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LES PAGES DU PRATICIEN
Un homme âgé de 93 ans atteint d'une démence évoluée et de problèmes d'alimentation
Susan L. Mitchell, MD, MPH, Discussant
RÉSUMÉ
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Plus de 5 millions d'américains sont atteints de démence,
cause majeure de décès chez les personnes de plus de 65 ans aux
Etats-Unis. Des problèmes d'alimentation se développent
typiquement au cours du stade avancé de la démence, ce qui
nécessite la prise d'une décision en faveur de soins directs
à type soit de palliation soit de mesures plus agressives, comme
l'alimentation par sonde. Le cas de Mr P, un homme de 93 ans atteint de
démence à un stade terminal et d'une récente fracture de
hanche, illustre les problèmes qui sont à débattre dans
ces Rencontres lorsque sa fille est confrontée à
l'impossibilité de maintenir une hydratation et une nutrition
adéquate. La discussion passe en revue l'épidémiologie et
l'histoire naturelle de la démence avancée, les barrières
qui se dressent devant les soins palliatifs des patients atteints de cet
état, le rôle de la pharmacothérapie, et les options
thérapeutiques offertes à ces problèmes d'alimentation,
les avantages et inconvénients de chaque option, et suggère une
approche pour aider les praticiens à apporter un soutien efficace et
compassionnel à la prise de décision des familles et des
patients ayant une démence avancée.
JAMA.
2007;298(21):2527-2536
DR BURNS: Mr P est un ingénieur à la retraite de 93 ans, venu
de Russie, présentant une histoire de démence, d'hypertension,
de diabète de type 2, d'hypertrophie bénigne de la prostate,
d'insuffisance rénale chronique, et de cancer du rein
présumé. Il est couvert par une assurance Medicare et
Medicaid.
La démence de Mr P a été diagnostiquée voici 10
ans, s'étant manifestée par une perte progressive de la
mémoire à court terme, avec un déclin plus marqué
au cours des deux dernières années. Il a émigré
vers les Etats-Unis en 1994 et a vécu avec sa fille depuis la mort de
sa femme voici 20 ans. Avant octobre 2006, il pouvait être laissé
seul pendant plusieurs heures, marchant avec un déambulateur,
s'alimentait et faisait seul sa toilette, mais avait besoin d'une assistance
pour les autres activités quotidiennes de la vie.
En octobre 2006, Mr P était hospitalisé pour un
épisode devant témoins "d'absence de
réponse." L'IRM/angiographie par résonance
magnétique révélait une atrophie cérébrale
liée à l'âge et le résultat de son E.E.G.
s'avérait normal. Une infection urinaire par Staphylococcus aureus
méthicilline-résistant était diagnostiquée. Un
scanner abdominal montrait une lésion du rein droit suggérant un
carcinome, mais la fille de Mr P refusait toute autre examen. Son absence de
réponse était alors attribuée à la démence.
Il sortait de l'hôpital et retournait chez sa fille mais était
réadmis quelques semaines plus tard pour un autre épisode
d'absence de réponse. L'E.E.G. montrait une encéphalopathie sans
anomalie focale. Sa fille avouait ne plus pouvoir continuer à prendre
soin de lui. Il était alors orienté vers une maison de
retraite.
Au moment de son admission en maison de retraite, Mr P présentait
des déficits profonds de la mémoire, manquait des
capacités cognitives pour participer aux prises de décision
quotidiennes, était dépendant pour toutes les activités
de la vie quotidienne et avait une incontinence urinaire et fécale. Il
ne pouvait reconnaître sa fille. Sa démence était
compliquée par une agitation et un comportement agressif. Il marchait
avec un déambulateur, mais chutait de façon
répétée. Son alimentation orale était insuffisante
et il refusait parfois de s'alimenter. Une évaluation au lit de patient
de sa déglutition révélait une dysphagie orale
légère. Un régime modifié mécanique, des
suppléments nutritionnels et une consultation dentaire pour un dentier
inadapté étaient recommandés. Néanmoins, son poids
passait en deux mois de 69 kg à 64 kg. Son indice de masse corporelle
était de 19,5.
En janvier 2007, Mr P était transféré dans une
unité spécialisée dans les soins de la démence en
raison de problèmes comportementaux. Après s'être
habitué au personnel et traité pour constipation, sa
consommation orale s'est améliorée. En mars 2007, Mr P tombait
et se cassait le fémur droit. Il était hospitalisé. Une
intervention chirurgicale réduisait et fixait la fracture. En revenant
à la maison de retraite, Mr P était revenu à son
état cognitif initial, mais refusait de s'alimenter ou de boire. Une
hydratation intraveineuse était mise en place pendant plusieurs jours,
bien que son apport alimentaire ne se soit pas amélioré et
éventuellement la perfusion intraveineuse était retirée.
Après consultation avec le médecin de Mr P, sa fille
décidait de ne pas recommencer un apport intraveineux et d'instaurer
une alimentation par sonde.
LA FILLE DE MR P: SON POINT DE VUE
En septembre, il était soudainement pris de convulsions. Il avait
été alors hospitalisé 4 semaines et était revenu
à la maison, mais, peu de temps après, il était
ré-hospitalisé. Rien n'était trouvé. Il ne voulait
pas s'alimenter et était dans un état terrible. On m'a
proposé de mettre une sonde d'alimentation à ce moment-là
car il ne voulait réellement pas s'alimenter. Mais, il me criait :
« Laisse-moi seul ! » Il poussait la table, il ne voulait pas
manger et lorsqu'il le pouvait, c'était par petites quantités.
Puis, il est allé en maison de retraite et là cela a
été—Je ne sais pas comment le dire, mais petit à
petit, il mangeait et buvait mieux. Mais s'il ne voulait pas, il poussait
simplement la nourriture. Je ne pouvais le forcer, je ne peux pas. Pour
certains, vous pouvez le faire, mais avec lui, il vous dit combien il vous
aime, mais qu'il ne le fait pas, parce qu'il ne veut pas.
