DR DELBANCO: Monsieur P. est un homme d'affaires retraité de 63 ans,
qui a été obèse la plus grande partie de sa vie, a de
l'hypertension et une hyperlipidémie depuis au moins 20 ans, et a
reçu un diagnostic de diabète il y a environ 10 ans. Il est
marié et a de nombreux enfants et petits enfants. Il
bénéficie d'une assurance privée et est suivi dans des
services de soins primaires hospitaliers à Boston.
Selon Monsieur P. et sa famille, il a présenté une mauvaise
observance aux divers régimes thérapeutiques proposés
pendant plus de 20 ans. En 1988, un AVC suspecté d'origine hypertensive
ne lui a laissé aucune séquelle. En 1996, il a été
hospitalisé pour une cellulite du pied. En 1998, il s'est
présenté à l'hôpital avec un angor
accéléré qui a nécessité un pontage
aorto-coronarien. Il n'a plus souffert de douleur thoracique depuis. La
même année, Monsieur P. a eu une embolie pulmonaire, dont il
s'est remis sans incident. Il a présenté des douleurs
rachidiennes intermittentes. Il souffre actuellement d'une douleur invalidante
de la hanche, associée à de l'arthrose, et doit subir la mise en
place d'une prothèse de hanche au cours des prochaines semaines. Il
présente une dysfonction érectile sévère depuis
environ 8 ans. Diverses modifications de ses traitements et un essai de
sildénafil n'ont pas amélioré sa fonction sexuelle.
Monsieur P. a été un grand fumeur, mais il a
arrêté en 1982. Aujourd'hui, il fume occasionnellement des
cigares. Il boit peu ou pas d'alcool, tout au plus 2 bières dans la
journée. Il a longtemps très peu pratiqué d'exercice,
mais comme il le dira par la suite, a été physiquement plus
actif au cours des 2 dernières années. Il présente une
lourde histoire familiale d'obésité, de cardiopathie
artério-scléreuse et d'hypertension. De nombreux
médicaments lui ont été prescrits, incluant
l'allopurinol, l'aspirine, l'aténolol, l'atorvastatine, l'amlodipine,
le furosémide, le glyburide, l'insuline, l'ibuprofène, le
lisinopril, et la metformine.
Lors d'un récent examen, sa pression artérielle était
de 162/94 mm Hg en décubitus au repos, avec un large brassard. Son
pouls, de 60/mn, était régulier; il n'était pas
tachypnéique. Il pesait 120 kg pour 1,78 m; au cours des 10
dernières années, son poids a varié de 111 kg à
127 kg. Il présente une rétinopathie diabétique non
proliférante minime, mais pas de rétinopathie hypertensive.
Aucune anomalie cardiaque ou signes d'insuffisance cardiaque congestive
n'étaient observés. Les poumons étaient clairs, et
l'examen de l'abdomen ne révélait qu'une obésité
abdominale. Les chevilles présentaient 2 oedèmes avec signe du
godet positif; les pouls périphériques étaient pleins. Le
patient avait une sensibilité à la hanche et une démarche
antalgique lors de l'utilisation d'une canne. Les résultats d'examen
neurologique étaient normaux, sans signe de déficit
résiduel consécutif à son AVC.
Lors de récentes analyses biologiques, son contrôle
glycémique était bon, avec un taux d'hémoglobine
glyquée de 5,7%. Ses taux de créatinine et d'azote
uréique sanguin étaient normaux, mais il présentait une
microalbuminurie et une fréquente glycosurie. Son taux calculé
de LDL (low-density lipoprotein)-cholestérol était de 46 mg/dL
(1,19 mmol/L), et son taux d'acide urique de 6,4 mg/dL. Sa fonction
thyroïdienne était normale, ainsi que ses résultats de
tests de la fonction hépatique, ses taux de calcium sanguin et sa
numération formule sanguine.
Monsieur P.: SON POINT DE VUE
La plupart des médecins casent 5 rendez-vous dans 1 heure. Mais ce
n'est pas faisable, alors on est obligé de rester là à
attendre indéfiniment. Et je n'aime pas ça. Je sais que beaucoup
de gens sont toujours en retard. Moi c'est l'inverse. Ce n'est pas grave
d'attendre quelques minutes, mais quand les minutes se transforment en une
heure d'attente, ma pression artérielle monte. Ensuite, quand il la
prend, elle atteint des sommets. Pour moi, c'est de la faute des
médecins. Mais j'imagine que c'est dans leur nature d'être comme
cela.
J'ai du mal à faire les choses comme il faut. J'essaie de faire de
mon mieux. Ce que je préfère, c'est manger. Je ne bois pas, je
ne fume pas, mais je mange. C'est comme si je faisais un festin 5 soirs par
semaine. Ça ressemble à ça. Dans ma famille, j'ai appris
que lorsqu'il y a 13 bouches à nourrir, on doit manger tout ce qu'il y
a dans l'assiette. Mais ce n'est plus vrai aujourd'hui. Je me dois de
repousser mon assiette.
