|
|
Troubles liés à la consommation de substances psycho-actives et gestion clinique des lésions cérébrales dorigine traumatiques et stress post-traumatique
John D. Corrigan, PhD;
Thomas B. Cole, MD, MPH
JAMA. 2008;300(6):720-721
Les troubles lies à la consommation de substances pschycoactives, les lésions cérébrales dorigine traumatique et les troubles de stress post-traumatiques (PTSD en américain), sont communs aux populations civiles et militaires, et se produisent souvent ensemble. Une proportion substantielle de personnel militaire emploie lalcool improprement. Une étude des forces armées Britanniques1 a rapporté que 67% des hommes et 49% des femmes avaient des scores de 8 ou plus, ce qui était défini comme une consommation dalcool dangereuse selon le Test dIdentification des Troubles Liés à la Consommation dAlcool, comparé aux 38% dhommes et 16% de femmes dans la population générale. Sur un ensemble de la population constitué de soldats américains de retour de service en Irak, 2 11,8% ont rapporté avoir eu une consommation dalcool dangereuse dans un test de dépistage à 2 éléments dalcool. Un service militaire récent est aussi associé au TBI, PTSD, et à la dépression. Dans une enquête de 2008, 3 19,5% du personnel des services de lArmée américaine de retour de service en Afghanistan et en Irak ont rapporté avoir expérimenté un probable TBI, 18,5% ont rempli les critères de PTSD ou de dépression, et 7,3% ont à la fois rapporté un possible TBI et ont répondu aux critères de PTSD et de dépression. En comparaison, la fréquence de la durée de vie de PTSD estimé pour la population américaine en général est de 7,8%, et ces 51,9% dhommes et 27,9% de femmes ont une fréquence de durée de vie de PTSD et dabus dalcool à la fois ou de dépendance. 4
Les troubles liés à la consommation de substances psycho-actives, le TBI et le PTSD peuvent survenir ensemble pour diverses raisons. La consommation dalcool, par exemple, peut être une cause ou une conséquence de TBI. Des études ont démontré que selon le cadre étudié, 18% à 66% des patients avec un TBI ont un passé de consommation dalcool, 5 et un tiers à une moitié des personnes avec un TBI sont alcoolisés au moment de leur lésion. 6 Ceci nest guère surprenant, lorsque lon considère que la consommation dalcool est un facteur de risque reconnu dans les lésions suite à des accidents de la route, des chutes et des actes de violence, tous étant des causes importantes de TBI. Une consommation dalcool dangereuse peut aussi persister après un TBI. Une étude australienne récente5 a rapporté que la consommation dalcool dangereuse baissait initialement après lépisode de TBI et augmentait ensuite jusquà 2 ans post-lésionnels pour 25,4% du groupe.
Les lésions cérébrales traumatiques ont été rapportées comme étant associées au PTSD, 7 et le PTSD peut être associé aux troubles liés à la consommation de substances psycho-actives par association indirecte avec le TBI. Selon un modèle de développement de PTSD, les facteurs-clés peuvent tous conduire aux problèmes liés à la consommation de substances psycho-actives. 8 Dans ce modèle, laltération prédisposante neurobiologique est une hyperactivité du système déveil – une réaction rapide, extrême et prolongée aux facteurs de stress. Lhyperactivité conduit à une préoccupation mal adaptée avec des signes de menace ou de détresse interne nommés hypervigilance. Ce qui à son tour conduit à un évitement des gens, des lieux, des pensées, et des sentiments associés à la menace ou la détresse, ce qui à son tour conduit à un engourdissement émotionnel et un détachement social. Une incapacité à procéder et à intégrer les souvenirs du traumatisme conduit à ré-expérimenter des associations désagréables. Chacun des ces traits, selon ce modèle, peut conduire à des problèmes de consommation de substances, par le biais de lautomédication avec prise dalcool ou dautres médicaments dans le but de soulager lanxiété, augmenter la vivacité, éviter les souvenirs traumatisants, augmenter lengourdissement émotionnel et le détachement social, ou recouvrer la capacité de ressentir du plaisir ou dexpérimenter des relations avec dautres gens.