Plus récemment, il prenait juste 1 ou 2 cuillères ou un peu
de jus, puis il poussait les aliments. Il demandait à boire et ils lui
donnaient, mais il repoussait la boisson et personne ne pouvait comprendre ce
qu'il faisait. Il avait une perfusion qu'il arrachait. "Père,
vous allez mourir," Je lui disais. "Je sais, mais je ne veux plus
vivre." Il disait, "Quelle vie terrible, je n'en veux pas."
Je parlais à mes proches en Russie, ils sont médecins et ils me
disaient, ne le fais pas. Tu ne le ferais pas pour toi-même, comme tout
un chacun. Il a 93 ans, et oh, il a eu la vie qu'il voulait. Pour moi, cela
aurait été si bien de venir le voir et de sentir encore que
j'avais quelqu'un qui pouvait me protéger.
LE MEDECIN DE MR P, DR O: SON POINT DE VUE
L'histoire médicale de Mr P représente le lot des personnes
âgées qui arrivent à la fin d'une longue maladie avec
démence. Il est venu pour la première fois dans ce centre en
octobre 2006 et était à un de nos étages pour les plus
fonctionnels. En janvier, il était transféré dans cette
unité, qui est plus une unité de soins palliatifs. Il s'est bien
adapté et tout allait progressivement mieux jusqu'à ce qu'il
tombe en mars et se fracture la hanche droite. Comme nous le voyons souvent,
vous pouvez traiter chaque "pièce" du patient, mais vous ne
pouvez compléter le puzzle. Sa hanche fixée, et
orthopédiquement un succès, il refusait de s'alimenter et de
boire.
Je pense que, pour les familles, il y a souvent l'inquiétude de
"Est-ce qu'ils souffriront plus en ne recevant pas de liquides par voie
intraveineuse ou une alimentation suffisante?" Et je pense qu'une partie
du travail des praticiens et des médecins de soins palliatifs est de
les aider à comprendre que cela ne signifie pas automatiquement qu'il y
aura plus de souffrances. Ceci est le cadeau que vous pouvez faire à
une famille, car il est incroyable de voir que des décennies plus tard,
les gens ont dans leur mémoire l'image de la fin de vie des personnes
qu'ils ont aimées.
RENCONTRES : QUESTIONS POUR LE DR MITCHELL
Quel est l'épidémiologie de la démence avancée?
Quelle est l'évolution clinique typique et les problèmes communs
présentés par les patients ayant une démence
avancée? De quels outils disposons-nous pour donner un pronostic sur
l'espérance de vie dans la démence avancée? Quel est le
rôle des maisons de long séjour pour les patients ayant une
démence avancée? Quel est le rôle de la
pharmacothérapie? Pourquoi les patients ayant une démence
avancée ont-ils des problèmes d'alimentation? Quels sont les
options thérapeutiques, le pour et le contre, ainsi que les fausses
idées communes pour chacune? Comment les praticiens peuvent aider
à prendre des décisions concernant l'alimentation? Que
recommandez-vous pour Mr P et sa fille? Quel sera le futur?
Epidémiologie
En 2000, on estimait à plus de 4.5 millions de personnes aux
Etats-Unis ayant une maladie d'Alzheimer. En 2050, ce nombre était
estimé devoir dépasser 13
millions.1 En 2003,
la maladie d'Alzheimer était la 5ème cause de
décès chez les américains de plus de 65
ans.2 Le taux annuel
de mortalité par maladie d'Alzheimer a augmenté de 24% entre
2001 et 2004, tandis que le taux de mortalité par cardiopathie, cancer,
et accidents vasculaires cérébraux diminuait au cours de la
même
période.3,4
Le coût de la prise en charge des personnes ayant une maladie
d'Alzheimer est supérieur à 150 milliards de dollars
annuellement aux Etats-Unis
seuls.5 Ces
statistiques sous-estiment probablement le poids clinique et sociétal
de la démence car elles ne prennent pas en compte les autres causes de
démence (vasculaire par exemple) et dérivent des données
des certificats de décès, qui, typiquement
sous-représentent la démence comme cause de
mortalité.6
Les meilleures estimations actuelles indiquent que la survie moyenne
après le début des symptômes de démence varie entre
3 et 6 ans, moins que les estimations
précédentes.7,8
Environ, 70% des personnes atteintes de démence meurent dans des
maisons de
retraite.9 En
conséquence, les maisons de retraite sont les fournisseurs majeurs de
soins terminaux pour ces patients.
Encadré. Recommandations pour déterminer le pronostic de
la démence pour bénéficier d'un centre long séjour
Medicare35
Pour être éligible dans un centre long séjour, les
patients doivent répondre deux des critères suivants:
Cotation fonctionnelle
(FAST)37: Le
patient doit être de stade 7c ou plus et montrer tous les traits des
stades 6a-7c.
Pathologies médicales: Les patients doivent avoir eu au moins une
des pathologies médicales listées au cours de l'année
précédente.
