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Disparités d'utilisation des défibrillateurs-cardioverteurs implantablesDépasser les évaluations des procédures en faveur des données des résultats
Rita F. Redberg, MD, MSc
AU COURS DES DERNIERES ANNEES, DES DISPARITES SIGNIFICATIVES ONT ETE
reconnues de façon croissante au sein de populations de
différents patients dans le système de
soins—disparités qui reflètent largement celles dans
d'autres aspects de la société. Un rapport de l'Institut de
Médecine de 2002 souligne ces disparités, montrant qu'il existe
de plus en plus de preuves sur les variations importantes des taux de
procédures médicales selon la race/ethnie, même lorsque le
statut d'assurance, le revenu, l'âge et la sévérité
des pathologies étaient
comparables.1
De plus, on sait depuis plusieurs années que les femmes et les
minorités raciales/ethniques ont moins de probabilité de se voir
proposer des procédures comme la cathétérisation
cardiaque, de pontages aorto-coronariens, et d'endartériectomie
carotidienne.
2-4
Les défibrillateurs-cardioverteurs implantables (DCI), introduit
pour la première fois il y a 20 ans, sont largement reconnus comme un
traitement pouvant sauver des vies chez ceux qui ont le risque le plus
élevé de mort cardiaque brutale. L'utilisation de DCI a
augmenté de façon constante depuis que les résultats de
deux essais cliniques—le Multicenter Automatic Defibrillator
Implantation Study (MADIT-II)
5 et l'essai
Sudden Cardiac Death in Heart Failure
(SCD-HeFT)6 -
ont montré que les DCI procurait un bénéfice sur la
mortalité lorsqu'ils étaient utilisés en
prévention primaire. A la fin de 2004, les critères Medicare de
couverture des DCI en prévention primaire ont été
largement accrues pour inclure des patients ayant une insuffisance cardiaque
de classe II ou III de la New York Heart Association et une fraction
d'éjection ventriculaire gauche inférieure à
35%.7
Dans ce numéro du journal du JAMA, 2 études fournissent des
informations importantes sur qui reçoit et qui ne reçoit pas de
DCI. Curtis et
collaborateurs8
ont analysé les données d'un échantillon national de 5%
de bénéficiaires Medicare entre 1999-2005 et on trouvé
que, chez les bénéficiaires de sexe masculin Medicare en 2005
qui répondaient aux critères de prévention primaire,
32.3/1000 avaient reçu un DCI au cours de l'année du diagnostic.
Toutefois, les défibrillateurs étaient implantés chez
seulement 8.6/1000 des bénéficiaires de sexe féminin.
Aussi, bien que les services des Centers for Medicare & Medicaid aient
atteint leur objectif prévu de 25 000 implantations de DCI au cours de
la première année suivant l'extension de la couverture,
celles-ci ont été réalisées pour la plupart chez
des hommes. De même, Hernandez et collaborateurs 9 ont utilisé
les données de la base de données sur l'insuffisance cardiaque
"Get with the Guidelines" entre 2005-2007 et ont trouvé que
35.4% des patients qui étaient éligibles pour DCI recevaient une
implantation avant leur sortie. Mais, de nouveau, les femmes et les
minorités raciales/ethniques avaient moins de probabilité que
les hommes blancs d'avoir une implantation d'un DCI. Par rapport aux hommes
blancs, les hommes noirs avaient seulement 73% de probabilité de
recevoir un DCI tandis que les femmes blanches et noires avaient
respectivement seulement 62% et 56% de chances de recevoir un DCI. Aussi,
l'implantation d'un DCI semble être une autre procédure dans la
liste des procédures qui ont moins de chances d'être
proposées aux femmes et aux minorités raciales/ethniques, et ces
données soulignent à nouveau les profils préoccupants de
l'inégalité des soins. Comme avec d'autres études, le
statut de l'assurance maladie ne semble pas lié à cette
différence de traitement et n'explique pas de toutes façons les
différences au sein de la population Medicare.
Les raisons expliquant que l'implantation de DCI diffère autant
selon le sexe et la race/ethnie ne sont pas claires. Peut-être, comme le
note l'auteur, certaines des différences sont dues à des
facteurs cliniques.