Les déficits neurologiques associés au TBI peuvent expliquer la sensibilité des individus avec des lésions cérébrales au PTSD et aux troubles de la consommation de substances. Bien que la magnitude, le type, et le point dimpact de la force externe affectera la localisation et létendue des dégâts, les zones frontales du cerveau sont les plus vulnérables dans des circonstances de lésion typique comme les accidents et les attaques qui créent des forces daccélération/décélération. En conséquence, l « empreinte » du TBI est une ecchymose aux lobes frontaux et aux pointes antérieures des lobes temporaux, aussi bien que des fentes et des déchirures de la gaine des axones et des paquets de neurones connectés aux lobes frontaux.9 Les lobes frontaux du cerveau humain contrôlent les fonctions essentielles du comportement social, particulièrement la capacité dinhiber les émotions, le comportement de mettre au point un plan daction, et gérer des pensées. Le trouble de stress post-traumatique peut aussi être associé au TBI parce que les fonctions du cortex médian préfrontal sont intégrales dans lapprentissage de linhibition des réactions de peur associées au PTSD.10
Les troubles cognitifs caractéristiques associés au TBI comportent une vitesse de traitement ralentie, une difficulté dans lexécution de tâches multiples, et une endurance cognitive réduite. 9 Les patients avec des lésions cérébrales plus sérieuses peuvent avoir des difficultés avec des composants plus complexes de fonctionnement exécutif, comme le choix dun but, une planification, et une correction derreurs. Des tâches cognitives autrefois routinières peuvent nécessiter un effort plus grand ou sembler même écrasantes. La frustration avec les dommages cognitifs combinés à une régulation de lhumeur détériorée peut conduire à la dépression, ce qui a pu être observé chez 25 à 50% des patients avec un TBI.9
Les buts de la thérapie des troubles de la consommation de substances psycho-actives et du PTSD peuvent être considérés comme complémentaires. Améliorer la capacité des patients à remplacer des comportements impulsifs par des décisions réfléchies basées sur la réalité est juste aussi critique pour gérer les envies très fortes pour des substances et les motifs de comportement qui supportent la dépendance de même que faire face aux souvenirs du PTSD traumatiques importuns.8 Néanmoins, selon une méta-analyse de 26 études de psychothérapie pour PTSD,11 16 des études (62%) excluaient les patients ayant des troubles de la consommation de substances. En conséquence, la généralisation des traitements des PTSD des patients faisant un abus de substances coexistantes est incertaine. Une autre preuve suggère que la thérapie pour les troubles de la consommation de substances psychoactives et le PTSD peut améliorer à la fois les symptômes de PTSD et la consommation de substances. Un essai contrôlé de patients avec une dépendance concomitante à lalcool et un PTSD a trouvé que les patients qui avaient une amélioration des symptômes dhyperactivité du système déveil buvaient de lalcool moins souvent et consommaient moins de boissons les jours où ils buvaient.12
Les symptômes de TBI présentent des défis additionnels au traitement réussi dun PTSD concomitant. Un traitement standard pour le PTSD consiste en une thérapie comportementale cognitive, une technique pour aider les patients à affronter les souvenirs de traumatisme ou des répliques, à développer des compétences pour gérer lanxiété, et à défier des connaissances déformées.11 Habituellement, la thérapie cognitive comportementaliste est hautement structurée, ce qui représente un avantage thérapeutique pour les patients avec un TBI.13 Néanmoins, il se peut que des aménagements soient réalisés pour de tels patients qui ont une vitesse dexécution ralentie, une endurance cognitive réduite, et qui ont des difficultés à établir des plans et à corriger des erreurs. 13 Un examen systématique récent13 a identifié 3 essais contrôlés randomisés de traitements psychologiques de lanxiété chez des patients avec un TBI et ont jugé 2 dentre eux comme étant dune qualité méthodologique suffisante pour permettre une interprétation. Le premier essai a trouvé un bénéfice de la thérapie comportementaliste cognitive, qui comportait une exposition imagée aux souvenirs traumatiques, une restructuration cognitive, et une exposition graduelle à la situation évitée. Le second essai a trouvé un bénéfice dans une intervention qui combinait la thérapie comportementale cognitive à la neuro-réadaptation, définie comme une médiation nouvelle de lattention, un traitement de linformation, des difficultés de mémoire et une aide avec organisation et compétences à résoudre des problèmes. Le troisième essai avait mis en péril la qualité méthodologique, réfléchie des problèmes communs à des études dans ce domaine.
La gestion clinique des patients avec un TBI et des troubles de la consommation de substances psycho-actives concomitants peut aussi nécessiter des approches innovantes pour atteindre des objectifs de traitement. Un essai dinterventions pour promouvoir le maintien dans le traitement de labus de substances chez les patients avec un TBI simultané a trouvé que les motivations financières pour les participants à létude ont amélioré la présence aux rendez-vous pendant le premier mois de traitement.14 De plus, une meilleure présence était associée à une alliance thérapeutique plus grande perçue à la fois par le patient et le thérapeute. Limpulsivité et une orientation vers un renforcement immédiat avec une moindre considération pour les conséquences à long terme peut être caractéristique de troubles liés à la consommation de substances psycho-actives aussi bien que de TBI. En conséquence, les individus avec un TBI et des troubles liés à la consommation de substances psycho-actives peuvent plus facilement sengager dans le traitement si on peut leur apporter une motivation concrète pour assister aux sessions de traitement initiales.