Cotation fonctionnelle (FAST)
Stade 1: Pas de difficultés objectives ou subjectives
Stade 2: Rapports subjectifs d'oubli
Stade 3: Diminution de la fonction au travail évidente pour les
collègues. Difficultés pour voyager vers d'autres
localisations
Stade 4: Diminution pour réaliser des tâches complexes
(planifier un dîner pour des hôtes, tenir les finances)
Stade 5: Nécessite une assistance pour choisir des vêtements
pour le jour, la saison ou l'occasion
Stade 6a: Ne peut s'habiller sans assistance occasionnellement ou plus
fréquemment
Stade 6b: Ne peut prendre de bain sans assistance occasionnellement ou plus
fréquemment
Stade 6c: Ne peut faire sa toilette sans assistance occasionnellement ou
plus fréquemment
Stade 6d: Incontinence urinaire occasionnellement ou fréquemment
Stade 6e: Incontinence fécale occasionnellement ou
fréquemment
Stade 7a: Limitation du langage à moins de 6 mots intelligibles au
cours d'un jour moyen
Stade 7b: Limitation du langage à un seul mot intelligible au cours
d'un jour moyen
Stade 7c: Incapable de marcher tout seul
Stade 7d: Cannot sit up independently
Stade 7e: Ne peut sourire
Stade 7f: Ne peut tenir sa tête sans assistance
Pathologies médicales
Pneumonie d'aspiration
Pyélonéphrite ou autre infection du tractus urinaire
supérieur
Septicémie
Ulcères de décubitus, multiple, stade 3-4
Fièvre récurrente après traitement par
antibiotiques
Problèmes d'alimentation tels que l'apport en liquide et aliments
est insuffisant pour vivre (ou, en cas de sonde gastrique, perte
pondérale >10% au cours des 6 mois précédents ou
albumine sérique <2.5 g/dl)
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Bien que la démence avancée corresponde clairement aux
standards reconnus des pathologies de fin de
vie,10
contrairement au cancer métastatique, elle n'est pas largement reconnue
comme maladie
terminale.11-16
A ce jour, peu de travaux de recherche se sont focalisés sur
l'expérience des personnes mourant avec une démence. Dans une
enquête de 1993, 70% des médecins et 60% des familles pensaient
que les soins de la démence avancée devaient se focaliser sur la
palliation.10
Néanmoins, les données suggèrent que ces patients ne
reçoivent pas de soins palliatifs
adaptés.11,15,16,18,19
Par rapport aux autres patients en phase terminale, ceux ayant une
démence ont un moins bon contrôle de la
douleur,18,19
laissent moins de consignes de fin de vie, 11 ont plus d'interventions
pénibles,11,12,14
et reçoivent moins de soins en long
séjour.15,16,20-22
Evolution typique
A moins qu'une autre maladie létale ne survienne, les patients
atteints de démence perdent progressivement leurs fonctions cognitives
et physiques et atteignent un stade avancé de la maladie.
L'échelle globale de détérioration est un système
de classification en stades largement utilisé allant de 1 (moins
sévère) à 7 (le plus
sévère).23
Le stade 7 est défini par des profonds déficits de la
mémoire, une dépendance fonctionnelle totale, aucune
connaissance des événements récents ou passés, peu
ou pas de communication verbale, et une capacité limitée
à déambuler. La durée de ce stade va de mois, comme dans
le cas de Mr P, à des années.
L'évolution de la démence avancée est
caractérisée par des "événements
sentinelles" qui requièrent une prise de décision en vue
de soins directs soit vers la palliation ou des mesures plus agressives. Ces
événements incluent les complications qui sont attendues dans la
démence en en phase terminale, en particulier les difficultés
d'alimentation et les infections
récurrentes,24
comme les infections urinaires de Mr P. La pneumonie est la cause
immédiate de décès dans plus de 50% des
cas.25,26
Les événements sentinelles dans la démence avancée
incluent aussi des affections aiguës communes chez les personnes
âgées frêles, comme, par exemple, la fracture de hanche de
Mr P.
Estimation du pronostic
Le pronostic dans la démence avancée est difficile et un
obstacle pour les soins de fin de
vie.15,27-32
Le pronostic aide souvent à guider la prise de décision en fin
de
vie33,34
et est utilisé pour déterminer l'éligibilité en
maison de long séjour, qui requiert une espérance de vie
estimée à moins de 6
mois.35
Néanmoins, de nombreux experts pensent que les patients atteints de
démence en phase terminale méritent des soins palliatifs de
haute qualité, indépendamment de l'espérance de
vie.30,31,36
L'éligibilité en maison de long séjour pour
démence se base largement sur l'échelle FAST (Functional
Assessment Staging) (Encadré). FAST comprend 7 stades
majeurs.37 Le stade
7 comprend 6 sous-stades: 7a=le langage est limité à 5 mots ou
moins; 7b=tout langage compréhensible est perdu; 7c=non ambulatoire;
7d=incapable de s'asseoir indépendamment; 7e=incapable de sourire; et
7f=incapable de tenir sa tête. Le stade 7c est actuellement
utilisé comme seuil pour être inclus dans une maison de long
séjour.35
Cette application de FAST a été critiquée car cet
outil ne prédit pas avec précision la survie à 6
mois30,31
et parce que le score demande que les patients avancent dans ces stades de
façon séquentielle, ce qui souvent ne se produit
pas.28,36
Dans une étude, les critères FAST ne pouvaient pas être
appliqués à 41% des patients car leur maladie n'avait pas
progressé dans une séquence ordonnée sur
l'échelle.28
Mr P, qui est resté ambulatoire tard dans l'évolution de sa
maladie, n'aurait pas été qualifié pour entrer en long
séjour sur la base de diagnostic principal de démence
jusqu'à sa fracture de hanche.
