageons les auteurs à soumettre leurs articles sous la
forme de Revue Clinique. Prière de contater Michael S. Lauer, MD,
à
michael.lauer{at}jama-archives.org.
Contributions des auteurs: Les Drs Bern, Montgomery, et Moore ont eu
un accès complet à toutes les données de l'étude
et acceptent la responsabilité de l'intégrité et de
l'exactitude de l'analyse des données. Conception et schéma de
l'étude: Bern, Montgomery, Herwaldt, Marin-Neto, Moore.
Recueil des données: Bern, Montgomery, Herwaldt, Rassi,
Marin-Neto, Dantas, Maguire, Morillo, Moore.
Analyse et interprétation des données: Bern, Montgomery,
Herwaldt, Rassi, Marin-Neto, Dantas, Maguire, Acquatella, Kirchhoff, Gilman,
Reyes, Salvatella, Moore.
Rédaction du manuscrit: Bern, Montgomery, Moore.
Revue critique du manuscrit: Bern, Montgomery, Herwaldt, Rassi,
Marin-Neto, Dantas, Maguire, Acquatella, Morillo, Kirchhoff, Gilman, Reyes,
Salvatella, Moore.
Obtention du financement: Herwaldt, Moore.
Aide administrative, technique et matérielle: Bern,
Montgomery, Moore.
Supervision de l'étude: Bern, Montgomery, Moore.
Liens financiers: Le Dr Kirchhoff a déclaré avoir
reçu un financement sous la forme d'une bourse du National Institutes
of Health grâce à un contrat avec InBios International Inc;
d'avoir des relations de consultant avec Abbott Laboratories et Ortho-Clinical
Diagnostics Inc; d'avoir reçu des paiements par accord de licences avec
Abbott Laboratories, Ortho-Clinical Diagnostics Inc, et Quest Diagnostics Inc;
et de détenir des intérêts dans Goldfinch Diagnostics Inc.
Tous les autres auteurs n'avaient pas de conflit dous les autres auteurs
n'avaient pas de conflit d'intérêt.
Financement/Soutien: Cette étude a
bénéficié du soutien d'un financement interne des US
Centers for Disease Control and Prevention (CDC).
Rôle du sponsor: Les employés du CDC ont
été impliqués dans le schéma et la conduite de
l'étude; le recueil, la gestion, l'analyse et l'interprétation
des données, la préparation, la revue et l'approbation du
manuscrit.
Notes: Les observations et conclusions de ce rapport sont ceux des
auteurs et ne représentent pas nécessairement les vues des
CDC.
Autres contributions: Nous remercions Sergio Sosa Estani, MD, PhD
(Tulane University, New Orleans, Louisiane, et le Centro National de
Diagnostico e Investigacion de Endemo-epidemias, ANLIS "Dr Carlos G
Malbran," Ministerio de Salud y Ambiente, Buenos Aires, Argentine),
Monica Parise, MD, Mark Eberhard, PhD, and Matt Kuehnert, MD (CDC, Atlanta,
Géorgie), Dan Colley, PhD, et Rick Tarleton, PhD (University of
Georgia, Athens), et Dennis Juranek, DVM (retraité, CDC, Atlanta), pour
la revue scientifique et leurs commentaires précieux; Henry S. Bishop
(CDC, Atlanta) pour nous avoir fourni les images du parasite; Carolyn Erling
(CDC, Atlanta) pour son soutien administrative. Aucune de ces personnes n'a
reçu de compensation pour ces contributions.
Affiliations de auteurs: Parasitic Diseases Branch, Division Of
Parasitic Diseases, National Center for Zoonotic, Vector-Borne and Enteric
Diseases, Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta, Georgia; Anis
Rassi Hospital, Goiania, Brazil; Medical School of Ribeirao Preto, University
of Sao Paulo, Ribeirao Preto, SaoPaolo, Brazil; University of Maryland,
Baltimore; Universidad Central de Venezuela, Caracas, Venezuela; McMaster
University, Hamilton, Ontario, Canada; University of Iowa, Iowa City; Johns
Hopkins University, Baltimore, Maryland; I. Chavez National Institute of
Cardiology, Mexico City, Mexico; Pan American Health Organization, Montevideo,
Uruguay.
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ARTICLE EN RAPPORT
Cette semaine dans le JAMA
JAMA. 2007;298:2107.
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