Ainsi, les femmes ont plus de probabilité d'avoir une insuffisance
cardiaque avec fonction systolique conservée, ce qui ne répond
aux critères d'implantation de DCI. Les femmes tendent aussi à
être plus âgées et à avoir plus de
comorbidités lorsqu'elles sont diagnostiquées avec une
insuffisance cardiaque. Jusqu'à un certain point les différences
de taux d'utilisation des DCI peuvent simplement refléter les
résultats des essais cliniques, qui incluent pour la plupart des hommes
blancs et des données pour démontrer le bénéfice
d'utilisation des DCI chez les femmes. Par exemple, MADIT-II (16% femmes) a
n'a rapporté aucun bénéfice des DCI chez les femmes
(l'étude n'a pas rapporté de statistiques concernant les
patients noirs). De même, SCD-HeFT (23% femmes) n'a trouvé aucun
bénéfice des DCI chez les femmes (risque relatif, 0.96).
SCD-HeFT a aussi trouvé un bénéfice non significatif
(risque relatif, 0.75) chez les patients non blancs (24% des participants de
l'étude). Il est aussi possible que les femmes, les minorités ou
les deux refusent les défibrillateurs à des fréquences
plus élevés que ne le font les hommes blancs; en effet, des
données sur le refus des patients des DCI (et autres systèmes
invasifs) seraient utiles.
Ayant identifié ces différences d'utilisation des DCI, ces
rapports ont soulevé une question plus fondamentale: les taux plus
faibles d'implantation de DCI chez les femmes et les minorités
conduisent-ils à des résultats plus médiocres? Curtis et
al8 fournit les premières données d'une expérience
"réelle" pour répondre à cette question et
les résultats sont troublants, mais pas pour les raisons attendues.
Après ajustement sur les comorbidités, les auteurs ont
trouvé que les bénéficiaires Medicare qui recevaient des
implants DCI en prévention primaire n'avaient aucun
bénéfice en termes de réduction de la mortalité
toutes causes. En d'autres termes, les mauvaises nouvelles pourraient ne pas
être pour les femmes et les minorités, mais pour les hommes
blancs qui subissent une procédure, pour une prévention
primaire, mais qui n'a pas montré de bénéfice sur en
terme de prolongation de la vie.
Pourquoi ces observations rapportées par Curtis et al sont-elles
différentes des résultats des essais cliniques
randomisés? Les patients dans les essais cliniques sont plus jeunes et
en meilleure santé que la population
Medicare,10
et il peut ne pas être raisonnable d'attendre le même
bénéfice des implantations de DCI dans une population plus
âgée et plus souffrante qui a plus de causes concurrentes de
décès. Une récente analyse chez 2467 implantations de DCI
au Canada a trouvé que les receveurs de DCI âgés de 65
à 74 ans avaient deux fois plus de probabilité de
décéder et deux âgés de 75 ans ou plus avaient
trois fois plus de probabilité de décéder que ceux de
moins de 65 ans.
11 De
même, les patients ayant des comorbidités avaient un
bénéfice plus faible sur la mortalité et un risque plus
élevé de mortalité associé à l'implantation
d'un DCI.
Curtis et al notent que le traitement par DCI n'était pas
randomisé et suggèrent que les bénéficiaires
Medicare qui reçoivent un DCI peuvent avoir un risque plus
élevé que ceux qui n'en reçoivent pas. Toutefois les
investigateurs ont fait un ajustement sur l'âge, les
comorbidités, l'année de la cohorte et la probabilité de
traitement, diminuant la probabilité de cette explication. De plus, il
est au moins raisonnable de supposer que les patients qui avaient un risque
plus élevé de décès en raison de
comorbidités et un âge plus avancé auraient moins de
probabilité de recevoir un DCI. Dans chaque cas, les données
Medicare concernant la mortalité chez les patients qui reçoivent
un DCI sont perturbantes.
Même si les benefices des DCI sur la mortalité ne sont pas
confirmés, quelle est l'influence des DCI sur la qualité de vie?