Peu de modèles validés ont été
développés pour prédire la survie dans la démence
avancée.27,30,31,38,39
Dans une étude qui avait développé et validé un
modèle, le MDS (Minimum Data Set) a été utilisé
pour créer un score de risque de mortalité à 6 mois chez
les résidents nouvellement admis dans une maison de retraite avec une
démence
avancée.30
Le MDS est un instrument standardisé d'évaluation des
résidents, et MDS a reçu mandat pour être utilisé
dans toutes les maisons de retraite ayant une licence aux Etats-Unis.40 Le
score de risque dérivé du MDS prédit une mortalité
à 6 mois avec une précision raisonnable (aire sous la courbe ROC
[AUROC], 0.71) et a une plus grande discrimination que le stade 7c FAST lors
d'une simulation avec les variables MDS (AUROC,
0.51).30
Rôle des longs séjours
Les soins en long séjour améliorent la fin de vie des
patients, y compris de ceux atteints de
démence.18,21,41,42
Certains des bénéfices démontrés des soins en long
séjour chez les résidents atteints de démence dans des
maisons de retraite incluent une probabilité plus faible
d'hospitalisation au cours des derniers 30 jours de la vie (long
séjour, 19%; pas de long séjour,
39%)21 et une
probabilité plus forte de traitement régulier de la douleur
quotidienne (long séjour, 44%; pas de long séjour,
27%).18 Une
enquête nationale auprès de 77 123 membres de familles de
patients qui recevaient des soins dans 796 maisons de long séjour, a
trouvé que 73% des répondeurs ayant eu une personne
décédée de démence (N=8686) avaient
évalué les services des maisons de long séjour comme
excellents, similaires à ceux rapportés pour le cancer (78%) et
autres maladies chroniques en phase terminale
(76%).43 Aussi, les
maisons de long séjour semblent gérer les problèmes
spécifiques de la démence en fin de vie (contrôle des
symptômes chez les personnes ayant une atteinte cognitive) avec un taux
de succès raisonnable.
Bien que les maisons de long séjour soient bénéfiques
aux personnes ayant une démence avancée, la plupart ne
reçoivent pas ces services. Sachs et
al15 ont
estimé qu'une personne sur 10 décédant avec une
démence recevait des soins de long séjour. En 2005, seuls 10% de
tous les patients en long séjour à l'échelle de la nation
avaient un diagnostic principal de démence par rapport à 46%
atteints de
cancer.44 Les
obstacles à l'inclusion en long séjour incluent de porter un
pronostic
précis,15,27-32
l'absence de reconnaissance de la démence en tant que maladie
terminale,11-16
et l'accessibilité des services de long séjours dans les maisons
de retraite (ou
médicalisées).18,21,22
Les soignants dans les unités de long séjour citent le pronostic
comme l'obstacle le plus
difficile.29,32
En dépit de l'amélioration des modèles pour estimer la
survie dans la démence, 30 ces outils sont imparfaits et leur
application pratique pour déterminer l'éligibilité en
long séjour reste
problématique.30,45
En conséquence, aussi longtemps que les unités de long
séjour demanderont une forte probabilité de mortalité au
cours des 6 mois à venir, ce critère continuera à
prévenir l'administration de services de long séjour aux
patients atteints de démence.
Pharmacothérapie de la démence évoluée
L'utilisation d'agents pharmaceutiques dans la démence
avancée a besoin d'être guidée par des objectifs de soins.
Les inhibiteurs de la cholinestérase (donépezil, rivastigmine)
peuvent procurer des réductions de la vitesse du déclin
symptomatique et fonctionnel chez certains patients ayant une maladie
d'Alzheimer légère à
modérée.46
Des bénéfices similaire sont été
démontrés avec la mémantine (un antagoniste du
récepteur de la N-méthyl-D-aspartate) dans la maladie
d'Alzheimer modérée à sévère (Echelle
globale de détérioration stade
6).46,47
Les médicaments n'ont pas été testés dans la
maladie très avancée (Stade 7 GDS) et ont des effets
indésirables (nausées, anorexie). Aussi, il existe peu de
rationnel pour administrer ces agents pharmacologiques dans le stade final
d'une démence qui a des déficits profonds cognitifs et
fonctionnels et approche de la fin de la vie.
On considère que la pharmacothérapie contrôle parfois
les perturbations comportementales dans la démence avancée.
Cependant, il existe de plus en plus de preuves suggérant que les
traitements antipsychotiques ne sont pas efficaces dans cette
situation48 et
peuvent être associés à une mortalité plus
élevée.49
Aussi, les interventions non pharmacologiques sont l'approche
préférée de la prise en charge comportementale de la
démence évoluée.
Un des rôles primaires de la pharmacothérapie dans la
démence avancée est d'aider à promouvoir le confort. A
ces fins, il est raisonnable de prescrire des médicaments qui peuvent
être administrés sûrement et confortablement avec pour
objectif de soulager la douleur (analgésiques), dyspnée et
autres symptômes
pénibles.24
Problèmes d'alimentation dans la démence évoluée
Les problèmes d'alimentation sont la marque de la démence en
phase terminale24
car la capacité de s'alimenter de façon indépendante est
généralement la dernière activité de la vie
quotidienne à être perdue avant le
décès.50
Toutefois, les patients ayant une démence avancée peuvent vivre
pendant relativement longtemps en dépit d'un apport alimentaire oral
faible.51 Une
théorie postule que les patients avec démence avancée ont
une altération de leur statut homéostasique,
caractérisée par une réduction du taux métabolique
et des besoins caloriques plus
bas.52
Il existe plusieurs causes de problèmes alimentaires dans la
démence
avancée.24,53
De nombreux patients développent une dysphagie orale, se manifestant
par une mastication absente ou continue avec une tendance à accumuler
ou à cracher les aliments. Une dysphagie pharyngée est aussi
fréquente, avec un retard à l'initiation de la
déglutition, de multiples déglutitions, et une aspiration qui
souvent conduit à une pneumonie. Certains patients avec démence
avancée perdent la capacité de s'alimenter ou
d'interpréter la sensation de faim, tandis que d'autres, comme Mr P,
peuvent simplement refuser de manger. Une dépression peut aussi
être à l'origine du désintérêt pour la
nourriture et la consommation alimentaire peut s'améliorer avec un
traitement
antidépresseur.54
Au début des problèmes alimentaires, les problèmes
médicaux aigus (infection, AVC, effets indésirables des
traitements) doivent être exclus. Les causes facilement
réversibles doivent être prises en compte avec les objectifs de
soins du patient, comme il a été fait avec Mr P en fixant son
dentier, traitant sa constipation, et modifiant la composition de son
alimentation. Des mesures conservatoires peuvent améliorer la
consommation orale, comme offrir de la nourriture en bâtonnets, des
portions plus petites, les aliments favoris, ou des suppléments
nutritionnels.24
Une évaluation de la déglutition au lit du patient peut aider
à identifier la consistance des aliments mieux avalés et les
positions qui réduisent le risque
d'aspiration.55
Options thérapeutiques
En dépit des efforts mentionnés plus haut, la plupart des
patients atteints de démence en phase terminale continueront à
avoir des problèmes d'alimentation, ce qui laisse essentiellement deux
options: continuer à alimenter par voie orale ou mettre en place une
sonde de gastrostomie percutanée sous endoscopie).