Je me suis mis à la gymnastique parce que mon médecin me
disait que je devais perdre du poids. La gym s'est
révélée être une bonne chose. J'y ai
rencontré des gens, et c'est devenu une habitude quotidienne, une bonne
habitude. J'y suis allé pendant toute une année. J'ai perdu 27
kg, et je n'avais plus de pilules. Et puis en janvier, il y a un an, j'ai
commencé à avoir des problèmes de hanche. Je ne pouvais
plus faire d'exercice ni marcher. Je ne pouvais plus aller à la gym. Et
comme je n'allais plus à la gym, je me suis mis à manger
davantage, et j'ai arrêté de perdre du poids. Je suis redevenu
comme j'étais avant. Alors j'espère qu'après mon
opération, je pourrai y retourner. C'était très
important, la gym.
Mme P.: SON POINT DE VUE
Il a vu beaucoup de médecins tout au long de notre vie commune. En
premier lieu, je pense que les médecins doivent regarder les patients,
les regarder dans les yeux quand ils leur parlent. Ils sont souvent
débordés, et je peux le comprendre. On attend parfois 45
minutes, pour ne rester que 10 minutes dans le cabinet. On aimerait qu'ils
nous regardent et prennent le temps de nous dire: « Est-ce que tout va
bien? »
Dr Z.: SON POINT DE VUE
Il vient généralement me voir seul, et on passe quelques
minutes ensemble. C'est assez difficile de l'amener à parler vraiment,
surtout quand je suis absorbé à essayer de comprendre ce qui
s'est passé depuis la dernière fois où je l'ai vu. Il
manque des rendez-vous de temps en temps. Je ne suis jamais vraiment convaincu
qu'il prend ses médicaments, même si je suis plus confiant depuis
que sa femme est plus impliquée dans ses soins. Je ne sais vraiment pas
ce qu'il connaît de sa maladie. Il ne me répond que par une
phrase ou par monosyllabe. Et je ne sais jamais vraiment ce qui se passe dans
sa tête.
Cela faisait longtemps que je lui disais, « Vous devez faire de
l'exercice. Vous devez manger moins. Faites ceci, faites cela. » J'ai
essayé tout ce qui concerne la nutrition et la modification du
comportement, la ritournelle habituelle de l'interniste, sans jamais vraiment
de succès. Et subitement, il s'est mis à la gymnastique. Il a
perdu du poids. Sa pression artérielle s'est abaissée. Il avait
un meilleur équilibre glycémique et lipidique, et j'ai
été converti. C'est très rare de voir cela chez les
patients.
Il déteste m'attendre. Il a calculé de venir tôt le
matin, pour le premier rendez-vous. Mais il ne compte pas vraiment sur moi
là-dessus. Cela se lit sur son visage. Quand je lui présente mes
excuses, il me répond: « Ça va. » J'entends le
« Ça va », et je sais que ce n'est vraiment pas le cas.
Ce n'est pas un patient qui refuse les choses en disant: « Pourquoi
devrais-je faire cela? » ou « Dois-je vraiment faire cela?
». Quand il a une réaction de rejet, je pense qu'il agit sans
m'en parler. C'est une forme de résistance silencieuse, et il doit
probablement se dire « Mon médecin est fou de me faire avaler
tous ces trucs. Je ne suis pas sûr d'en avoir besoin. Je vais bien.
» Mais finalement, je pense qu'il prend beaucoup des choses que je lui
prescris, et qu'il est probablement indisposé par certaines, par
périodes. En ce moment, sa pression artérielle est
élevée, et je suis sûr que c'est parce qu'il prend trop
d'AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens). Il a augmenté
sa dose tout seul, et il n'a pas pu m'en parler ou a pensé qu'il ne
devait pas le faire.
C'est terriblement difficile de jongler avec plusieurs médicaments.
C'est peut-être plus difficile lorsqu'ils sont nombreux qu'en nombre
restreint, parce qu'il faut mettre au point un système. Aujourd'hui, sa
femme représente clairement ce système. Je ne pense pas qu'il
sache vraiment quels nombres de médicaments il prend au total, mais il
sait si les choses vont mal ou bien. Si je lui demandais
d'énumérer ses médicaments, il se tournerait vers sa
femme pour avoir son aide.
Pendant un moment, il voyait une infirmière de notre équipe,
et c'était utile. Mais il n'a jamais vraiment adhéré. Il
voulait voir le médecin. Je pense que c'était sa manière
d'être socialisé, et celle dont il voulait se comporter. Je n'ai
jamais réussi à faire très bien fonctionner le travail
d'équipe. Mais nous verrons ce que nous réservera l'avenir.
AU CARREFOUR: QUESTIONS AU DR BODENHEIMER
La prise en charge de Monsieur P. a-t-elle suivi les principes de la
médecine factuelle? En quoi ces principes sont-ils liés à
son évolution? Si les patients ne bénéficient pas
suffisamment de ce type de prise en charge, qui est responsable? Comment les
soins primaires peuvent-ils intégrer la médecine factuelle dans
la vie des patients? Comment les consultations de soins primaires peuventelles
améliorer leur prise en charge des patients ayant des facteurs de
risques cardiovasculaires? Comment peut-on aider Monsieur P. à aller
mieux?