Malheureusement, les données sont aussi ici peu encourageantes. Dans
une étude basée sur des interviews les participants de l'essai
MADIT-II, la qualité de vie liée à la santé
(mesurée à l'aide d'un score HU
13, une
échelle 0-1 décrivant la qualité de vie liée
à la santé et considérée comme une source
appropriée de préférences pour calculer la qualité
ajusté sur les années de vie pour être utilisée
dans les analyses de
rentabilité12)
commençait en étant basse et s'améliorait (de 0.646
à l'état de base à 0.678 après 3 ans) chez ceux
randomisés dans le groupe conventionnel (non-DCI), mais diminuait dans
le groupe DCI (de 0.637 à 0.601 après 3
ans).13 Les
investigateurs déclarent que « depuis que nous n'avons
trouvé aucun bénéfice statistiquement significatif de la
qualité de vie ajusté sur les années [QALY]... nous avons
conclu que le rapport de rentabilité à 3 ans serait
supérieur à $235,000/QALY avec une confiance à
95%." Dans une étude antérieure, le modèle de
Markov pour MADIT-II avait rapporté une rentabilité
incrémentale estimée de $53 100, ce qui supposait une
augmentation de 1.47 de la QALY liée au DCI et un coût de $27 975
pour un DCI à simple
chambre.14
En pratique réelle, de nombreux patients n'ont pas de
bénéfice sur la qualité de vie et reçoivent des
systèmes plus complexes et coûteux; par exemple, environ 25% des
patients du registre de prévention primaire SEARCH-MI avaient
reçu un système de resynchronisation
cardiaque.15
A la fin, les investigateurs MADIT-II sur la qualité de vie avaient
conclu que les effets indésirables du DCI sur la qualité de vie
liée à la santé, avec une qualité de vie plus
faible chez les survivants, pouvait compenser les bénéfices des
DCI sur la survie à trois ans.
13
Aussi, la question à un million est la suivante: est-ce que trop peu
de DCI en prévention primaire sont implantés chez les femmes (et
les minorités) et est-ce que trop de DCI sont implantés chez les
hommes (blancs)? La question clinique et politique importante peut ne pas
être pourquoi les femmes et les bénéficiaires noirs
Medicare ont moins de probabilité de recevoir un DCI, mais quels
bénéficiaires Medicare tireront un bénéfice des
DCI? Pour répondre à cette question, des études doivent
aller au-delà du simple rapport des évaluations des
procédures, comme les taux d'implantation, mais doivent inclure les
résultats cliniques, comme la survie et la qualité de vie
après implantation d'un DCI en prévention primaire et
secondaire. En rapportant les premières données sur des
résultats concernant les DCI au sein de la population Medicare,
l'étude par Curtis et al devrait stimuler un dialogue national sur
cette question cruciale.
Aussi, en plus de leurs observations concernant les disparités
d'utilisation des DCI, les études de Curtis et al et Hernandez et al
soulèvent, peut-être par hasard, un problème plus
sérieux. leurs rapports sont importants, mais sont les premiers pas
pour comprendre comment optimiser l'administration des soins cardiovasculaires
aux Etats-Unis. Leur travail souligne l'importance des données
concernant les résultats des nouveaux traitements comme les DCI,
rapportées selon le sexe et la race/ethnie, pour déterminer si
tous les patients bénéficient des progrès des soins.
Informations sur les auteurs
| | Correspondance: Rita F. Redberg, MD, MSc, Women's Cardiovascular
Services, UCSF Division of Cardiology, 505 Parnassus Ave, Suite M-1180, School
of Medicine, Division of Cardiology, San Francisco, CA 94143-0124
(redberg{at}medicine.ucsf.edu).
Les éditoriaux représentent les opinions des auteurs et du
JAMA et pas celles de l'American Medical Association.
Liens financiers: Le Dr Redberg rapporte avoir reçu des
honoraires de conférence à des symposium sur la santé de
la femme de Guidant et Medtronic et doit parler à un symposium sur les
maladies cardiaques chez les femmes sponsorisé par St Jude Medical.
Affiliation de l'auteur: Women's Cardiovascular Services,
University of California-San Francisco Division of Cardiology, School of
Medicine, Division of Cardiology, San Francisco, California.
BIBLIOGRAPHIE
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ARTICLES EN RAPPORT
Cette semaine dans le JAMA
JAMA. 2007;298:1481.
Texte Complet
Différences selon le sexe d'utilisation des défibrillateurs-cardioverteurs implantables dans la prévention primaire et secondaire de la mort cardiaque brutale
Lesley H. Curtis, Sana M. Al-Khatib, Alisa M. Shea, Bradley G. Hammill, Adrian F. Hernandez, et Kevin A. Schulman
JAMA. 2007;298:1517-1525.
Résumé
| Texte Complet
Différences sexuelles et raciales dans l'utilisation des défibrillateurs-cardioverteurs implantables chez des patients hospitalisés avec une insuffisance cardiaque
Adrian F. Hernandez, Gregg C. Fonarow, Li Liang, Sana M. Al-Khatib, Lesley H. Curtis, Kenneth A. LaBresh, Clyde W. Yancy, Nancy M. Albert, et Eric D. Peterson
JAMA. 2007;298:1525.
Résumé
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