L'objectif principal de l'alimentation orale est d'apporter des aliments et
des boissons pour contenter le patient. Cette option se focalise sur le
confort plutôt que sur la prolongation de la vie. Aider à
alimenter quelqu'un est un travail intense. Environ 45 à 90 minutes par
jour sont nécessaires pour alimenter par voie orale et pour donner les
médicaments aux patients ayant une démence
avancée56
aussi, les ressources insuffisantes en personnel sont un obstacle à ce
type
d'alimentation.57
Même en faisant des efforts extrêmes, la consommation d'aliments
manque souvent de constance et continue à décliner. Toutefois,
dans la décision de continuer une alimentation orale, l'objectif
d'apporter les calories quotidiennes prescrites est abandonnée de
façon inhérente au profit de la palliation.
L'alimentation du patient par voie orale offre plusieurs avantages. Cette
approche permet aux patients de maintenir le plaisir de goûter aux
aliments, aussi longtemps qu'il est confortable pour eux de le faire. La
participation à l'alimentation orale est aussi une opportunité
pour la famille de prendre soin des gens qu'ils aiment et pour les soignants
d'interagir avec leur patient. Les membres de la famille doivent être
rassurés que la décision d'alimenter le patient oralement
n'implique pas l'interruption des soins médicaux. La palliation inclut
un ensemble de traitements qui doit être expliqué à la
famille. Par ailleurs, les familles peuvent choisir pour une alimentation
orale en même temps que de choisir des traitements potentiellement
curatifs pour d'autres problèmes s'il existe une pertinence avec les
objectifs de soins, comme les antibiotiques pour des infections ou une
réparation chirurgicale d'une fracture de hanche comme dans le cas de
Mr P.
La mise en place d'une sonde d'alimentation est une autre approche des
problèmes alimentaires de la démence évoluée.
Environ un tiers des résidents américains en maison de retraite
atteints d'une démence avancée sont alimentés par
sonde,58 avec une
variation d'un facteur 10 de la prévalence dans les 50
états.59 Les
caractéristiques du patient associées de façon
consistante avec une probabilité plus élevée d'être
alimenté par sonde incluent un âge plus
jeune,58,60-62
la race non
blanche,13,58,61,62
et l'absence de consignes pour la fin de
vie.13,58,60-62
Les raisons les plus souvent citées en faveur de l'alimentation par
sonde dans la démence avancée incluent la prolongation de la
vie, l'amélioration de la nutrition, la prévention de
l'aspiration et le
confort.63,64
Deux revues sentinelles détaillent le manque de preuves en faveur de
ces supposés
bénéfices.65,66
Toutefois, un essai randomisé et comparatif sur l'alimentation par
sonde dans la démence avancée n'a pas été à
ce jour conduit et serait difficile de justifier éthiquement. En
conséquence, il est impossible de savoir définitivement les
résultats de cette intervention.
Des données de très grande qualité dérivent
d'études descriptives mais limitées par des biais de
sélection.13,60,67-71
En reconnaissant ces limites, des observations importantes ont
émergé de ce travail initial.
Les meilleures études disponibles de cohorte suggèrent que
l'alimentation par sonde ne prolonge pas la survie dans la démence
avancée.13,60
Il n'a pas été non plus démontré que
l'alimentation par sonde améliorait l'état nutritionnel ou les
conséquences cliniques de la malnutrition, comme les
escarres.70,71
Bien que ces résultats puissent sembler aller contre le sens commun,
comme pour d'autres maladies en phase terminale, comme le cancer terminal ou
le sida, les personnes ayant une démence avancée peuvent
simplement être trop débilitées pour tirer un
bénéfice démontrable sur la survie ou la nutrition de
l'alimentation par sonde. D'un autre côté, les complications de
l'alimentation par sonde peuvent en fait promouvoir le déclin (troubles
électrolytiques, utilisation de contraintes physiques,
diarrhée).67,68,71
La prévention de l'aspiration est un autre objectif souvent ressenti
de l'alimentation par sonde. Toutefois, l'alimentation par sonde ne
prévient pas l'aspiration des sécrétions orales ou de la
régurgitation gastrique. Ainsi, les données d'études non
randomisées ont constamment indiqué que l'alimentation par sonde
des patients ayant une démence sévère qui aspirant ne
préviendra par une
aspiration.67-69
Les membres des familles expriment souvent une inquiétude sur le
fait que leur proches ayant une démence en phase terminale souffrent de
faim ou de
soif.63,64
On ne sait pas jusqu'à quel degré ces sensations sont ressenties
dans la démence avancée. Une étude n'a pas trouvé
d'augmentation mesurable de la gêne faisant suite à la
décision de suspendre l'alimentation artificielle ou
l'hydratation.72
Les patients mourant de cancer ayant un apport oral minime rapportent qu'ils
ne sentent pas la faim ou la soif au-delà de ce que l'on peut soulager
avec des cotons ou des morceaux de
glace.73
L'alimentation par sonde est associée à des risques qui
doivent être prise en
considération.67,68,71
Jusqu'à un tiers des patients âgés alimentés par
sonde ont des effets transitoires gastro-intestinaux (vomissement,