DR BODENHEIMER: Pendant ses 10 années de suivi de Monsieur P., le Dr
Z. a utilisé des recommandations fondées sur les
preuves.1-3
Il s'est appliqué à lui donner des conseils de régime et
d'exercice, et lui a prescrit les médicaments adéquats.
Cependant, Monsieur P. a eu de sérieux problèmes avant d'aller
consulter le Dr Z., avec une histoire de tabagisme, d'hypertension, un profil
lipidique défavorable, et un AVC survenu à la quarantaine. Dans
la mesure où la prévention primaire avait échoué,
le Dr Z. devait redresser la situation en pratiquant une prévention
secondaire.
Monsieur P. a été traité sur la base de la
médecine factuelle, mais cette pratique semble avoir
échoué dans son cas. Les consultations effectuées en
2001, 2003, 2004 et 2006 révélaient une pression
artérielle non contrôlée. Son indice de masse corporelle
tournait autour de 38, bien au-dessus du seuil d'obésité de 30.
Entre 2004 et 2006, son taux de HbA1c fluctuait entre 5 % et 8,8 %. Son taux
de cholestérol total est passé de 132 mg/dL (3,42 mmol/L) en
2004 à 256 mg/dL (6,63 mmol/L) en 2005, avec un abaissement à
118 mg/dL (3,06 mmol/L) en 2006. Alors que Monsieur P. était
traité conformément aux preuves, la médecine factuelle ne
lui pas été véritablement profitable.
Pourquoi la médecine factuelle échoue-t-elle souvent?
L'expérience de Monsieur P. n'est pas unique. Des études
nationales montrent que les recommandées fondées sur les preuves
relatives à la réduction des facteurs de risques
cardiovasculaires, qui ont fait l'objet de recherches bien menées et
ont été largement diffusées aux médecins du pays,
aboutissent souvent à un échec. Soixante-cinq pour cent des
hypertendus ont un mauvais contrôle de la pression
artérielle,4
62 % des patients avec des taux de LDL-cholestérol élevés
n'atteignent pas les objectifs
lipidiques,5
et 63 % des diabétiques présentent un taux de HbA1c
supérieur à 7
%.6
Pour de nombreux cliniciens, la médecine factuelle consiste en 2
étapes: la recherche des preuves et l'assimilation des preuves par les
cliniciens. Cependant, pour que les patients puissent en tirer un
bénéfice, il est nécessaire que les cliniciens appliquent
les preuves aux multiples visites, que les patients comprennent les
recommandations, et qu'ils les intègrent dans leur vie.
La pratique de la médecine factuelle doit consister en une
procédure de 5 étapes:
- Étape 1: La recherche des preuves.
- Étape 2: Les cliniciens assimilent les données.
- Étape 3: Les cliniciens utilisent ces données à
chaque visite pour chaque patient.
- Étape 4: Les cliniciens veillent à ce que les patients
comprennent les données.
- Étape 5: Les cliniciens aident et encouragent les patients
à intégrer les données dans leur vie.
Une fois ces étapes franchies, la responsabilité devient du
domaine du patient. Cependant, si nous cliniciens, nous arrêtons
après l'étape 2 sans procéder à la totalité
des 5 étapes, alors nous sommes défaillants, ou trahis -de
même que nos patients- par le système dans lequel nous
pratiquons.
Quelles sont les performances du système de santé américain aux Étapes 3, 4 et 5?
Étape 3. Les cliniciens n'utilisent pas les données de la
science à chaque visite et pour chaque patient. Dans de nombreux cas,
les résultats intermédiaires insatisfaisants des patients avec
diabète, hypertension, et hyperlipidémie, sont associés
à la non-application systématique des principes de la
médecine factuelle par les médecins. Dans une évaluation
nationale de la performance des médecins sur 439 indicateurs de
procédure pour 30 troubles médicaux plus soins
préventifs, les patients ne recevaient que 55 % des soins
recommandés.7
Tandis que les critères d'évaluation concernent tant les actions
des médecins que des patients, les indicateurs de procédure sont
plus étroitement associés au travail des médecins.
