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Importance d'une évaluation et d'une optimisation des aptitudes à la communication
Gregory Makoul, PhD;
Raymond H. Curry, MD
On considère généralement que la recherche
publiée à la fin des années 60 par le Dr Korsch et ses
collègues1,2
constitue le fondement sur lequel s'appuient les études actuelles
portant sur la relation entre patient et médecin. Depuis lors,
plusieurs séries d'études ont fait le rapprochement entre une
communication effective et une meilleure satisfaction du patient et du
médecin, une adhésion plus étroite aux thérapies
proposées, des décisions médicales plus
appropriées, de meilleurs résultats sur la santé et moins
de plaintes en matière de faute
professionnelle.3,6
Sur la base d'observations factuelles, des recherches récentes
fournissent des directives concernant certains aspects spécifiques des
interactions entre patient et médecin tels que salutations et
dévoilement de
soi.7,8
En outre, des enquêtes continuent d'indiquer que les médecins
restent la source préférée des informations sur la
santé,9
ce qui met en évidence l'importance d'une éducation effective et
du counseling du patient.
De la même manière que la trajectoire des recherches, les
initiatives en matière d'éducation et d'accréditation ont
évolué.10
En effet, l'accent mis sur la communication s'étend maintenant à
l'ensemble des études et de la pratique médicale. Aux
États-Unis et au Canada, les facultés de médecine doivent
enseigner et évaluer les aptitudes à la communication pour
maintenir leur accréditation. On considère qu'un
élément essentiel de la compétence d'un médecin
résident (ou interne de spécialité) ou traitant
dépend de ses habiletés interpersonnelles et de ses aptitudes
à la communication.
11,13
Depuis juin 2004, la United States Medical Licensing Examination (USMLE)
comprend une évaluation des aptitudes
cliniques.14
Connue sous le nom de USMLE Step 2 CS, cette évaluation, qui se
concentre sur des interactions standardisées avec les patients, est
administrée dans cinq centres de formation régionaux aux
États-Unis.
Comme le relève l'article du Dr Tamblyn et de ses
collègues15
publié dans ce numéro du JAMA, la communication figure en
exergue dans le USMLE Step 2 CS ainsi que l'examen des aptitudes cliniques que
délivre le Conseil médical du Canada (CMC). Le Dr Tamblyn et ses
collègues ont mené une étude de cohorte auprès de
3 424 médecins de l'Ontario et/ou du Québec qui ont subi
l'examen d'aptitudes cliniques du CMC entre 1993 et 1996. Ces médecins
ont été suivis en 2005 afin de déterminer une relation
éventuelle entre leurs résultats en communication à
l'examen CMC et les taux de plaintes formulées par les patients
concernant la communication et la qualité des soins. Les chercheurs ont
découvert que, pour les médecins de l'étude, les indices
de communication patient-médecin variaient considérablement et
qu'une diminution standard de 2 points dans les résultats en
communication était associée à environ une plainte
additionnelle retenue par 100 années de pratique.
La différence n'est pas énorme, mais elle gagne en importance
quand on la combine avec la conclusion qu'on peut étroitement associer
les résultats en communication du quartile inférieur avec les
plaintes des patients. Il s'avère que, lors d'une évaluation
standardisée des aptitudes cliniques, des scores communicationnels
médiocres indiquent un risque accru de plaintes déposées
par les patients auprès des autorités de réglementation
à l'encontre de médecins praticiens canadiens. L'étude ne
dit pas clairement si les médecins aux scores médiocres sont
confrontés à certains types particuliers de plaintes ni si les
médecins des 3 quartiles supérieurs sont confrontés
à des plaintes d'un modèle différent. Quoi qu'il en soit,
cette étude longitudinale suggère que le fait d'identifier ces
déficits en communication parmi les médecins et le fait d'y
remédier de manière appropriée permettrait de
dégager en amont des avantages considérables. Bien qu'on ne
puisse pas transposer directement l'expérience canadienne au USMLE Step
2 CS qui affiche un taux très élevé de réussite
des candidats dès leur premier essai, la question se pose: que faire
pour améliorer les aptitudes des candidats qui échouent?
Autre question importante: le fait de recueillir des données au plan
local peut-il avoir une valeur prédictive? En l'élargissant au
passé, on peut appliquer la logique de l'étude Tamblyn et
collègues aux évaluations faites pendant les années de
formation médicale. Par exemple, le Dr Papadakis et ses
collègues16
ont relevé une étroite association positive entre un
comportement non professionnel pendant les études médicales et
des actions disciplinaires prises par un conseil médical de
l'État. Les associations les plus fortes concernaient des comportements
décrits comme « irresponsables » et affichant peu de
sensibilité aux réactions. Leur étude associe
également, mais dans une moindre mesure, performance académique
médiocre et action disciplinaire. L'utilité potentielle de ce
travail a été largement reconnue si bien que la
fédération des conseils médicaux (Federation of State
Medical Boards) a rendu accessible à chaque faculté de
médecine américaine l'ensemble des données relatives aux
actions disciplinaires prises par le conseil médical de n'importe quel
État à l'encontre des diplômés de cette
faculté spécifique (selon une communication écrite
datée du 18 juillet 2007 de Tim R. Knettler, MBA, vice-président
du Member Resource Centers and Services/directeur financier par intérim
de la Federation of State Medical Boards).