diarrhée).71
Les problèmes mécaniques graves comme les perforations
intestinales sont rares (<1%). Toutefois, le délogement du tube, son
blocage et les fuites sont communs (4%-11%) et souvent nécessitent un
transfert vers une unité de soins
aigus.71,74
Les patients déments agités peuvent avoir besoin d'être
contraints physiquement ou chimiquement pour prévenir le
déplacement de la sonde, et il a été montré que
l'alimentation par sonde était associé à une utilisation
plus importante des
contraintes.68
L'alimentation par sonde est aussi indépendamment associée
à une moins grande satisfaction de la famille en ce qui concerne les
soins en fin de vie chez les résidents des maisons de retraite ayant
une démence
avancée.75
En résumé, les meilleures preuves dont nous disposons ne
montrent pas un bénéfice sur la santé de l'alimentation
par sonde dans la démence avancée. De plus, des risques sont
associés à cette intervention. Compte tenu que les
problèmes d'alimentation surviennent à un stade terminal de
cette maladie, l'opinion des experts est que l'alimentation orale avec
assistance doit être l'approche par défaut et que l'alimentation
par sonde ne doit pas être
proposée.65,66
Processus de prise de décision et d'assistance
La prise de décision dans les problèmes d'alimentation est
parmi les plus difficiles sur le plan clinique lors de l'évolution de
la démence. La décision est un problème car elle est
émotionnelle, chargée de valeur, dépendante sur une prise
de décision substitutive, se basant sur des données
limitées, et influencée par de nombreux facteurs externes. Face
à ces challenges, les praticiens doivent être
préparés à apporter une assistance à la
décision qui soit efficace et compassionnelle.
La planification des soins à un stade avancé joue un
rôle critique dans les décisions d'alimentation. L'absence de
consignes pour la fin de vie est un facteur de risque consistant
associé à l'insertion d'une sonde
d'alimentation.13,58,60-62
Les praticiens ont l'opportunité de préparer les patients ayant
une maladie au stade précoce et leurs familles sur ce qu'ils doivent
attendre aux stades avancés de la démence, y compris les
problèmes alimentaires. Idéalement, ces discussions
préparatoires fournissent le contexte pour une planification plus large
des soins terminaux et un échafaudage pour des discussions futures.
Les décisions portant sur l'alimentation doivent suivre un contexte
éthique reflétant un équilibre entre les avantages et le
fardeau et le respect de
l'autonomie.65,76
Les étapes suivantes offrent une approche générale pour
les praticiens afin d'opérationnaliser ce contexte
(TABLEAU)84
: (1) clarifier la situation clinique; (2) établir l'objectif primaire
de soins; (3) présenter les options thérapeutiques, leurs
risques et bénéfices; (4) peser les options contres les valeurs
et préférences; et (5) donner une assistance
supplémentaire et continue à la décision.
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Tableau.. Etapes dans le processus de décision pour problèmes
d'alimentation dans la démence avancéea
aAdapté de faire des choix: Mise en place d'une sonde
alimentaire à long terme chez les patients âgés : un livre
et une bande audio pour les preneurs de
décision.84
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La clarification de la situation clinique implique une explication des
problèmes d'alimentation dans le contexte de l'histoire naturelle de la
démence en phase terminale et de tout état pathologique aigu,
comme dans la fracture récente de hanche de Mr P. Les patients et les
substituts qui l'entourent ont plus de probabilité de choisir des soins
dirigés pour le confort s'ils comprennent que la fin de la vie peut
être
proche.33,34
Une étude récente a utilisé une vidéo pour
dépeindre visuellement un patient réel atteint de démence
avancée.77
Les participants avaient significativement moins de probabilité de
choisir des soins intensifs dans le cas où ils développeraient
une démence avancée après la vidéo qu'avant
celle-ci. Une étude hollandaise ethnographique a souligné que la
compréhension de la situation clinique présente était un
des facteurs les plus importants influençant les décisions de
suspendre l'alimentation artificielle et l'hydratation des patients ayant une
démence
évoluée.78
Le counseling pour les problèmes alimentaires dans la démence
avancée demande la compréhension de l'objectif primaire des
soins et où viennent s'accorder les options thérapeutiques dans
cet objectif. Un cadre de travail donne la priorité aux objectifs de
traitement dans les catégories suivantes: prolongation de la vie, le
maintien de la fonction, et optimisation du
confort.79 La
prolongation de la vie donne la priorité à la survie même
aux dépends de traitement potentiellement pénibles.
L'optimisation du confort donne un avantage à la palliation, avec la
volonté de renoncer à des interventions inconfortables
même si elles peuvent prolonger la survie. Le maintien de la fonction,
qui se situe entre ces deux extrêmes, peut inclure des traitements
à faible risque, peu invasifs et potentiellement curatifs
(antibiotiques par voie parentérale, liquides intraveineux).