Lexistence simultanée de problèmes de santé peut placer des demandes additionnelles de traitements conçus pour une de ces conditions en isolement. Ce qui nest pas clair cest si de simples adaptations (ex. des stratégies compensatoires dans le cas de TBI concomitant) ou dautres adaptations mineures au traitement sont tout ce qui est nécessaire, ou si une approche de traitement fondamentalement différente est requise. Par exemple, les exigences de traitement pour des individus doublement diagnostiqués de troubles liés à la consommation de substances psycho-actives et de maladie mentale sévère engendraient un Traitement Intégré de Double Problématique (IDDT en américain). 15 Cette approche de traitement a introduit des idées comme la conceptualisation de cas holistique et lorganisation de composants de traitement pour mieux sattaquer à la complexité de la manifestation clinique de troubles concomitants. La complexité des troubles liés à la consommation de substances concomitants au PTSD, TBI, ou les deux peut nécessiter que de nouveaux concepts de traitement soit développés pour sattaquer avec succès à ces troubles combinés. Un programme de recherche systématique et, si indication il y a, un développement de traitement représente la première priorité, en particulier pour le personnel militaire déployé autrefois qui a expérimenté un TBI, un PTSD, et des troubles liés à la consommation de substances.
Informations sur les auteurs
| | Correspondance: Thomas B. Cole, MD, MPH, JAMA, 515 N State St. Chicago, Il 60654 (tbcole{at}bellsouth.net).
Liens financiers : Aucun na été déclaré.
Affiliation de lauteur : Département de Médecine Physique et de Réadaptation. Université de lEtat de lOhio, Columbus (Dr Corrigan). Le Dr Cole est Rédacteur Collaborateur, JAMA.
BIBLIOGRAPHIE
| |
1. Fear NT, Iversen A, Meltzer H, et al. Patterns of drinking in the UK armed forces. Addiction. 2007;102(11):1749-1759.
PUBMED
2. Milliken CS, Auchterlonie JL, Hoge CW. Longitudinal assessment of mental health problems among active and reserve component soldiers returning from the Iraq war. JAMA. 2007;298(18):2141-2148.
FREE FULL TEXT
3. Tanielian T, Jaycox LH. eds. Invisible Wounds of War: Psychological and Cognitive Injuries, Their Consequences, and Services to Assist Recovery. Santa Monica, CA: RAND Corporation; 2008:492. http://veterans.rand.org. Accessed July 2, 2008.4. Kessler RC, Sonnega A, Bromet E, et al. Posttraumatic stress disorder in the National Comorbidity Survey. Arch Gen Psychiatry. 1995;52(12):1048-1060.
FREE FULL TEXT
5. Ponsford J, Whelan-Goodinson R, Bahar-Fuchs A. Alcohol and drug use following traumatic brain injury: a prospective study. Brain Inj. 2007;21(13-14):1385-1392.
PUBMED
6. Parry-Jones BL, Vaughan FL, Cox WM. Traumatic brain injury and substance misuse: a systematic review of prevalence and outcomes research (1994-2004). Neuropsychol Rehabil. 2006;16(5):537-560.
PUBMED
7. Hoge CW, McGurk D, Thomas JL, et al. Mild traumatic brain injury in U.S. soldiers returning from Iraq. N Engl J Med. 2008;358(5):453-463.
PUBMED
8. Ford JD, Russo E. Trauma-focused, present-centered, emotional selfregulation approach to integrated treatment for posttraumatic stress and addiction: trauma adaptive recovery group education and therapy (TARGET). Am J Psychother. 2006;60(4):335-355.
PUBMED
9. Lux WE. A neuropsychiatric perspective on traumatic brain injury. J Rehabil Res Dev. 2007;44(7):951-962.
PUBMED
10. Bryant RA. Disentangling mild traumatic brain injury and stress reactions. N Engl J Med. 2008;358(5):525-527.
PUBMED
11. Bradley R, Greene J, Russ E, Dutra L, Westen D. A multidimensional metaanalysis of psychotherapy for PTSD. Am J Psychiatry. 2005;162(2):214-227.
FREE FULL TEXT
12. Back SE, Brady KT, Sonne SC, Verduin ML. Symptom improvement in cooccuring PTSD and alcohol dependence. J Nerv Ment Dis. 2006;194(9):690-696.
PUBMED
13. Soo C, Tate R. Psychological treatment for anxiety in people with traumatic brain injury. Cochrane Database Syst Rev. 2007;(3):CD005239.14. Corrigan JD, Bogner J. Interventions to promote retention in substance abuse treatment. Brain Inj. 2007;21(4):343-356.
PUBMED
15. Drake RE, Essock SM, Shaner A, et al. Implementing dual diagnosis services for clients with severe mental illness. Psychiatr Serv. 2001;52(4):469-475.
FREE FULL TEXT
ARTICLES EN RAPPORT
Cette semaine dans le JAMA-Français
JAMA. 2008;300:623.
Texte Complet
Consommation d'alcool et problèmes liés à l'alcool avant et après le déploiement militaire au combat
Isabel G. Jacobson, Margaret A. K. Ryan, Tomoko I. Hooper, Tyler C. Smith, Paul J. Amoroso, Edward J. Boyko, Gary D. Gackstetter, Timothy S. Wells, et Nicole S. Bell
JAMA. 2008;300:663-675.
Résumé
| Texte Complet
|