Les habiletés et comportements communicationnels
évalués par l'examen MCM des aptitudes cliniques se distinguent
en bien des points des déficiences de comportement professionnel
étudiées par le Dr Papadakis et ses collègues, mais les
deux études démontrent qu'il est possible de prédire des
difficultés dans la pratique médicale sur la base des
évaluations de la performance académique. Il est cependant
essentiel d'assurer la fiabilité de ces évaluations. En termes
d'examens d'aptitudes cliniques, cette fiabilité peut être
améliorée en augmentant le nombre de cas et en améliorant
la qualité de la formation des patients standardisés. Il n'est
pas facile d'orienter vers la clémence ou la
sévérité les tendances des patients standardisés
et ces tendances peuvent s'immiscer dans les décisions concernant la
réussite ou l'échec des étudiants. C'est pourquoi,
certains enseignants médicaux commencent à utiliser des analyses
statistiques fondées sur la théorie de la réponse
à l'item afin d'établir des scores « vrais » et de
mieux calibrer leurs évaluations.
17,18
En assumant que l'on puisse, de manière fiable, identifier les
problèmes, médecins en formation et médecins traitants
doivent envisager comment y remédier. Il existe de nombreuses approches
pour enseigner les aptitudes à la communication. De nombreuses
facultés médicales combinent la discussion, des
expériences avec des patients simulés et des enregistrements
vidéos pour offrir les principes de base d'un apprentissage de la
communication. Certaines écoles vont plus loin et se concentrent sur
les aptitudes plus sophistiquées requises notamment pour annoncer de
mauvaises nouvelles. Les ateliers pour médecins résidents et
médecins traitants ne manquent pas et peuvent durer quelques heures ou
plusieurs jours. Bien que ces ateliers aient des effets variables, il semble
que même les plus courts apportent des changements positifs si,
plutôt que de couvrir trop de terrain en une fois, ils se concentrent
sur des comportements de communication
particuliers.19
Quant à savoir si la formation à la communication est en soi
le meilleur remède pour des candidats dont la performance, lors de
l'examen standardisé des aptitudes cliniques, laisse à
désirer, la question reste ouverte. On peut raisonnablement s'attendre
à ce que des candidats déploient leurs meilleurs efforts pendant
un examen duquel dépend explicitement l'autorisation de pratiquer.
Ainsi que le signale l'étude de Tamblyn et
collègues,15
« parmi les interactions patient-médecin susceptibles de recevoir
un score faible figurent: les comportements condescendants, offensants ou
arbitraires ou encore la non prise en compte des réponses du patient
pendant la rencontre ». Il s'agit là de comportements sans
nuances. Il peut être utile d'avoir avec les candidats des conversations
directes concernant les attitudes et les émotions qui ont
généré, par exemple, une communication irrespectueuse
pendant la rencontre en question. Il est peu probable qu'un examen des
aptitudes cliniques soit la première manifestation d'un tel
comportement.
Cette observation souligne l'importance de s'intéresser tôt et
souvent aux aptitudes et perspectives professionnelles au cours de la
formation médicale.
20 En termes
de communication, les initiatives pourraient inclure ce qui suit:
évaluation plus systématique des aptitudes interpersonnelles
lors de la procédure d'admission, meilleur rapprochement entre les
expériences tant d'externat que d'internat médical et une
formation précoce à la communication et, enfin, meilleure
intégration de la communication dans l'examen des aptitudes cliniques.
L'idée fait son chemin. Un plus grand nombre de facultés
médicales sont en train de développer une approche qui,
basée sur la compétence, met l'accent sur les aptitudes
interpersonnelles et l'habileté à communiquer. Cette approche va
de pair avec l'encadrement mis en place pour les programmes d'internat et pour
le maintien de la certification. Dans le même temps, les laboratoires
d'aptitudes cliniques et les compétences des patients simulés
s'étendent maintenant à toutes les facultés
médicales américaines et gagnent rapidement les centres de
post-doc et de formation médicale continue. La découverte que
les scores des examens d'aptitudes cliniques prédisent les plaintes des
patients représente un pas important vers la stimulation des efforts
visant à améliorer tant la formation médicale que les
soins thérapeutiques.
Informations sur les auteurs
| | Correspondance: Gregory Makoul, PhD, Center for Communication and
Medicine, Northwestern University Feinberg School of Medicine, 676 N St Clair,
Suite 200, Chicago, IL 60611
(makoul{at}northwestern.edu).
Liens financiers: Aucun rapporté.
Affiliations des auteurs: Center for Communication and Medicine,
Department of Medicine and Division of General Internal Medicine, Northwestern
University Feinberg School of Medicine, Chicago, Illinois.
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ARTICLES EN RAPPORT
Cette semaine dans le JAMA
JAMA. 2007;298:953.
Texte Complet
Notes des médecins à un examen national d'aptitudes cliniques en tant que facteurs prédictifs de plaintes auprès des organismes de réglementation de la profession médicale
Robyn Tamblyn, Michal Abrahamowicz, Dale Dauphinee, Elizabeth Wenghofer, André Jacques, Daniel Klass, Sydney Smee, David Blackmore, Nancy Winslade, Nadyne Girard, Roxane Du Berger, Ilona Bartman, David L. Buckeridge, et James A. Hanley
JAMA. 2007;298:993-1001.
Résumé
| Texte Complet
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