Étape 4. Les cliniciens manquent souvent d'informer les patients sur
les données de la science. Une étude nationale de 2002 a
trouvé que 55 % des patients diabétiques rapportaient recevoir
une éducation sur le
diabète.8
Dans une étude enregistrée sur bande magnétique audio de
336 consultations médicales avec 34 médecins, ces derniers
consacraient une moyenne de 1,3 minute à informer les patients, bien
qu'ils estimaient consacrer une moyenne de 8,9 minutes à cette
activité. Quatrevingt-huit pour cent des informations étaient
formulés en langage
technique.9
Alors que les médecins attribuent fréquemment la non-observance
du traitement au comportement du patient, une étude démontrait
que 3 médecins sur 4 ne donnaient pas d'instructions claires aux
patients sur la manière de prendre leur
traitement.10,11
Les cliniciens pourraient également ne pas consacrer suffisamment de
temps à traiter les préoccupations des patients. Dans une
étude de 264 consultations de médecins de famille,
enregistrées sur bande magnétique audio, les patients qui
avaient commencé à parler de leur problème étaient
interrompus après une moyenne de 23 secondes. Dans 25 % des visites, le
médecin n'interrogeait jamais le patient sur ses
préoccupations.12
Trois études indépendantes sont parvenues à des
conclusions qui peuvent être résumées par la «
règle du 50 % ». L'une a trouvé que 50 % des patients
sortaient d'une consultation sans comprendre ce que leur avait dit le
médecin.13
Dans la deuxième, lorsque des médecins demandaient aux patients
de répéter les instructions du médecin, les patients
répondaient de manière incorrecte dans 47 % des
cas.14 Une
troisième étude rapportait que 50 % des patients, lorsqu'il leur
était demandé de dire comment ils devaient prendre un
médicament prescrit, n'avaient pas compris le mode de
prescription.15
Lorsqu'il a été demandé à Monsieur P. de dire
quels médicaments il prenait, il a été incapable de le
faire. Sa femme, en revanche, avait compris précisément les
prescriptions. Pour les 90 millions d'adultes estimés ayant un niveau
limité de connaissances médicales, les médecins doivent
particulièrement veiller à rendre leurs conseils
compréhensibles.16
Étape 5. Souvent, les médecins n'aident pas ni n'encouragent
les patients à intégrer dans leur vie les recommandations
fondées sur les preuves. Selon une étude de plus de 1 000
visites enregistrées sur cassette audio, incluant 124 médecins,
les patients participaient aux décisions médicales dans
seulement 9 % des
cas.17
Alors que la moitié des patients interrogés
préféraient laisser la décision finale à leur
médecin, 96 % souhaitaient se voir offrir des choix et être
interrogés sur leur
opinion.18
Les patients sont plus susceptibles d'être des participants actifs
à leur prise en charge lorsque leur médecin encourage cette
participation.19
La relation participative entre le patient et le médecin est l'un
des facteurs les plus favorisants de comportements
sains.20,21
Dans une étude de 752 patients d'origines ethniques diverses, l'apport
d'informations et la prise de décision participative étaient
associés à une meilleure observance des traitements, du
régime diététique et de
l'exercice.22
Dans une étude d'intervention, les patients incités à
participer plus activement à la visite clinique présentaient une
réduction des taux moyens de HbA1c, qui passaient de 10,6 % à
9,1 %, tandis que ceux des témoins augmentaient de 10,3 % à 10,6
% (p <
0,01).23
Pour les patients diabétiques, des associations significatives sont
observées entre la diffusion d'informations, la prise de
décision participative, les comportements plus sains et
l'amélioration des
résultats.24-26
La relation participative entre le patient et le médecin se
révèle le facteur le plus favorisant de l'observance
thérapeutique. Plus la participation du patient est active, plus le
niveau d'observance est élevé, et plus grandes sont les chances
de voir le patient s'engager dans des comportements sains en termes de
régime et d'exercice
physique.11,27,28
Monsieur P. était apparemment en désaccord avec certaines
décisions cliniques prises par le Dr Z., même si ces
décisions étaient fondées sur les preuves. Monsieur P. a
clairement déclaré que « L'un de [ses] objectifs est de
[se] débarrasser de toutes [ses] pilules. » Il comprenait qu'il
avait besoin des pilules, mais il n'en voulait pas; en conséquence, il
ne les prenait pas régulièrement.
Pourquoi la médecine factuelle n'est-elle pas systématiquement intégrée dans la vie des patients?
Aux États-Unis, entre 62 % et 65 % des patients avec hypertension,
hypercholestérolémie, et diabète ont un mauvais
contrôle de ces
désordres.4-6
S'agit-il d'un problème lié au patient, au médecin, ou au
système de soins ? Ce problème ne peut pas être
corrigé dans l'ignorance.
Le mauvais contrôle de la maladie ne peut pas être
attribué aux patients si les médecins omettent - comme le
suggère la précédente discussion - d'appliquer la
médecine factuelle à chaque consultation de chaque
patient,7 de
diffuser les informations d'une manière compréhensible pour les
patients,10-15
et de prendre les décisions en collaboration avec ceux qui
préfèrent cette forme de prise de
décision.17,19
S'il ne s'agit pas d'un problème lié au patient, ces
défaillances sont-elles dues au médecin ou au système? De
nombreux cliniciens travaillent dans une atmosphère d'urgence,
saturée de demandes simultanées; plus le nombre de ces demandes
est important dans les consultations des patients diabétiques, plus le
contrôle glycémique est
mauvais.29
Il est probable que ces problèmes liés au système soient
des facteurs contributifs fréquents du mauvais contrôle de la
maladie.
Les médecins peuvent ne pas utiliser les recommandations
basées sur les preuves à chaque visite pour chaque
patient,7 ne
pas fournir les informations adéquates aux
patients,10,15
et ne pas engager une prise de décision
participative17,19
par manque de temps. Mme P. a confirmé que le manque de temps
était un facteur intervenant dans la prise en charge de son mari:
«...on attend parfois 45 minutes pour ne rester que 10 minutes dans le
cabinet. » La durée moyenne d'une consultation de soins primaires
par patient établi est de 16 à 18
minutes,30-32
et les tâches que ces médecins doivent accomplir ne cessent de
croître. Ainsi, la prise en charge du diabète est aujourd'hui
bien plus complexe et plus longue qu'il y a dix
ans.33 Il a
été estimé qu'un médecin aurait besoin de 7,4
heures par jour travaillé pour fournir tous les soins préventifs
recommandés à un panel de patient
typique,34
et 10,6 heures additionnelles par jour pour dispenser des soins chroniques de
qualité
élevée.35
Wagner a introduit le concept de « tyrannie de l'urgence ». Dans
les visites comportant des problèmes multiples, les problèmes
aigus supplantent la gestion des soins
chroniques.36
Dans le cadre d'une consultation standard, l'administration
systématique de soins conformes aux recommandations est hors de
portée de la plupart des médecins de soins primaires.