Pour promouvoir une prise de décision éclairée, les
praticiens se doivent d'être informés des risques et
bénéfices potentiels de l'alimentation orale assistée par
rapport à l'alimentation par sonde de même que sur les limites
des données. Il est inquiétant de voir, dans une enquête
de 2001 sur 195 médecins de soins primaires (50.8% d'internistes
généraux, 49.2% de médecins de famille), que la
majorité pensait que l'alimentation par sonde dans la démence
avancée diminuait la pneumonie par aspiration (76%), prolongeait la
survie (61%), et améliorait la nutrition (93.7%),
révélant une discorde avec la littérature
publiée.80 Des travaux ultérieurs ont apporté de l'eau au
moulin en montrant que les hautes espérances des personnes de
l'entourage sur l'alimentation orale peuvent être en partie
basées sur une information
défaillante.81
Les personnes de l'entourage ont besoin d'être informées que
les décisions devraient être basées sur leurs perceptions
des désirs du patient et guidées par les principes
éthiques de prise de décision: (1) prise en compte de consignes
en cas d'état avancé; (2) jugement à la place de
quelqu'un; et (3) pondérer ce qui est dans les meilleurs
intérêts du
patient.82 La fille
de Mr P a pris une décision à la place de son père
pensant que celui-ci ne voudrait pas être alimenté par sonde,
comme le reflète la phrase qu'elle répétait, "Il ne
le veut pas." Dans une enquête, 48% des parents ou proches en
faveur de l'alimentation par sonde des patients atteints de démence
n'étaient pas certains que les patients auraient choisi ce type de
traitement.63
Enfin, les praticiens doivent conseiller les patients au regard des
nombreux facteurs externes influençant la décision d'alimenter
dans la démence avancée, comme le montre l'utilisation variable
des sondes d'alimentation selon les
établissements,58,61
les
états,59,62
et les
pays.63,83,89
Les facteurs externes qui induisent ces différences incluent les
règlements
régionaux,90
les caractéristiques des
établissements,58,62
la politique fiscale et
régulatrice,56,58,91,92
et les attitudes sociétales vis-à-vis du décès et
du processus de la
mort.83 Environ, 20
états des Etats-Unis ont des standards statutaires plus stricts pour ne
pas appliquer la nutrition artificielle et
l'hydratation.90 Au
niveau des établissements, les maisons de retraites dans de nombreux
états reçoivent un remboursement pour l'alimentation par sonde
par rapport aux patients alimentés par voie orale assistée,
tandis que dans le même temps, ce dernier type d'alimentation demande
des ressources considérables en personnel, ce qui représente une
incitation fiscale potentielle pour l'alimentation par
sonde.56,91
De plus, les indicateurs de qualité des maisons de retraite sont
maintenant ouverts au
public92 incluent
« perte de poids ». Aussi, les établissements peuvent se
sentir obligés de proposer une alimentation par sonde pour
éviter d'être pénalisés, même lorsque la
perte de poids survient lors du processus de mort.
D'autres stratégies pour améliorer les décisions
d'alimenter dans la démence avancée sont disponibles. Une
intervention à cycle rapide pour améliorer la qualité a
réduit le nombre de sondes d'alimentation placées chez les
patients déments
hospitalisés.93
Les outils d'assistance à la décision sous la forme de livret
audio84,85
et vidéos77
ont permis de diminuer le conflit décisionnel au sein de l'entourage.
Des matériels conçus pour les proches sont
disponibles,86 et
les recommandations concernant la nutrition artificielle et l'hydratation ont
été développés par des sociétés
professionnelles (American Geriatrics
Society,87 American
Academy of Hospice and Palliative Medicine88). Les membres de l'équipe
interdisciplinaire (infirmières, travailleurs sociaux et clergé)
constituent tous d'autres ressources pour les familles, et les rencontres de
l'équipe peuvent être utiles pour essayer de prendre des
décisions communes. A de rares occasions, une consultation par un
comité d'éthique peut être indiquée pour
résoudre un conflit entre ceux qui prennent les décisions.
RECOMMENDATIONS POUR MR P ET SA FILLE
La fille de Mr P a pris la difficile décision de ne pas poursuivre
l'alimentation artificielle et l'hydratation de son père. Selon moi,
ceci était une décision appropriée, basée sur les
circonstances cliniques, la perception des souhaits de son père, et les
preuves disponibles. En conséquence, à ce point, l'objectif des
soins est la palliation. Pour Mr P, ceci implique des approches standards pour
améliorer le confort physique (amélioration de la
dyspnée, contrôle de la douleur). L'évaluation de la
douleur est difficile dans la démence avancée. Toutefois, des
outils spécifiques par maladie pour évaluer la douleur et la
gêne dans cette pathologie ont été
développés et
validés.94-96
En cas de disponibilité dans l'établissement de Mr P, une
consultation par une équipe spécialisée dans les soins
palliatifs ou une orientation vers un centre de long séjour valent
d'être recherchées. Le centre de long séjour ne
bénéficierait pas seulement à Mr P mais apporterait aussi
un soutien à sa fille. Les membres de la famille ont du chagrin
à la fois avant et après la mort de la personne chérie
atteinte de
démence.97
Peu de maisons de retraite offrent une assistance à la peine et au
sentiment de
perte,97 alors que
ces services sont des éléments standards de soins de long
séjour.97,98
Que réserve le futur?
Le futur des soins de la démence évoluée repose dans
des initiatives combinées, de recherche clinique, éducationnelle
et politique destinés à augmenter la reconnaissance de la
démence comme affection terminale et à déterminer la
meilleure façon de procurer des soins palliatifs de grande
qualité au nombre croissant de personnes décédant de
cette pathologie. Des programmes approfondis de soins palliatifs sont à
tout prix nécessaires dans les maisons de retraite où la
majorité de ces patients
décèdent.99
Des recherches sont en cours pour mieux décrire l'histoire naturelle,
les sources qui font du patient un fardeau et l'expérience de la
famille dans la démence
avancée.99
Une évaluation rigoureuse des interventions ciblées
destinées à améliorer la fin de la vie est la prochaine
étape critique. Alors que le nombre de spécialistes
certifiés par le « board » à la fois en
gériatrie et en soins palliatifs est en augmentation, des
stratégies éducationnelles sont aussi nécessaires pour
améliorer la connaissance et les capacités de counseling de
médecins de soins primaires, des hospitaliers et des médecins
qui mettent en place les sondes d'alimentation (chirurgiens,
gastro-entérologues). Toutefois, ces efforts seront d'un
bénéfice limité sans la mise en place de politiques
rationnelles de soins. Pour cela, les nouvelles politiques doivent
élargir l'éligibilité des maisons de long séjour
pour les patients atteints de démence avancée et pour promouvoir
des incitations fiscales (remboursement pour l'alimentation orale
assistée) et de régulation (indicateurs de qualité des
soins palliatifs) pour les maisons de retraite qui répondent le mieux
aux besoins des patients à la fin de la vie.