En Angleterre, les centres de soins primaires avec des temps de
consultation plus longs avaient des scores significativement meilleurs sur les
indicateurs de qualité pour le diabète, l'asthme, et les
coronaropathies, que ceux aux temps de consultation plus
courts.37,38
Aux États-Unis, les consultation de soins primaires plus courtes
dispensent moins de services préventifs et d'éducation
sanitaire, et ont des scores inférieurs sur les critères
relatifs à la satisfaction des patients et à la relation
médecin-patient.39,40
Les médecins britanniques ne passent pas nécessairement plus
de temps avec leurs patients (en moyenne 5-9 minutes prévues) que les
médecins américains (10-20
minutes),40
mais les cabinets britanniques emploient des infirmières pour effectuer
les activités de soins préventifs et chroniques, de nombreuses
visites ne concernent que des renouvellements d'ordonnance, et les patients
plus gravement malades peuvent être soignés à domicile.
Deux études indépendantes ont trouvé que les patients
sont moins actifs dans la recherche d'information lors des consultations
durant moins de 18
minutes.41,42
La longueur de la consultation en cabinet est un facteur prédictif
majeur de la participation du patient à la prise de décision
clinique43;
selon une étude, les visites doivent durer au moins 20 minutes pour
impliquer effectivement les patients dans les
décisions.44
En résumé, la consultation de 15 à 18 minutes et le
manque subséquent de participation et d'éducation du patient
pourraient constituer des raisons essentielles expliquant le mauvais
contrôle de la maladie chez plus de 60 % des patients avec hypertension,
hypercholestérolémie et diabète.
Intégration de la médecine factuelle dans la vie des patients
Un nouveau paradigme de soins des patients avec pathologies chroniques et
facteurs de risque a fait l'objet d'un large consensus dans des
établissements de santé des États-Unis et de nombreux
autres pays: le modèle de soins
chroniques.45
Ce modèle met en lumière le fait que les soins chroniques de
qualité nécessitent une « équipe soignante
préparée et proactive interagissant avec un patient
motivé et informé. »
Le modèle de soins chroniques professe que dans ce contexte, l'une
des tâches fondamentales de l'équipe soignante est le soutien
à l'autogestion - ce que les professionnels de santé font pour
aider et encourager les patients à devenir informés et
motivés.46
L'Institute of Medicine définit le soutien à l'autogestion par
« l'administration systématique d'interventions
éducationnelle et de soutien pour renforcer les aptitudes des patients
et leur confiance dans la gestion de leurs problèmes de santé,
incluant une évaluation régulière des progrès et
des problèmes, l'établissement d'objectifs, et le soutien
à la résolution des
problèmes.»47
Dans le soutien à l'autogestion, j'inclurais un certain nombre
d'activités requérant d'une équipe qu'elle
- diffuse des informations,
- enseigne les savoirs spécifiques à la maladie,
- négocie une modification saine du comportement,
- renforce l'aptitude à résoudre les problèmes,
- apporte un soutien dans l'impact émotionnel lié à la
maladie chronique,
- assure un suivi régulier et soutenu,
- encourage la participation active dans la prise en charge de la
maladie.
Alors que ce modèle est axé sur le patient informé et
motivé, la femme informée et motivée de Monsieur P. nous
rappelle que pour de nombreux patients, la gestion des soins chroniques
devrait être axée sur la famille informée et
motivée. Monsieur P., qui posait rarement des questions à son
médecin et qui, la plupart du temps, plaçait ses soins
médicaux au bas de son échelle des priorités, se
révélait être un patient passif et non informé.
Cependant, il est devenu fortement actif et accompli dans la gestion de sa
maladie par le biais de son programme d'exercice à la gym; pendant
cette période, il a pu perdre énormément de poids et
contrôler ses multiples facteurs de risque. Plus récemment, il a
été confronté à un sérieux obstacle: sa
douleur invalidante à la hanche. Les patients diabétiques qui
ont une douleur chronique présentent plus de difficultés
à suivre un régime diététique, à
s'impliquer dans une activité physique, et à prendre
régulièrement leurs médicaments.48 Ils peuvent en outre
souffrir de dépression; les patients comme Monsieur P., qui ont perdu
toute motivation, doivent être évalués pour rechercher une
dépression potentielle.
Comme le démontre le cas de Monsieur P., même si l'apport
d'informations est optimal, comme c'est vraisemblablement le cas pour lui, il
est insuffisant pour améliorer les résultats. Une revue sur
l'éducation des patients diabétiques a démontré
que dans 33 études sur 46, l'éducation améliorait les
connaissances des patients sur leur maladie, mais elle n'améliorait
effectivement le contrôle glycémique que dans 18 études
sur 54.21
Seize études contrôlées randomisées sur
l'éducation des patients sur l'hypertension ont trouvé que
l'éducation seule n'est pas associée à des
réduction de la pression
artérielle.49
Une revue de 12 études sur l'asthme a conclu que l'éducation des
patients seule n'améliorait pas les symptômes associés
à l'asthme, pas plus qu'elle ne réduisait les visites aux
urgences liées à cette
maladie.50
L'éducation en elle-même n'augmente pas non plus le degré
d'observance des patients aux médicaments
prescrits.51
L'enseignement des savoirs spécifiques à la maladie pourrait
être la composante la plus importante du soutien à l'autogestion.
Ainsi, la surveillance à domicile de la glycémie ne semble pas
en soi améliorer le contrôle glycémique chez les patients
avec un diabète de type 2 sous traitement oral, et son
efficacité est contestable chez ceux traités par
insuline.52
Il n'est pas suffisant de mesurer, enregistrer et noter sa glycémie: il
est nécessaire de comprendre le sens de ses valeurs et la
manière d'ajuster le régime, l'exercice physique ou les doses
thérapeutiques en fonction de ces valeurs. Les patients avec un
diabète de type 2 qui apprennent à autoréguler leurs
doses d'insuline sur la base des taux de glycémie à domicile ont
un meilleur contrôle glycémique que ceux qui ne le font
pas.53
L'adoption d'un comportement sain est une activité de soutien
à l'autogestion toujours dépourvue de données
concluantes. Certaines données de la littérature
suggèrent un bénéfice si les patients choisissent un
objectif et acceptent un plan d'action concret tendant vers cet
objectif.54
Une revue de 92 études sur les comportements diététiques
a conclu que l'établissement d'objectifs ou la planification d'action
étaient associés à une consommation inférieure de
graisses et supérieure de fruits et
légumes.55
Une revue indépendante a trouvé 32 % de 28 études en
faveur de l'établissement d'objectifs ou de la planification d'action
pour l'adoption d'un régime et d'une activité physique.56 Les
American Diabetes Association, American Association of Diabetes Educators, et
American Heart Association recommandent l'établissement d'objectifs
comme un élément contribuant à la réduction du
risque cardiovasculaire.
Un suivi soutenu et régulier des comportements relatifs au mode de
vie et au traitement est nécessaire dans le soutien à
l'autogestion. Les patients diabétiques qui bénéficient
d'un suivi régulier ont des taux de HbA1c plus favorables que ceux qui
en sont
dépourvus.57
Les bénéfices du soutien à l'autogestion pour les
patients diabétiques diminuent au fil du temps en l'absence de suivi
régulier, et le temps total consacré aux patients par les
soignants est corrélé au contrôle
glycémique.58
De même, le suivi régulier est nécessaire pour la prise en
charge de
l'hypertension,49
et des revues d'études sur des insuffisants cardiaques sortis de
l'hôpital révèlent que le suivi effectué par des
infirmières est associé à d'importantes réductions
des réadmissions pour insuffisance cardiaque et, dans certains cas,
à des réductions de la
mortalité.59,60
La continuité des soins et la confiance accordée au
médecin sont également des facteurs essentiels dans le soutien
à l'autogestion. Une revue de 41 articles examinant l'association entre
la continuité des soins et 81 critères de soins (incluant les
critères de soins préventifs et chroniques, les taux
d'hospitalisation, et la qualité de la relation médecin-patient)
a trouvé que la continuité était associée à
une amélioration des résultats dans 51 des 81
critères.61
La confiance accordée au médecin par le patient a
été associée à une amélioration de
l'observance au traitement, à des comportements plus favorables
à la santé, et à une continuité des
soins.62
Comment les consultations de soins primaires peuvent-elles dispenser un soutien à l'autogestion?
Si les soins primaires sont réellement axés sur une
consultation de 15 à 18 minutes, comment est-il possible d'administrer
les composantes du soutien à l'autogestion qui nécessitent du
temps, notamment le suivi régulier et soutenu? Des visites
supplémentaires avec des éducateurs sanitaires, des
thérapeutes du comportement, et des pharmaciens pourraient certainement
apporter une contribution. Cependant, comme l'a noté Monsieur P., de
nombreux patients n'aiment pas rechercher des soins médicaux, tant
parce qu'ils ont d'autres priorités dans la vie que parce que la
plupart ne souhaitent pas passer leurs jours à recevoir des soins. Le
meilleur moment pour aborder les patients est celui de leur consultation
clinique régulière, en transformant la consultation de 15
minutes en une rencontre plus longue, afin de permettre aux patients comme
Monsieur P. de bénéficier en même temps d'un soutien
à l'autogestion, comme en un « point multiservices ».