QUESTIONS ET DISCUSSION
QUESTION : Selon votre expérience ou celle d'autres, existe-t-il
d'autres exemples de patients alimentés par sonde qui
s'améliorent au point que l'alimentation par sonde puisse être
suspendue?
DR MITCHELL : Dans les situations où il existe une cause
réversible au problème alimentaire, comme un AVC, les patients
âgés peuvent s'améliorer au point de retrouver leur
capacité à s'alimenter indépendamment, la sonde peut
alors être
retirée.71,81
Toutefois, dans la démence avancée, l'étiologie du
problème alimentaire n'est actuellement pas réversible, aussi
dans mon expérience, il est très rare de suspendre
l'alimentation par sonde si le patient peut s'alimenter par voie orale. Le
plus souvent, l'alimentation par sonde dans la démence avancée
est interrompue car le patient refuse toute autre intervention et les
objectifs de soins sont alors dirigés vers la palliation.
QUESTION : Je me demande si vous pouvez réfléchir un moment
sur ce que je considère être un échec majeur de la
médecine aux Etats-Unis. Une des choses que nous sommes
supposées faire en tant que médecins est d'offrir des options.
Mais avec tout ce que nous savons de cette situation, pourquoi
présenterions-nous une alimentation par sonde comme une option pour un
patient comme Mr P?
DR MITCHELL : Dans ma pratique personnelle, je n'introduis jamais l'option
de l'alimentation par sonde pour un patient ayant une démence
avancée, à moins que les proches ne soulèvent cette
question comme une possibilité. Cependant, une fois cette option
soulevée, les médecins doivent être préparés
à conseiller la famille par un processus de prise de décision. A
une plus grande échelle, il existe plusieurs raisons pour lesquelles
l'alimentation par sonde demeure une option qui est communément
proposée aux patients déments en phase terminale dans le
système de soins des Etats-Unis. Ces raisons incluent la forte
signification symbolique de l'alimentation, une emphase sur l'autonomie
personnelle dans la prise de décision médicale, la grande
disponibilité de la technologie médicale, la
discontinuité des contextes de soins, la peur des procès, et les
politiques de santé qui peuvent faciliter les traitements curatifs par
rapport aux soins
palliatifs.101 Il
est à noter que l'alimentation par sonde dans la démence
avancée est moins fréquente dans d'autres pays
développés (comme le
Canada),63,83,89
où différent systèmes de santé et d'attitudes
culturelles vis-à-vis de la mort peuvent aider à avoir une
volonté plus grande à renoncer à certaines interventions
à la fin de la vie.
QUESTION : Vous utilisez le mot "culture" pour
déterminer certaines différences dans l'utilisation de
l'alimentation par sonde, mais je me demande à quel niveau les
différences socio-économiques jouent un rôle dans la prise
de décision? A-t-on étudié cela?
DR MITCHELL : Les facteurs socio-économiques semblent jouer un
rôle dans la pratique de l'alimentation par sonde au niveau de
l'établissement.58
Les maisons de retraite qui prennent soin d'un pourcentage comparativement
plus élevé de lits Medicaid (pour les gens ayant peu de
ressources) ont des taux plus élevé d'alimentation par sonde
dans la démence avancée. En même temps, les
établissements ayant plus de lits Medicaid prennent aussi soin d'une
proportion relativement plus large de patients
afro-américains.58
Les afro-américains représentent un fort risque
indépendant d'alimentation par sonde dans la démence
avancée à la fois individuellement et au niveau des
établissements.13,58,61,62
Aussi, il semble qu'il existe une certaine interaction entre les ressources
économiques, culturelles et l'alimentation par sonde au sein des
maisons de retraite. Il n'existe pas de données disponibles
suggérant que les facteurs socio-économiques sont
déterminants dans les prises de décision d'alimenter dans la
démence avancée à un niveau individuel.
Informations sur les auteurs
Correspondance : Susan L. Mitchell, MD, MPH, Hebrew Rehabilitation
Center, 1200 Centre St, Boston, MA 02131
(smitchell{at}hrca.harvard.edu).
Cette conférence a eu lieu durant les Medicine Grand Rounds
du Beth Israel Deaconess Medical Center, Boston, Massachusetts, le 24 mai
2007.
Rencontres cliniques du Beth Israel Deaconess Medical Center est produit et
édité par Risa B. Burns, MD, Eileen E. Reynolds, MD, et Amy N.
Ship, MD. Tom Delbanco, MD, est le rédacteur en chef de la
série.
Rédacteur en chef de Rencontres Cliniques : Margaret A.
Winker, MD, Rédactrice en chef adjointe.
Liens financiers : Aucun déclaré.
Financement/Soutien : Rencontres cliniques a été rendu
possible en partie par une bourse d'un donneur anonyme.
Rôle du sponsor : L'organisation ayant financé n'a pas
participé à la préparation, la revue ou l'approbation du
manuscrit.
Autres contributions : Nous remercions le patient et sa fille pour
avoir partagé leur histoire.
Affiliation de l'auteur : Le Dr Mitchell est Professeur
associé de Médecine, Harvard Medical School and Department of
Medicine, Beth Israel Deaconess Medical Center, et Senior Scientist, Hebrew
Senior Life Institute for Aging Research, Boston, Massachusetts.
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ARTICLE EN RAPPORT
Cette semaine dans le JAMA
JAMA. 2007;298:2451.
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