Les équipes des centres de soins primaires plus importants
comprennent généralement plusieurs professionnels de
santé, notamment des infirmières, des éducateurs
sanitaires, des pharmaciens, des travailleurs sociaux, des assistants
médicaux, ainsi que des réceptionnistes. Le « tandem
» est un sous-groupe de cette grande équipe. Il se compose d'un
clinicien et d'une autre personne. L'autre personne serait idéalement
une infirmière ou un éducateur sanitaire, mais dans la plupart
des centres de soins primaires, l'autre moitié du tandem est plus
susceptible d'être un assistant médical. Pour mener le soutien
à l'autogestion, l'assistant médical nécessiterait une
formation complémentaire portant sur l'enseignement des connaissances
spécifiques à la maladie, sur le travail avec les patients sur
les objectifs comportementaux et les plans d'action, et sur la
réalisation d'un suivi régulier par téléphone ou
par voie électronique.
Dans ce modèle, la consultation de 15 minutes avec le médecin
serait prolongée par une rencontre post-consultation, lors de laquelle
l'assistant médical passerait du temps avec le patient. À cette
occasion, l'assistant médical entraîné s'assurerait que le
patient a compris tout ce qui s'est passé pendant la consultation,
l'éduquerait et complèterait ses connaissances
spécifiques à la maladie, et engagerait le patient dans
l'établissement d'objectifs comportementaux et dans des plans d'action.
Entre les visites, l'assistant médical effectuerait des suivis par
téléphone ou par voie électronique pour vérifier
l'adhésion du patient aux objectifs comportementaux et au traitement.
Certains centres de soins primaires américains ont institué
certains éléments de ce modèle, bien qu'aucune
étude n'ait encore été effectuée pour
évaluer son efficacité; la généralisation de son
adoption nécessiterait en outre une réforme du paiement des
soins primaires afin de rembourser les activités de soutien à
l'autogestion.63
Monsieur P. était-il un patient non observant?
À la question « Pourquoi un si grand nombre de vos patients
hypertendus sont-ils mal contrôlés? », la moyenne de la
communauté des médecins répond « Parce qu'ils sont
non observants.
»11 Si
l'on pose la même question à un médecin universitaire, la
réponse typique est « qu'ils sont non adhérents. »
En fait, la définition de l'observance et de l'adhérence est la
même,64,65
et ces deux concepts peuvent être
contreproductifs.66
Les patients sont-ils non observants s'ils figurent parmi les 50 % qui ne
comprennent pas ce qui s'est passé pendant la consultation?
13 Les
patients sont-ils non observants s'ils ne sont pas impliqués dans les
décisions relatives à leur prise en charge 16 et s'ils sont
potentiellement en désaccord avec la prescription du médecin?
Enfin, les patients sont-ils non adhérents à un programme
d'exercice s'ils vivent dans un quartier présentant un taux d'homicide
élevé, dépourvu d'infrastructures sportives?
Une approche valable consisterait à simplement constater que «
Ce patient ne prend pas ses médicaments », et d'en rechercher les
raisons. Est-ce une question de coût, de mésentente sur le
traitement (le patient ne comprenant pas comment le médicament doit
être
pris15),
d'effets indésirables, de manque de croyance que le médicament
améliorera sa vie, ou du nombre excessif de pilules aux schémas
d'administration complexes? Il est plus judicieux de résoudre le
problème par des recherches plutôt qu'en apposant
l'étiquette de non-observance.
La médecine factuelle s'accordait mal avec les objectifs de vie de
Monsieur P. Il travaillait dur, aimait la vie, aimait manger, et
détestait ses pilules. Pendant la plus grande partie de sa vie, il a
choisi d'être un patient passif et non informé. Si son
équipe soignante (1) s'était assurée qu'il comprenait les
meilleures données de la science concernant la prise en charge de sa
maladie et (2) avait travaillé en collaboration avec lui pour
rechercher un terrain d'entente sur la manière d'équilibrer ses
objectifs de vie avec les objectifs cliniques, alors la défaillance de
Monsieur P. à intégrer les données de la science dans sa
vie aurait relevé de sa responsabilité, de son choix. La plupart
des cliniciens qualifieraient Monsieur P. de non-observant; l'autre solution
consisterait à dire que ses priorités et la manière dont
il a choisi de passer son temps diffèrent des objectifs de ses
soignants. Pour Monsieur P., comme pour de nombreux patients
diabétiques, le traitement de ses problèmes de santé
pouvait nécessiter deux ou trois heures par
jour.67 Le
soutien à l'autogestion (diffusion d'informations, éducation,
négociation de plans d'action pour encourager une modification du
comportement réalisable, aide à la résolution des
problèmes, traitement de la charge émotionnelle due à la
maladie chronique, et administration d'un suivi régulier) aide et
encourage les patients à faire converger les priorités de leur
vie vers les objectifs de leur médecin. Cela fonctionne parfois, et
d'autre fois non.
Ce qui est très étonnant dans le cas de Monsieur P., c'est
que pour une quelconque raison, il s'est temporairement transformé d'un
patient non informé et passif en un patient actif, lorsqu'il a
embrassé l'activité physique en se mettant à la
gymnastique; ce faisant, il a intégré la médecine
factuelle dans sa vie et a amélioré son poids, sa pression
artérielle, ainsi que ses taux de HbA1c et de cholestérol.
L'histoire de Monsieur P. illustre le fait que le patient actif est un facteur
majeur dans l'évolution des maladies chroniques. Déterminer ce
qui l'a aidé à se motiver et essayer de le reproduire pourrait
l'aider à retrouver une impression de contrôle sur sa
maladie.
CONCLUSION
De nombreux patients n'obtiennent pas un contrôle adéquat de
leurs facteurs de risque cardiovasculaires, notamment parce que les
systèmes de soins dans lesquels une majorité de médecins
exerce ne leur permettent pas de bénéficier du temps
nécessaire pour pratiquer une médecine factuelle à chaque
consultation et pour chaque patient, pour veiller à ce que les patients
comprennent les données, et pour les aider et les encourager à
les intégrer dans leur vie. Afin de remédier à cette
situation, les centres de soins primaires doivent être rendus
responsables de l'accomplissement de ces activités, et être
remboursés adéquatement afin de pouvoir mettre en place des
équipes soignantes à même de collaborer avec les
médecins dans l'acquittement de cette charge.
QUESTIONS ET COMMENTAIRES
DR DELBANCO: Pensez-vous que dans le futur, les ordinateurs pourraient
être des membres de ces « tandems » et occuper une fonction
quelconque? Qui va payer les acteurs des tandems? Devrions-nous recueillir ces
fonds auprès des cardiologues, des gastroentérologues, ou
auprès du Président Bush? Vous allez me dire qu'il n'y a pas de
coût additionnel, mais permettez-moi d'en douter.
DR BODENHEIMER: Il y a beaucoup d'obstacles à la mise en place des
tandems. L'un d'eux réside dans le fait qu'elle implique une
modification de la description des professions, ce qui n'est pas simple. Elle
implique des formations. Cependant, la raison pour laquelle ce projet de
tandem n'est pas seulement une création de mon imagination, c'est que
certaines personnes fonctionnent déjà dans une large mesure de
cette manière.
Le système de soins de l'université de l'Utah, qui a recours
à des assistants médicaux dans une fonction étendue, en
constitue un exemple intéressant. Une autre organisation qui a en
grande partie adopté ce type de restructuration de soins primaires est
le Health Partners Medical Group dans le Minnesota. En fait, ils effectuent
des préconsultations, des consultations, des suivis post-consultation,
et des soins entre les
visites.63
En ce qui concerne les coûts de ce modèle, je vais vous donner
l'exemple du Neighborhood Healthcare, qui est un centre de santé
communautaire de San Diego. En tant que centre médical
agréé par l'État, il bénéficie d'un taux
majoré pour les patients bénéficiaires du Medicaid. Selon
le directeur médical, qui possède également un MBA
(maîtrise en administration des affaires), si chaque médecin voit
1 patient Medicaid supplémentaire par jour à ce taux de paiement
majoré, cela rembourserait les assistants médicaux
supplémentaires
nécessaires.63
Chaque centre de soins primaires doit étudier s'il y a matière
à établir un modèle de type tandem; certains le pensent.
Cependant, le problème est complexe. C'est un énorme
défi.
Je pense que les ordinateurs pourraient effectuer certaines fonctions du
soutien à l'autogestion dans de nombreuses situations. Probablement 50
% des visites aux médecins ne sont pas nécessaires. Elles sont
inutiles pour le patient comme pour le médecin, et pourraient
être effectuées par la voie électronique - qui est
beaucoup plus rapide, beaucoup plus pratique pour le patient, et plus
brève pour le médecin. Une grande partie du soutien à
l'autogestion et du travail de suivi peut être effectuée par
ordinateur. Mais certaines personnes ont réellement besoin d'une
interaction en face à face. C'est certainement nécessaire
parfois. Certaines personnes sont cependant très à l'aise pour
faire les choses par ordinateur.
QUESTION: Votre modèle d'autogestion et de motivation du patient
fonctionne-t-il sur l'ensemble du spectre des savoirs et de l'éducation
des patients?
DR BODENHEIMER: Nous avons effectué une petite étude sur des
plans d'action relatifs au changement de comportement dans 4 consultations
d'hôpitaux publics et 4 cabinets
privés.54
Nous avons appelé les patients une fois qu'ils ont
élaboré des plans d'action avec leur médecin. Dans la
mesure où les données étaient auto-rapportées, il
ne s'agit pas d'une étude de référence. Le pourcentage de
personnes parvenant à une réelle modification du comportement,
sur la base d'un plan d'action élaboré en concertation avec leur
médecin, était identique dans les hôpitaux publics et les
cabinets privés. On pense toujours que les personnes de bas statut
socioéconomique, avec un niveau inférieur de connaissances
médicales, ne peuvent pas faire ce genre de choses. Mais elles le
peuvent.
QUESTION: La discontinuité des soins perturbe les relations. Comment
gérez-vous cela?
DR BODENHEIMER: Le problème de la continuité des soins,
surtout dans un service universitaire, réside dans le fait que les
médecins sont là un jour et sont ailleurs le lendemain.
Pourrait-on créer une continuité avec un tandem que les patients
considéreraient comme le pourvoyeur de cette continuité? Cela
dépend beaucoup de la fonction de l'autre membre du tandem. Si c'est
une infirmière, c'est parfait. Mais la plupart des centres de soins
primaires ne peuvent s'offrir des infirmières, alors nous essayons
différents membres du personnel soignant.